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Actualités - CHRONOLOGIE

Turquie : le cabinet sous haute surveillance militaire

Le gouvernement turc à dominante islamiste de Necmettin Erbakan a repoussé au cours des dernières heures un assaut de l’opposition. Mais tout danger n’est pas écarté pour autant: le Cabinet demeure sous surveillance de la part de l’armée, gardienne farouche de la laïcité de l’Etat, instaurée par le fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Ataturk. Face à cette situation, le chef du principal parti d’opposition, M. Mesut Yilmaz, a lancé aux partis laïcs un appel pour «un gouvernement de consensus, à base étendue» «afin d’empêcher un coup d’Etat».
«Venez, suspendons tous nos désaccords pour un certain temps, pour qu’un coup d’Etat ne se produise pas. Collaborons pour que le régime ne se rompe pas; je fais un appel à la réconciliation contre un coup d’Etat» a déclaré M. Yilmaz.
Dans son appel, M. Yilmaz a affirmé que la Turquie avançait «vers l’obscurité» avec le gouvernement à dominante islamiste, formé en juin dernier par le Refah avec le Parti de la juste voie (DYP, droite) du ministre des Affaires étrangères Tansu Ciller.
«Le Refah est en fait le parti qui nuit le plus à la religion», a-t-il dit. «Il faut que nous sauvions notre pays, notre démocratie et notre religion de M. Erbakan», a-t-il ajouté.
Cet appel de M. Yilmaz, ancien premier ministre, prononcé devant le groupe parlementaire de son Parti de la mère patrie (Anap, droite), survient alors que la tension règne entre l’armée et le Parti islamiste de la prospérité (Refah) du premier ministre Necmettin Erbakan, à qui les militaires reprochent une dérive fondamentaliste.
Mardi, le Parlement avait rejeté par 281 voix contre 246 une motion de censure déposée contre le gouvernement par deux partis de gauche qui l’accusaient de «protéger les mouvements menaçant la structure laïque de l’Etat».
Mais une épreuve autrement plus difficile attend M. Erbakan vendredi, à l’occasion d’une réunion du tout-puissant Conseil national de sécurité (MGK) devant porter sur les activités fondamentalistes dans le pays.
Ce conseil, qui réunit le chef de l’Etat, le premier ministre, les ministres de la Défense, de l’Intérieur et des Affaires étrangères, le chef des services de sécurité et les plus hauts responsables militaires, est en principe purement consultatif mais chacun sait en Turquie que ses désirs sont des ordres.
«Le sort du gouvernement dépend de cette réunion», a ainsi déclaré Aydin Manderes, l’un des vice-présidents du Refah, connu pour ses positions modérées, au journal «Hurriyet».

Trois coups d’Etat

«La Turquie ne peut rester longtemps dans une situation où tous les matins, on s’interroge sur la possibilité d’un coup d’Etat», a ajouté M. Menderes dont le père, Adnan Menderes, premier ministre, avait été renversé par un putsch en 1960 et pendu l’année suivante.
Selon des analystes, le conseil de vendredi ne devrait pas exiger la démission du gouvernement mais pourrait adresser un ultime avertissement à M. Erbakan contre tout propos ou acte anti-laïc. Il pourrait également demander un remaniement ministériel, notamment le limogeage du ministre de la Justice Sevket Kazan, un des «durs» du Refah, honni des pro-laïcs.
L’ordre du jour du Conseil, comme le dépôt de la motion de censure au début du mois, sont les conséquences d’une série d’initiatives du Refah jugées contraires aux principes de la laïcité. Parmi ces initiatives, figuraient des tentatives d’autoriser légalement le port du foulard islamique dans les universités et la fonction publique et de construire des mosquées dans des lieux symboles de la Turquie moderne, à Istanbul et Ankara.
On reproche également à M. Erbakan d’avoir invité à dîner, à la résidence officielle du premier ministre, les chefs de confréries islamiques en principe interdites par la loi.
Une «soirée pour Jérusalem» organisée dans la localité de Sincan (banlieue d’Ankara) par son maire islamiste, lors de laquelle des propos pro-«charia» (loi coranique) ont été tenus notamment par l’ambassadeur d’Iran en Turquie, a été le détonateur d’une vive réaction des milieux pro-laïcs et des militaires.
Quelques jours plus tard, des chars et autres blindés traversaient ostensiblement les rues de Sincan en route pour des manœuvres, dans un clair avertissement aux islamistes radicaux.
Dans la foulée, les militaires ont forcé la main du gouvernement pour qu’il destitue et inculpe le maire de Sincan et fasse comprendre poliment à l’ambassadeur iranien qu’il était temps de partir.
Depuis, des militaires de haut rang ont multiplié les petites phrases sous forme de mises en garde sur l’irréversibilité de la laïcité de l’Etat.
L’armée a fait trois coups d’Etat dans l’histoire récente de la Turquie, en 1960, 71 et 80, dont la justification fut à chaque fois «la sauvegarde de la république».
Le gouvernement turc à dominante islamiste de Necmettin Erbakan a repoussé au cours des dernières heures un assaut de l’opposition. Mais tout danger n’est pas écarté pour autant: le Cabinet demeure sous surveillance de la part de l’armée, gardienne farouche de la laïcité de l’Etat, instaurée par le fondateur de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Ataturk. Face à cette...