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Actualités - REPORTAGE

21 textes votés : prorogation de la loi sur les loyers et rétablissement de l'immunité des organismes de contrôle Les contacts parisiens de Hariri critiqués au premier jour de la séance parlementaire (photos)

Si, lors du débat budgétaire il y a trois semaines, c’est toute la politique financière du gouvernement qui avait été critiquée, hier, et au premier jour de la séance consacrée à l’étude d’une trentaine de textes de loi, c’est la politique extérieure du président du Conseil Rafic Hariri qui a été malmenée. Et plus particulièrement, ses «contacts parisiens» avec le président Jacques Chirac. Plusieurs députés, notamment Zaher el-Khatib, Ibrahim Amine el-Sayyed et Boutros Harb, ont estimé qu’un «sujet bien déterminé» avait été examiné durant l’entretien Hariri-Chirac, et se sont élevés contre une éventuelle dissociation des volets libanais et syrien des négociations de paix. Intervenant à ce sujet, le président du Parlement Nabih Berry a indiqué qu’il avait demandé à la commission des Affaires étrangères de tenir, en présence des membres de la commission de la Défense, une réunion au cours de laquelle les députés prendront connaissance des explications de M. Hariri et du ministre des Affaires étrangères Farès Boueiz à ce sujet. Parmi les 21 textes votés, les deux plus importants sont celui prorogeant jusqu’à la fin de l’année l’effet de la loi sur les loyers (une nouvelle loi devant être transmise au Parlement d’ici quelques mois) et celui rétablissant l’immunité des organismes de contrôle, qui en avaient été privés en 1996. Un autre projet de loi important, prorogeant jusqu’au 31 juin le mandat des conseils municipaux, sera examiné ce matin. Certaines sources parlementaires croient savoir que les mandats des actuels conseils pourraient être prorogés jusqu’en 1998, ce qui favoriserait la thèse d’un report des municipales, prévues le 1er juin.
M. Berry ouvre la séance à 10 heures 53, alors que seuls quelques ministres sont présents. Lecture est d’abord donnée des noms des huit députés qui se sont excusés, puis de deux lettres adressées au bureau de la Chambre. L’une d’entre elles, envoyée par M. Abdallah Zakhia, demande l’intervention du Parlement pour régler le problème des carrières du Kesrouan, et la seconde proteste contre le fait que les employés des offices des eaux de certaines régions au Liban-Sud, notamment Jabal Amel, ne reçoivent plus leur salaire depuis qu’il a été décidé, il y a six mois, d’exempter les habitants de la bande frontalière occupée et des localités jouxtant cette zone du règlement des factures hydrauliques et électriques.
M. Khatchig Babikian prend ensuite la parole pour appeler l’Etat à mieux s’occuper du dossier des Libanais détenus par Israël. «J’ai assisté à la réunion du Comité de suivi de ce dossier, et j’ai appris des choses effarantes», souligne M. Babikian, relevant que ces détenus sont régulièrement torturés et que certains d’entre eux sont maintenus en prison même après avoir purgé leur peine. «Il n’est pas permis que des organisations internationales, telle Amnesty, suivent ce dossier mieux que nous», conclut-il.
Second à intervenir, Khalil Hraoui souligne la nécessité d’appuyer la résistance et de préserver la concomitance des deux volets libanais et syrien des négociations. Il appelle ensuite le gouvernement à assumer ses responsabilités dans la Békaa et à accorder plus d’intérêt à cette région.
Ali el-Khalil prend la parole après M. Hraoui et développe deux thèmes qui seront ensuite repris par plusieurs autres députés du bloc Berry. Il dénonce d’abord les agressions israéliennes contre le Liban-Sud et demande à l’Etat d’aider les habitants de cette région à résister à l’occupant en leur assurant les moyens nécessaires. Il appelle ensuite le gouvernement à transmettre prochainement au Parlement un projet de loi prévoyant une augmentation de 20% des salaires dans les secteurs public et privé. M. Berry précisera dans ce cadre que la commission des Finances et du Budget a été chargée d’examiner ce dossier.
S’exprimant à son tour, Michel Moussa souhaite que le président Berry «joue un rôle en vue de l’ouverture d’un dialogue national dans le cadre des institutions» et demande l’application des lois votées. Quant à Talal Merhebi, il appelle également le Cabinet à augmenter les salaires, et souligne la nécessité de l’utilisation de la carte électorale lors des élections municipales et de l’élaboration d’une nouvelle loi électorale pour les législatives.

