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Actualités - CHRONOLOGIE

L'affaire des détenus asiatiques Un compromis (peut-être) mais après le retour au calme médiatique

L’affaire des «détenus asiatiques» — qui a éclaté il y a une quinzaine de jours, donnant à voir un cafouillage sans précédent de la part de l’Etat et de ses divers services — est en voie de règlement. C’est du moins ce qu’affirment des sources judiciaires autorisées, qui précisent que ce matin, la délégation japonaise de sécurité devrait fournir au procureur général près la Cour de cassation, M. Adnane Addoum, des réponses définitives sur l’identité des détenus. Les autorités judiciaires libanaises avaient en effet remis aux membres de la délégation japonaise des photos et des photocopies des empreintes des détenus afin que les Japonais puissent mener leur propre enquête dans leurs dossiers judiciaires.
En principe, on devrait donc savoir officiellement aujourd’hui s’il y a réellement parmi les dix détenus, arrêtés à Beyrouth le 14 février dernier, trois membres de l’Armée rouge japonaise comme le laissent entendre des sources bien informées. A partir de là, le problème sera replacé dans son contexte légal et les autorités libanaises devront étudier le dossier des détenus, qui, aux yeux de la loi libanaise, ne sont coupables que de falsification de passeports et de visas. Un débat juridico-politique pourra alors s’engager avec les autorités japonaises sur l’éventualité de l’extradition de certains de ces détenus... et l’affaire pourra retrouver une sorte de rythme de croisière, après avoir causé une véritable tempête au Liban. Une tempête qui a déjà fait quelques dégâts, notamment pour le brigadier Ali Makki, chef de la section d’information au sein du service de Sûreté de l’Etat; déféré depuis hier devant le conseil de discipline. Mais que lui reproche-t-on au juste?
Selon des sources judiciaires, l’homme — qui s’était déjà distingué dans plusieurs affaires controversées dont l’assaut contre un appartement à Achkout qui s’était soldé par la mort de l’inculpé Farid Moussalli, au point que tout le monde se posait des questions sur l’étendue des pouvoirs du service de Sûreté de l’Etat — a effectué récemment une mission sécuritaire au Japon. Sitôt rentré au Liban, il a voulu procéder à l’arrestation de certains Asiatiques, installés depuis un an au Liban, dans la région de Mazraa et recyclés dans les affaires. Officiellement, ces personnes étaient soupçonnées de détenir des faux passeports et des visas falsifiés. Mais elles étaient surtout recherchées parce qu’elles étaient membres de l’Armée rouge japonaise, qui, aux yeux de l’Occident, figure sur la liste noire du terrorisme international. Selon certaines sources, les Japonais auraient même laissé entendre au brigadier libanais que ces personnes seraient aussi impliquées dans l’attaque contre le minibus syrien à Tabarja, en décembre dernier. Ce qui, ajoutent les mêmes sources, se serait avéré totalement faux.
Les sources judiciaires précisent, pour montrer que les services de sécurité auraient été manipulés par l’Occident et notamment par le Japon, que 24 heures après l’arrestation des personnes (neuf Asiatiques et une Libanaise, Oumayya Abboud), un émissaire japonais a débarqué au Liban, affirmant que les détenus étaient membres de l’Armée rouge. Comment cet émissaire a-t-il eu le temps de venir à Beyrouth et de procéder à ce genre d’affirmation si l’affaire n’avait pas été préparée à l’avance? La question mérite d’être posée, mais elle n’explique pas vraiment le cafouillage officiel, aussi bien chez les responsables politiques que chez les autorités judiciaires.

L’ampleur de l’enjeu

Là où l’affaire a commencé à se compliquer c’est lorsque les Syriens ont compris l’ampleur de l’enjeu. Non seulement quelques-unes des personnes arrêtées détiendraient d’importantes informations sur certains pays de la région, mais de plus, pour eux, l’heure de faire des concessions aussi graves — comme celles qui consisteraient à livrer à l’Occident des figures devenues des symboles pour un certain courant politique — n’aurait pas encore sonné. De surcroît, le fait que ces personnes circulent librement depuis plusieurs années sur le territoire libanais, pourrait être embarrassant pour les Syriens.
Dès lors, les responsables libanais, tant politiques que judiciaires, n’osaient plus confirmer l’existence des détenus japonais, ni même carrément parler de détenus en général. Comme si les neuf étrangers s’étaient totalement évaporés. En réalité, les sources judiciaires déclarent aujourd’hui que ces personnes étaient au siège de la Sûreté de l’Etat à Beyrouth, neuf d’entre elles ayant été arrêtées dans la capitale alors que la dixième Oumayya Abboud a été appréhendée dans la Békaa.
Certaines sources affirment que Kozo Okamoto (auteur de l’attaque contre l’aéroport de Tel-Aviv) et Mariko Yamamoto — qui avait un poste très important au sein de l’Armée rouge — auraient fait partie du premier lot des personnes arrêtées. Mais elles auraient été discrètement libérées et remplacées par d’autres personnes moins «cotées». De toute façon, ces informations n’ont pu être confirmées et le cafouillage officiel permet toutes les versions, même les plus farfelues.
Officiellement, les sources judiciaires expliquent les hésitations et les déclarations contradictoires des divers responsables par le fait que ces personnes ayant souvent plusieurs passeports, il a été impossible d’établir rapidement leurs nationalités. Il a fallu envoyer plusieurs documents au Japon et dans d’autres pays luttant contre ce qui est communément appelé le terrorisme international, attendre les réponses accompagnées de documents, établir des comparaisons, enfin, mener véritablement une enquête dans plusieurs directions.
Ce matin, la délégation sécuritaire japonaise devrait fournir au procureur général près la Cour de cassation les réponses définitives et les autorités judiciaires devront procéder à d’ultimes vérifications avant de dévoiler à l’opinion publique l’identité des personnes arrêtées. On croit toutefois savoir qu’il y aurait trois Japonais et six autres Asiatiques, venus de Malaisie, de Singapour et d’autres pays d’Extrême-Orient, en plus de la Libanaise Oumayya Abboud. Aux yeux de l’Etat libanais, les neuf étrangers seraient impliqués dans des affaires de faux passeports et de visas falsifiés. Si leur culpabilité est établie, ils devront être jugés au Liban et c’est après cela que la demande d’extradition vers le Japon serait étudiée. Pourtant, selon des sources diplomatiques, le Japon serait pressé de voir le dénouement de cette affaire, d’autant qu’il souhaiterait réaliser un coup de filet spectaculaire qui ferait un peu oublier la prise d’otages au Pérou. Mais le Liban est-il prêt à rendre ce service au Japon, au détriment de ses propres lois et surtout de ses convictions affichées? Les sources diplomatiques estiment que lorsque l’affaire sera moins médiatisée, il sera possible de trouver un compromis qui puisse satisfaire le Japon et avec lui les pays occidentaux et sauver ce qui reste de face à l’Etat libanais. En attendant la prochaine tempête.

Scarlett HADDAD
L’affaire des «détenus asiatiques» — qui a éclaté il y a une quinzaine de jours, donnant à voir un cafouillage sans précédent de la part de l’Etat et de ses divers services — est en voie de règlement. C’est du moins ce qu’affirment des sources judiciaires autorisées, qui précisent que ce matin, la délégation japonaise de sécurité devrait fournir au procureur...