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Actualités - REPORTAGE

Les travaux de construction d'un premier pont entre l'avenue Fouad Chehab et Tabaris doivent commencer incessamment Une voie rapide, reliant le ring à Sin El Fil, menace de scinder Achrafieh en deux (photos)

«Achrafieh el-Tahta» et «Achrafieh el-Fawka» ou bien «rive droite» et «rive gauche» ou encore «Achrafieh du nord» et «Achrafieh du sud» ou peut-être... Les appellations sont nombreuses pour exprimer une triste réalité. Au nom de la reconstruction et du développement, ce vieux quartier à l’est de la capitale est menacé d’être scindé en deux par une voie rapide sans feux qui le traversera de l’ouest vers l’est à partir de Tabaris, en passant par l’avenue Charles Malek, la rue St-Nicolas, Sofil, Fassouh jusqu’à Sin el-Fil. Une voie qui serait jalonnée d’une série de ponts au niveau des carrefours qui seraient ainsi tous condamnés. La première étape de ce désastre urbain — puisqu’il faut bien appeler les choses par leur nom — est prévue dans les prochains jours avec le lancement des travaux de construction d’un pont au niveau de Tabaris. Ce viaduc en béton qui s’inscrit dans le prolongement de l’avenue Fouad Chehab enjambera l’avenue Georges Haddad jusqu’à la place de Tabaris où deux murs de soutènement condamneront les accès à la rue du Liban et à la rue Chéhadé (voir schémaI)
C’est ce qu’on apprend des riverains de cette place dont plusieurs ont entrepris depuis des mois un dialogue avec Solidere et le Conseil de développement et de reconstruction pour les amener à revenir sur ce projet. Si les responsables de la société foncière en charge de la reconstruction du centre-ville n’ont exprimé aucune objection à ce que le pont envisagé soit remplacé par un tunnel, il n’en est pas de même pour le CDR qui persiste à croire, selon les mêmes sources, que l’établissement d’un viaduc est moins coûteux et plus rapide que le percement d’un tunnel.
Désengorger les routes
du centre-ville

Au départ, la construction du pont avait été envisagée dans le cadre d’un projet de réaménagement de l’infrastructure routière dans les secteurs limitrophes du centre-ville, dont le plan directeur avait éte voté en 1994 par le Parlement. Son principal objectif est de désengorger les routes du centre-ville par la création d’une série d’artères parallèles reliant les deux secteurs de la capitale, sans passer par son centre. Le projet est certes des plus opportuns, étant donné les problèmes de la circulation. Mais là où le bât blesse, c’est qu’il serait réalisé au détriment des quartiers limitrophes du centre-ville, dont Achrafieh aujourd’hui, et, qui sait, plus tard peut-être Hamra, le quartier de Béchara el-Khoury...
Les riverains de la route, allant de Tabaris jusqu’à Fassouh notamment, ont en effet appris depuis quelques mois seulement que ce pont devra être suivi d’une série d’autres jusqu’à Sin el-Fil dans le cadre de l’aménagement de cette voie rapide et qu’il n’est donc que le premier maillon d’une chaîne à laquelle ils s’opposent farouchement. Cette succession de viaducs, précisent-ils, n’est pas prévue dans le plan directeur du projet approuvé. Sur le plan officiel, du moins jusqu’à présent, il n’est question que de travaux au niveau de l’avenue Georges Haddad et de l’avenue Fouad Chéhab.
Les riverains considèrent que l’établissement du pont au niveau de Tabaris a pour principal objectif de mettre les habitants d’Achrafieh devant le fait accompli: grâce à ce viaduc, la voie sera en effet dégagée jusqu’à Tabaris seulement mais elle sera principalement responsable du goulot d’étranglement qui ne manquera pas de se produire sur l’axe St-Nicolas-Sofil et qui neutralisera pas conséquent les effets escomptés de l’élargissement du pont Fouad Chéhab. Ce facteur, à lui seul, estiment les riverains, sera pris comme prétexte pour l’établissement d’une voie rapide sans feux. Or, celle-ci divisera Achrafieh en deux, provoquant l’engorgement et l’asphyxie des quartiers internes qui comprennent six hôpitaux, une quinzaine d’écoles et des centaines d’entreprises, perturbera voire détruira l’activité commerciale dans cette région et défigurera une zone urbaine qui, sans être belle, reste du moins bien aménagée, grâce notamment aux efforts du secteur privé.

