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Actualités - ANALYSE

Présidentielles 98 : déjà les premières passes d'armes

La prorogation, ce n’était d’abord qu’une boutade khadamienne («pourquoi pas»), lancée à la St-Elie à Zahlé et dont on avait poliment souri... Le principal intéressé lui-même se récriait qu’il n’en voulait pas, affirmait qu’il savait trop bien «lire l’Histoire» pour ne pas se rappeler «les catastrophes» que de précédentes tentatives de reconduction avaient pu provoquer... Résultat: la Constitution a été amendée pour prolonger de trois ans le mandat de l’hôte de Baabda. Comme quoi la volonté des décideurs, ça n’est jamais une blague...
Aujourd’hui même, toujours «pour s’amuser un peu», M. Rafic Hariri procède en marge du Conseil des ministres à un sondage crayon en main: qui de ces messieurs souhaite une nouvelle rallonge du bail présidentiel et qui s’y oppose... soi-disant pour rester sur le même «ton badin» certains lui répondent que le plus pratique ce serait encore de plébisciter M. Elias Hraoui président à vie. Ce qui en offusque d’autres qui répliquent qu’on ne doit justement pas plaisanter sur un tel sujet, dont il est en tout cas prématuré de parler puisqu’il ne vient à terme que dans près de deux ans. Ils rappellent le climat de tension qui avait empoisonné la vie publique du pays lors de la bataille dite de la révision (constitutionnelle) en 95 et les retombées négatives que cela avait entraîné pour l’économie nationale, pour souligner qu’il faut à tout prix éviter de recommencer cette sinistre farce. Et d’ajouter que même la livre, fierté du pouvoir, avait été alors ébranlée, la Banque centrale devant intervenir pour la soutenir ce qui lui avait coûté 1,5 milliard de dollars. Sachant M. Hariri très sensible à ce genre d’arguments, les ministres concernés lui rappellent obligeamment que lui-même à l’époque s’était «monétairement» alarmé, lançant un appel pressant pour qu’on mette un terme à la polémique sur la prorogation au besoin en procédant sans plus tarder à l’élection d’un nouveau chef de l’Etat, bien qu’il fût à l’origine l’un des porte-étendards de la reconduction... Mais finalement sur conseil de Damas la Chambre, où au départ l’écrasante majorité était contre l’idée, a massivement voté l’amendement du fameux article 49.

Retour à l’actualité: nonobstant les remarques précitées des «objecteurs de conscience», la caste politique locale, toujours en quête de faux problèmes qui en provoquent des vrais,bruisse beaucoup de spéculations sur un remake du film-prorogation. Mais aussi, équation normale, sur les chances respectives de différents candidats potentiels, pour le cas toujours probable où le re-renouvellement ne se ferait pas. On semble dès lors tout près de l’ouverture — à deux ans de distance! — de la campagne des présidentielles. Certains — pas nécessairement les «opposants», au contraire même... — n’ont pu passer à travers le tamis des dernières législatives et sont déjà pratiquement éliminés de la course. D’autres commencent à s’agiter, à faire des risettes aux députés, à se rendre un peu ridicules en somme car nul n’ignore que le choix final sera affaire de circonstances et de «volonté supérieure» communiquée à la Chambre en temps opportun... Cela à moins que l’évolution extérieure ne modifie les données et n’inverse les rôles connus. On sait en effet que c’est Damas qui recommande tel ou tel, tout en prenant soin par arrangement tacite, de tenir compte de l’avis de Washington. Il est en principe possible que, comme en 88 pour Daher, la sélection soit commune; tout comme il est envisageable que la prochaine fois Washington propose et Damas dispose. Il faudra peut-être également prendre en considération le point de vue de la troïka locale et/ou de Bkerké, si d’ici là ses relations avec Damas se sont réchauffées.


Calculs
machiavéliques

Quoi qu’il en soit on en est pour le moment à un stade purement théorique. Il vaudrait mieux en rester là. Car, nonobstant le «mois de shopping» en cours, ouvrir dès maintenant le bazar électoral reviendrait à électriser une situation politique déjà en crise, du fait de la brouille entre présidents. La formation de clans rivaux autour des candidats virtuels ne peut déboucher que sur une empoignade élargie, source de déstabilisation politique, économique et monétaire. Tout ce que Riad Salamé, gouverneur de la B.C., a pu amasser comme réserves en devises fortes au prix d’inlassables efforts risquerait alors de s’évaporer et à ce moment les vannes d’une faillite véritable du Trésor public s’ouvriraient en grand.

D’ailleurs nombre de loyalistes soulignent que les décideurs de leur côté déconseillent tout remue-ménage pré-électoral car ils ont, avec l’histoire de la reprise éventuelle des pourparlers régionaux, bien d’autres chats à fouetter dans les semaines et les mois à venir.
Une orientation qui devra être confirmée dans le courant de ce mois quand se tiendra la réunion du Conseil supérieur libano-syrien… si elle n’est pas annulée, car on voit mal comment MM. Hraoui et Berry s’y rendraient de concert tout en se faisant grise mine.

Il reste cependant à savoir — question qui vient automatiquement à l’esprit tant on s’est habitué à des réflexes de méfiance à l’égard du pouvoir —, si tout le tapage orchestré dès maintenant en coulisses sur les présidentielles n’a pas pour but de faire diversion… Afin de reléguer au second plan tout à la fois le «combat des chefs» si préjudiciable aux profiteurs agglutinés autour du pouvoir… Et le dossier de la crise socio-économique qui en s’envenimant de jour en jour empoisonne la quiétude de certains responsables, au double sens que peut avoir ce terme. A moins, hypothèse que nombre de sources n’excluent pas, que les développements régionaux ne permettent, ou n’imposent en quelque sorte, des présidentielles anticipées. Pour qu’un éventuel traité de paix rapproché soit signé par un chef de l’Etat qui aurait devant lui plus que quelques petits mois à accomplir. Ces sources ajoutent que c’est une telle perspective qui expliquerait encore le mieux le déchaînement sans précédent de M. Nabih Berry contre un régime qui serait plus près du départ que prévu, et partant la dislocation soudaine d’une troïka devenue chronologiquement dépassée, sinon «inutile».

Quoi qu’il en soit, certaines parties «vantardes» soutiennent que la surprise pourrait bien venir de la Chambre qui à leur avis serait moins docile que la précédente, n’obéirait pas au doigt et à l’œil, n’accepterait ni de précipiter l’échéance en amendant de nouveau la Constitution, ni de voter pour un candidat parachuté… Sur un plan tout à fait théorique, puisque c’est uniquement dans ce domaine qu’on évolue aujourd’hui, tout est évidemment possible… Mais en pratique il en va différemment comme le prouvent les récents débats sur la loi des finances, qui au bout de réquisitoires parlementaires aussi virulents que marathoniens, ont abouti à un vote de 93 pour contre une seule voix contre…

E.K.
La prorogation, ce n’était d’abord qu’une boutade khadamienne («pourquoi pas»), lancée à la St-Elie à Zahlé et dont on avait poliment souri... Le principal intéressé lui-même se récriait qu’il n’en voulait pas, affirmait qu’il savait trop bien «lire l’Histoire» pour ne pas se rappeler «les catastrophes» que de précédentes tentatives de reconduction...