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Actualités - ANALYSE

Corruption politico-administrative : diagnostic incomplet et traitement inexistant

C’est beau la constance: rares, voire rarissimes, sont les décisions d’intérêt public qui connaissent un début d’exécution effective sous la Deuxième République, mais on continue d’en prendre vaillamment, quitte à les flanquer ensuite au frigo...
C’est le sort qui semble attendre la dernière trouvaille en date, le transfert des fonctionnaires de première catégorie qui affichent plus de trois ans au compteur dans leur dernier poste. Cette mesure se heurte en effet à autant d’objections politiques que de difficultés techniques. Et l’on ne voit du reste pas comment concilier entre eux les critères opposés retenus par le gouvernement pour ce mouvement administratif qui doit simultanément «prendre en considération les qualifications, la compétence et le dosage confessionnel» dans la répartition des postes. Pour tout résumer par un exemple, un ingénieur civil qui aura normalement fait carrière aux T.P. ne devrait pas en principe permuter avec un médecin installé à la Santé... Ce qui est logique, mais cet ingénieur on le ferait permuter avec quel autre cadre supérieur de quel autre ministère? Et surtout comment réaliser le tour de force de garder après mouvement tournant général les mêmes quotas (les fonctions étant gratifiées de coefficients, selon leur importance et terme d’influence) réservés aux communautés.
On voit donc que le puzzle n’est pas simple à remonter autrement. Mais au moins, observera-t-on, le gouvernement a pris acte dans ce domaine, ne serait-ce que pour le principe. Il n’en va pas de même pour la réforme administrative et pour l’éradication de la corruption, nécessités dont tout le monde convient sans que nul ne fasse un geste pour leur donner corps. Ainsi, il n’existe à ce jour aucun projet de loi ou de code pour la consécration de l’immunité du Conseil de la Fonction publique et pour la dynamisation des autres organismes de contrôle administratif, dont la Cour des comptes, le Conseil de discipline générale et l’Inspection centrale en vue d’une épuration accompagnant une réforme en profondeur de l’administration. Bien entendu, si l’on en parle également beaucoup (surtout après les accusations lancées par M. Nabih Berry) personne ne bouge non plus pour sanctionner la corruption politique, qui ne manque du reste pas de déteindre sur les services publics de toutes sortes...

Casse-tête chinois

Pour en revenir aux fonctionnaires de première catégorie, ils ne sont en réalité qu’une quinzaine à redouter un transfert pour ancienneté accentuée dans leur poste présent. Mais la plupart appartiennent à une seule et même communauté et là les responsables, perplexes, se grattent l’occiput: comment faire pour préserver l’équilibre de ce que l’on appelle joliment «la balance spirituelle»... surtout au niveau prosaïque des «postes-clés»... Pour tenter de répondre à cette question, l’un des grands commis de l’Etat avance les suggestions suivantes:
— Généraliser le mouvement dans les strates supérieures de l’administration, sans exception aucune, ni à la demande des ministres ni pour cause d’«indispensabilité».
— Attendre quand même car le délai de trois ans est trop court. Si l’on veut établir un cycle régulier, il faudrait qu’il soit de six ans. Cela concorderait comme en Amérique avec le changement de régime, les nouveaux dirigeants politiques étant ainsi à même de se choisir des collaborateurs qui ont leur confiance.
— Il est facile de comprendre que ce n’est pas en déplaçant des pions sur l’échiquier, que cela soit au bout de trois ou de six ans, qu’on peut rendre l’administration meilleure, plus efficace. La réforme véritable passe nécessairement par l’application du principe à deux faces, la carotte et le bâton ou si l’on préfère les récompenses pour les bons éléments et les sanctions pour les mauvais. Il faut à ce propos comprendre qu’il est aussi important de réprimer le laxisme, la paresse, l’absentéisme, le manque de zèle ou de conscience professionnelle que de punir la corruption de tout volume. L’Inspection centrale et le Conseil de discipline générale doivent donc être activés et sévir à tour de bras, ce qui est plus efficace sur le long terme que de couper quelques têtes au nom d’une épuration ponctuelle, comme on l’a fait en 93. Il faut surtout éviter de se contenter, pour tout châtiment, de déplacer un pourri car là où il irait il prendrait sa gangrène avec lui. Et il faut penser en termes de structures pour refaire les textes régulateurs en conséquence.
— En réalité, conclut ce responsable, une administration ne transfère ou ne déplace son personnel que pour cause de nécessité politique déterminée, de compétence précise ou pour combler des brèches impromptues. Autrement, on ne voit pas pourquoi, suivant quelle logique, on s’échine à former quelqu’un pendant des années à un travail déterminé pour le parachuter ensuite — et à un haut niveau de responsabilité — dans un site dont il ne connaît rien.

E.K.
C’est beau la constance: rares, voire rarissimes, sont les décisions d’intérêt public qui connaissent un début d’exécution effective sous la Deuxième République, mais on continue d’en prendre vaillamment, quitte à les flanquer ensuite au frigo...C’est le sort qui semble attendre la dernière trouvaille en date, le transfert des fonctionnaires de première catégorie...