Hariri a demandé la
révision du projet

Pour ces raisons, mais asssi pour les nombreuses nuisances de ce projet de (sous) développement (pollution, bruits...) les riverains du secteur affecté se sont mobilisés depuis quelques mois contre ce que le CDR envisage d’entreprendre, partant essentiellement du principe qu’il existe des solutions de substitut présentant les mêmes avantages que le projet élaboré mais pas les inconvénients. Ils ont même attiré l’attention du chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, sur la catastrphe qui risque de s’abattre sur Achrafieh. Selon eux, M. Hariri a exprimé son étonnement devant le projet et demandé au président du CDR, M. Nabil el-Jisr, de reconsidérer les plans de réaménagement de l’insfrastructure routière dans le secteur.
L’espoir né de l’intervention du chef du gouvernement sera toutefois de courte durée. Les travaux de construction du viaduc doivent commencer dans les dix jours à venir. Mais les riverains ne sont pas près de baisser les bras parce qu’ils considèrent que leur cause est juste et entendent mener le combat jusqu’au bout. «Parce que les solutions de substitut existent mais les responsables ne veulent pas les prendre en considération», s’exclament-ils indignés. Aujourd’hui, ils ont commencé une campagne de sensibilisation auprès des responsables politiques et des forces actives concernées. Les premiers résultats sont concluants.
Difficile d’ailleurs de ne pas se rallier à leur point de vue après avoir entendu leurs explications: on peut trouver mille et un inconvénients à des ponts érigés en zone urbaine mais qui contesterait la présence de tunnels s’ils ne provoquent aucune nuisance? Difficile aussi de ne pas se poser des questions: Pourquoi est-il possible de percer en quelques mois un tunnel au niveau de Bourj Abi Haydar (le pont Sélim Salam) et pas à Tabaris, surtout qu’une voie souterraine existe dans ce secteur? Pourquoi ne pas en profiter d’autant plus qu’elle remplit les conditions posées par les promoteurs du projet? Est-ce pour ne pas perturber les réseaux de l’infrastructure souterraine (conduites d’eau, câbles téléphoniques ou électriques)? S’agit-il d’une solution de facilité ou existe-t-il d’autres raisons occultées? Toujours est-il que cette tendance à négliger une infrastructure existante et en bon état au profit d’une nouvelle présentant d’innombrables défauts, est des plus curieuses.

Elargir le tunnel
existant

Lorsque le «ring» avait été construit dans les années soixante, la possibilité de construire une voie rapide avait été envisagée par les autorités à l’époque. Aussi, avait-on entrepris de percer un tunnel perpendiculaire au «ring» sous l’avenue Georges Haddad. Cette voie souterraine existe aujourd’hui. Elle est seulement fermée et n’attend qu’à être dégagée, notent les riverains de la place Tabaris et de l’avenue Charles Malek. Ce tunnel est prévu pour lier le centre-ville à la rue de Damas en passant par Sodeco où la circulation sera de nouveau en surface. «Rien n’empêche qu’il soit élargi à l’intersection de l’avenue Fouad Chéhab et de l’avenue Georges Haddad pour passer sous la place de Tabaris, au lieu du pont inesthétique qu’on nous promet et de percer d’autres au niveau des carrefours», (voir schéma II) au cas où le projet de la voie rapide à Achrafieh se concrétiserait, affirment les riverains, précisant que le coût de ce projet serait au maximum de 20% supérieur à celui prévoyant la construction de ponts. Mais le jeu n’en vaut-il pas la chadelle?
Toujours est-il qu’ils se fondent sur les exemples français et belges pour défendre leur point de vue et même s’ils rappellent que le gouvernement koweitien a construit une série de voies rapides en surface autour du centre-ville pour désengorger les axes internes, ils précisent que l’infrastructure routière au Koweit a été établie avant l’édification des quartiers urbains ou commerciaux. Les riverains de la zone — qui risque au train où vont les choses d’être proclamée sinistrée dans quelques années — déplorent vivement la manière avec laquelle les autorités traitent les Libanais. «Notre système n’est pas féodal. Les contribuables ont quand même une opinion à donner sur un projet qui les concerne», s’exclament-ils. Et de rappeler que dans tout pays civilisé, lorsqu’un plan d’urbanisme est conçu, une commission d’enquête est formée pour s’assurer que le projet en question est effectivement d’utilité publique, du moment que le contribuable participe à son financement: les plans sont exposés dans les administrations concernées pour que la population puisse formuler ses observations.
Mais peut-être est-ce trop demander d’un pays où des «happy few» ont pris l’habitude d’imposer aux Libanais ce qu’ils jugent bon pour eux même s’il ne l’est pas forcément.3
Tilda ABOU RIZK
«Achrafieh el-Tahta» et «Achrafieh el-Fawka» ou bien «rive droite» et «rive gauche» ou encore «Achrafieh du nord» et «Achrafieh du sud» ou peut-être... Les appellations sont nombreuses pour exprimer une triste réalité. Au nom de la reconstruction et du développement, ce vieux quartier à l’est de la capitale est menacé d’être scindé en deux par une voie rapide...