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Actualités - ANALYSE

Crise économique : comme un frémissement du côté loyaliste...

La belle au bois dormant s’éveille enfin. Cessant de défendre l’insoutenable «tout va pour le mieux...» plaidé lors du débat sur le Budget, le gouvernement montre par son comportement même qu’il reconnaît enfin l’existence d’une sérieuse crise socio-économique, dont le manque de liquidités en ville n’est pas le moindre indice. Ainsi, tandis que la Banque centrale annonce une série de mesures techniques, le Conseil des ministres commence à se pencher sur le dossier d’ensemble et indique qu’il compte lui consacrer plusieurs séances, pour étudier en profondeur problème après problème, secteur après secteur...
C’est, semble-t-il, le chef de l’Etat qui a surtout tiré la sonnette d’alarme, en traitant de la question avec nombre de visiteurs avisés (économistes, hommes d’affaires, banquiers, législateurs) avant d’en entretenir le Conseil. Là, M. Elias Hraoui mettant le doigt sur l’une des plaies a souligné les lamentables performances de la perception fiscale, dénonçant ensuite les douteuses prouesses de ministres et de députés qui ne paient pas leurs taxes, impôts ou quittances... Il a également rappelé que, dans les cercles politiques, on ne parle que de scandales, de magouille, de gaspillage, de gabegie, de détournements de fonds, laissant entendre qu’il n’y a pas de fumée sans feu et lançant un vibrant appel pour qu’il soit mis un terme sans tarder à cette scabreuse kermesse...
Cela étant, M. Hraoui reste amateur de discrétion là où c’est à la fois possible et recommandable, dans ce sens qu’au cours du dernier Conseil à Baabda il a fustigé ceux qui organisent des fuites informationnelles en direction des médias. Invitant les ministres à respecter la règle du silence, il a lancé: «On ne peut plus dire un mot devant le Conseil sans qu’il soit rapporté et publié dans la presse». Et comme vous voyez, il a bien raison.
Mais bien évidemment l’essentiel de la philippique présidentielle était consacré à la corruption et aux abus flagrants, dont l’art de la resquille que les ministres pratiquent quand il s’agit d’honorer leurs notes d’électricité, d’eau, de gardiennage ou de téléphone. Sans le nommer, M. Hraoui a fait écho aux propos tenus par M. Walid Joumblatt sur «le requin de la finance», dont lui-même avoue faire partie et qui évoluent dans les parcs maritimes réservés du pouvoir. Cette insistance présidentielle encourage nombre de parlementaires qui affirment avoir l’intention de faire campagne Place de l’Etoile pour qu’on ouvre effectivement les dossiers et qu’on procède à des sérieuses enquêtes en vue d’un nettoyage effectif des écuries d’Augias. L’un de ces députés souligne que «le président Berry, le ministre Joumblatt et maintenant le président Hraoui, cela fait trop de dénonciations portées sur la scène publique par de hauts officiels pour qu’on continue à faire la sourde oreille et à fermer les yeux. Il faut que tout soit tiré au clair et pour cela le Parlement mais aussi le parquet doivent enquêter sans tarder. L’opinion est partagée entre la nausée, la dérision et l’envie d’envoyer paître une République aussi pourrie, aussi branlante».
«On ne peut plus, poursuit cette personnalité, continuer à se moquer du monde et à s’abriter derrière l’argument spécieux, tout à fait nul en regard de la loi, selon lequel les accusations ayant été portées par des personnages publics et ayant par là une portée politique la justice ne peut en tenir compte car elle ne fait pas de politique. Il y a des délits, il y a des crimes au sens juridique qui ont été commis. La justice a le droit et le devoir impérieux de s’en saisir. Sans cela, autant dire adieu à tout espoir de combattre la corruption, un mal très grave car on y trouve l’une des causes principales du dramatique appauvrissement des Libanais».
Mais en pratique on bute sur cet étrange phénomène: le flou artistique dans lequel les dénonciateurs de base plongent leurs accusations. Ni M. Berry ni M. Joumblatt n’ont rapporté de faits précis ni cité de noms. Et personne jusqu’à présent ne leur a fait remarquer qu’ils en ont dit ou trop ou pas assez et que dans un Etat de droit cela n’est tout simplement pas permis quand on est un citoyen et a fortiori un responsable.
Pour en revenir au problème économique, un opposant, tout en soulignant que «le gouvernement s’incline enfin devant les réalités», juge que «l’on continue quand même à faire fausse route. En effet, le gouvernement n’a pas modifié l’ordre de ses priorités, continuant à préférer le bétonnage si l’on peut dire au social et traitant les problèmes en vase clos, sans consulter les spécialistes ou les organismes économiques concernés. Le secteur productif continue à être négligé au profit du secteur foncier ou spéculatif. On continue à inciter le capital à se transformer en bons du Trésor plutôt qu’à se traduire en usines et entreprises diverses. Tous les efforts visent simplement à assurer de nouvelles ressources pour couvrir les augmentations de salaires dans une Administration surchargée de parasites. Et il est probable qu’en définitive, plutôt que de faire payer les ministres, on va se rabattre sur le contribuable de base, le pressurer encore une fois, en augmentant l’essence et d’autres produits indispensables...». Alors que selon la CGTL une saine gestion des dépenses publiques permettrait d’éviter un gaspillage chronique qui se chiffre à 20% du montant du Budget. Et à ce propos, aux parlementaires qui s’indignent de la cécité gouvernementale, on peut rappeler qu’eux-mêmes ont leur part de responsabilité dans le manque de ressources du Trésor, puisqu’ils ont rajouté quelque 200 milliards de L.L. aux dépenses improductives prévues dans le Budget...

Ph.A-A.
La belle au bois dormant s’éveille enfin. Cessant de défendre l’insoutenable «tout va pour le mieux...» plaidé lors du débat sur le Budget, le gouvernement montre par son comportement même qu’il reconnaît enfin l’existence d’une sérieuse crise socio-économique, dont le manque de liquidités en ville n’est pas le moindre indice. Ainsi, tandis que la Banque centrale...