Les contacts syriens
de Hariri

C’est à une véritable critique de l’actuelle politique extérieure du gouvernement que se livre Zaher el-Khatib. Le député du Chouf dénonce «certaines positions qui portent atteinte à l’unité nationale» et s’élève contre les mesures «qui nous rappellent la politique improvisée des parties qui voulaient envoyer l’armée dans la région contrôlée par la FINUL au Liban-Sud».
Il relève ensuite qu’il a été récemment question «d’une initiative en vue de dissocier les volets libanais et syrien des négociations», ce qui a créé des «doutes» et des «équivoques». M. Khatib critique en outre le fait que le chef du gouvernement Rafic Hariri ait rencontré séparément le président français Jacques Chirac, alors que le ministre des Affaires étrangères Farès Boueiz, qui se trouvait avec lui à Paris, était reçu, seul, par son homologue français Hervé de Charette. Critiquant les rumeurs et relevant qu’elles sont parfois fondées, il souligne «qu’il faut en finir de la fumée derrière laquelle il s’avère qu’il y a un feu».
M. Khatib aborde ensuite le dossier des évacuations des déplacés du quartier des Maramel, à Ouzaï, qui avait suscité un tollé il y a trois jours lorsque les réfugiés, qui ont reçu l’appui du président Berry et du Hezbollah, avaient refusé de quitter leurs appartements et commerces sans avoir auparavant reçu les indemnités promises.
M. Khatib, comme plusieurs autres députés après lui, estime que ces mesures (qui ont été gelées pour quelque temps) sont «injustes». Ces arguments seront développés par exemple par les députés du Hezbollah Ibrahim Amine el-Sayyed, Ibrahim Bayane et Hussein Hajj Hassan et Ammar Moussaoui. M. Khatib conclut en mettant en garde contre les «licenciements collectifs» que s’apprêtent à effectuer, selon lui, l’usine de carton de Nahr el-Kalb et les sociétés Unicéramic et Coral Oil.

Rues au nom des leaders
du Hezbollah

Après lui, la parole est donnée à Ibrahim Amine el-Sayyed, le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, qui propose d’abord que le 16 février soit prolamé «Journée nationale» en souvenir du «martyre» de l’ancien secrétaire général de sa formation, cheikh Abbas Moussaoui, et de cheikh Ragheb Harb, résistant du mouvement Amal, tous les deux tués par les Israéliens. Ammar Moussaoui, autre député du bloc Hezbollah, proposera par la suite que les noms des leaders martyrs de la résistance soient donnés à certaines rues.
M. Sayyed dénonce ensuite le fait que le président US Bill Clinton ait, à l’issue de son entretien avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, «justifié l’occupation du Liban-Sud et du Golan», et demande l’adoption d’une recommandation stigmatisant cette atttidue et le refus de toute aide américaine.
Plus explicite que Zaher el-Khatib, M. Sayyed souligne ensuite que le chef du gouvernement a, semble-t-il, parlé de «certaines choses» à Paris, d’où l’appel téléphonique entre le président Chirac et le président Hafez el-Assad, «au cours duquel ce projet a été examiné». Le chef du Parlement l’interrompt à ce moment pour souligner qu’il a demandé à la commission parlementaire des Affaires étrangères d’examiner cette question le plus tôt possible en présence de la commission de la Défense.
L’intervention de Hagop Tchoukhadarian porte sur des problèmes écologiques. Il y remercie notamment le ministre de l’Environnement Akram Chéhayeb pour ses efforts en vue de la fermeture du dépotoir de Bourj Hammoud et de l’évacuation des déchets toxiques.
Quant à Ali Hassan Khalil (bloc Berry), il demande au gouvernement de déposer une plainte contre les agressions israéliennes auprès du Conseil de Sécurité de l’ONU. Il propose également à l’Etat d’acheter les productions agricoles de certaines localités au Liban-Sud pour aider les habitants de ces régions. Intervenant dans ce cadre, M. Berry souligne qu’au lieu d’approvisionner l’armée en huile en provenance de l’étranger, le gouvernement devrait acheter l’huile produite à Marjeyoun et Hasbaya et la donner à la troupe.
Tout comme MM. Khatib et Sayyed avant lui, Boutros Harb aborde la question des contacts parisiens de M. Hariri. Il estime dans ce cadre que «rien n’empêche le chef du gouvernement d’entreprendre de telles démarches, à condition que ce soit en coordination avec le ministre des Affaires étrangères», ajoutant qu’il est déjà arrivé à MM. Hariri et Boueiz de faire le même jour des déclarations contradictoires.
Comme M. Harb souligne l’importance de «l’entente» entre le Législatif et l’Exécutif, le chef du Parlement rétorque: «Même si vous me suppliez, cela n’aura pas lieu».

Le vote des textes de loi

L’examen de l’ordre du jour débute après l’intervention d’Ismaïl Succarié, qui a présenté un projet de recommandation consacrant le 14 mars «Journée (de travail) d’appui à la résistance et au Liban-Sud». La recommandation a été signée par le vice-président du Parlement Elie Ferzli, le ministre Sleiman Frangié et les députés Marwan Hamadé, Khalil Hraoui, Nassib Lahoud, Ahmed Hbous, Sami Khatib, Ahmed Karamé, Ahmed Fatfat et Riad Sarraf.
Les premiers projets de loi figurant à l’ordre du jour, et qui autorisent le gouvernement à ratifier des accords de coopération ou d’adhérer à des conventions, sont votés en vitesse l’un près l’autre. Il s’agit d’accords de coopération avec la Roumanie (santé), l’Ukraine (commerce), l’Arménie (aviation), le Sri Lanka (aviation), la Chine (investissements, coopération économique et artistique, transport aérien) et la Syrie (enseignement professionnel et technique).
Les autres projets de loi votés quasiment sans discussions autorisent l’Etat à ratifier deux annexes de la Convention de Genève, relatifs aux victimes des conflits armés, à ratifier également un protocole relatif au texte officiel de l’accord de GATT (aviation civile) et à adhérer à la convention interdisant les atteintes aux personnes bénéficiant d’une protection internationale, notamment les diplomates. La Chambre approuve également, en quelques minutes, un projet de loi interdisant aux enseignants qui ne possèdent pas le diplôme d’aptitude de la faculté de pédagogie de l’Université libanaise d’enseigner dans les classes secondaires; un autre projet de loi portant création d’un département de la santé à Nabatiyé; un troisième amendant le titre d’un décret-loi protégeant la propriété des bonbonnes de gaz; et un quatrième amendant des dispositions de la loi organisant la mutuelle des juges.

Les handicapés

Le 16e projet de loi figurant à l’ordre du jour suscite par contre un long débat. Le texte autorise le gouvernement à nommer des handicapés, dans un délai de six mois, dans les administrations publiques. M. Hariri proteste contre les six mois et relève que l’autorisation ne devrait être soumise à aucun délai. Le président de la commission de l’Administration et de la Justice, Chaker Abou Sleiman, précise que ce texte concerne uniquement les aveugles et que le Parlement devrait bientôt recevoir un texte plus global touchant tous les handicapés. Mohammed Hamid Beydoun précise à son tour que ce texte s’applique à des postes bien définis dans les administrations.
Après les interventions de plusieurs députés, M. Berry soumet le projet de loi au vote, et celui-ci est voté sans aucun amendement. Le projet de loi prorogeant jusqu’au 31 décembre 1997 l’effet de la loi sur les loyers est ensuite examiné. Rappelons que l’effet de la loi, prorogé le 6/6/1996,00 avait expiré le 31/12/1996.
Le député Zaher el-Khatib propose que la loi reste en vigueur pendant cinq ans encore, et Abdel-Latif Zein pendant trois ans. Tout à fait opposés à cette idée, le ministre de la Justice Bahige Tabbarah puis le chef du gouvernement rappellent que le gouvernement élabore actuellement une nouvelle loi sur les loyers, qui sera transmise au Parlement d’ici quelques mois.
M. Berry soumet la proposition de M. Khatib au vote. Elle recueille une voix. Il soumet ensuite celle de M. Zein. Elle en recueille trois. Le projet est voté sans amendements.

Les municipalités

Lecture est alors donnée du projet de loi prorogeant jusqu’au 30 juin prochain le mandat des conseils municipaux. Les députés Zaher el-Khatib, Chaker Abou Sleiman, Salah Haraké ainsi que le président Husseini demandent que l’élection des nouveaux conseils municipaux (prévue le 1er juin prochain) ait lieu, que ce soit sur base de l’ancienne loi sur les municipalités ou de la nouvelle élaborée par le Cabinet.
Un vif débat s’engage. M. Hariri, très enrhumé, prend alors la parole pour demander que l’examen de ce texte soit reporté jusqu’à jeudi afin que le ministre de l’Intérieur Michel Murr, absent car il se trouvait au Palais de justice, «puisse répondre aux question des députés».
Sa proposition est acceptée par le président Berry.
Le projet de loi autorisant le gouvernement à ratifier un accord de prêt avec la Banque internationale de reconstruction et de développement (BIRD) pour la construction de plusieurs tronçons de route suscite les protestations de nombreux députés soucieux de voir leur région bénéficier de ce projet.
Le ministre des Travaux publics Ali Harajli leur rappelle que ce projet ne constitue qu’une partie du plan de réhabilitation des routes. Le texte sera finalement voté tel quel.

L’électricité

Un projet de loi autorisant le gouvernement à ratifier des accords de prêt et à lancer une émission obligataire de 100.000 dollars pour financer des projets électriques est ensuite étudié. Boutros Harb proteste contre le fait qu’il n’a pas pu prendre connaissance de tous les accords (une dizaine).
Le président de la commission des Finances et de Budget Khalil Hraoui précise que cette commission a soigneusement étudié tous ces accords et en a rejeté un seul, relevant que les députés pouvaient consulter les textes des accords auprès de la commission. M. Harb insiste, et M. Berry décide de reporter le vote du texte jusqu’à jeudi (aujourd’hui). Le dernier texte examiné est particulièrement important. Il s’agit d’une proposition de loi revêtue du caractère de double urgence, élaborée par Mohammed Youssef Beydoun et présentée en 1993. Elle prévoit le rétablissement de l’immunité des organismes de contrôle, qui en avaient été privés en 1976, ce qui avait diminué leur efficacité.
Ce texte avait été examiné il y a quelques mois par la commission de l’Administration et de la Justice, mais il avait été décidé de l’étudier en séance plénière en raison du caractère de double urgence. A Elie Ferzli, qui lui rappelle qu’il s’était prononcé en faveur du renforcement des organismes de contrôle, le président Hariri rétorque qu’il avait lié cela à la levée de l’immunité des fonctionnaires, relevant dans ce cadre que ce sont bien les fonctionnaires qui sont responsables de la corruption.
M. Abou Sleiman demande que le Parlement approuve d’abord le caractère de double urgence. Ce qui est rapidement exécuté. Mais le débat reprend et une bonne demi-heure plus tard, le texte est voté... tel quel.
Peu avant quinze heures, le président Berry lève la séance qui reprendra ce matin.

Rolla BEYDOUN
Si, lors du débat budgétaire il y a trois semaines, c’est toute la politique financière du gouvernement qui avait été critiquée, hier, et au premier jour de la séance consacrée à l’étude d’une trentaine de textes de loi, c’est la politique extérieure du président du Conseil Rafic Hariri qui a été malmenée. Et plus particulièrement, ses «contacts parisiens»...