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Actualités - INTERVIEWS

Luiz Felipe lampreia à l'Orient Le Jour Le Brésil, vigoureux avocat du Liban

Loin du rituel des visites d’Etat et des formules de circonstance, c’est avec une conviction et une chaleur émouvantes de simplicité que le ministre des Affaires étrangères du Brésil Luiz Felipe Lampreia a évoqué hier, pour «L’Orient-Le Jour», les liens particuliers unissant son pays et le Liban, en dépit des milliers de kilomètres qui les séparent. Recevant le rédacteur en chef de notre journal Issa Goraieb à la résidence de l’ambassadeur Brian Michael Fraser Neele où il loge durant son séjour, M. Lampreia a notamment souligné l’attachement de son gouvernement à l’indépendance et à la souveraineté du Liban, dont le Brésil, actuel président du Conseil de Sécurité de l’ONU (il aspire à devenir un membre permanent, à l’instar des grandes puissances) se veut «le vigoureux avocat».
Pour ce qui est de la reconstruction du Liban, le chef de la diplomatie brésilienne a évoqué les diverses possibilités d’action, mais il n’a pas caché que s’il incombe aux gouvernements de déblayer le terrain, c’est aux businessmen que reviendra toute décision: étant entendu que les hommes d’affaires — qu’il s’agisse d’investir au Liban ou de contracter des alliances libanaises pour pénétrer les marchés arabes — recherchent, à juste titre, le profit. Cette prudence, perceptible à propos de certains points du volet diplomatique abordé durant l’entretien, trouve d’ailleurs une explication logique: riche en ressources naturelles, le Brésil est lui-même un pays en développement. Et si le président Cardozo, un homme du centre-gauche, a séduit la communauté d’affaires en réussissant à opérer un remarquable redressement économique, il peut difficilement envisager une assistance à l’étranger, alors que son pays demeure confronté à de graves problèmes d’inégalité sociale.
Ce n’est pas mettre en doute, par ailleurs, la sincérité des marques d’amitié brésiliennes que de relever l’importance politique que revêt, au Brésil même, une communauté d’origine libanaise en tout point agissante, à l’heure où le Congrès national s’apprête à se prononcer sur l’octroi d’un renouvellement du mandat présidentiel. Ci-dessous, les propos de M. Lampreia à «L’Orient-Le Jour»:
D’entrée de jeu, le ministre brésilien souligne le caractère singulier de son séjour libanais lequel, dit-il, «n’est pas une simple étape intercalée dans une quelconque tournée régionale». «C’est assez extraordinaire, reconnaît M. Lampreia, que je sois le premier ministre des A.E. du Brésil à venir dans un pays d’où proviennent près de dix pour cent de mes concitoyens. Mais l’important c’est que je suis là, et que l’objet de ma visite est de relancer et de stimuler la relation traditionnellement amicale entre les deux pays».
Pour Luiz Felipe Lampreia, les domaines où un tel effort peut être fructueux sont les suivants:
l «Au plan politique, le Brésil, malgré l’éloignement géographique et bien qu’il ne soit pas engagé dans le conflit du Proche-Orient, est un avocat très vigoureux de la souveraineté et de l’indépendance du Liban. Nous avons toujours apporté un soutien très clair à la résolution 425 du Conseil de Sécurité des Nations Unies (stipulant le retrait des troupes israéliennes des territoires qu’elles occupent au Liban-Sud). Cette même position, je l’ai d’ailleurs exprimée moi-même en 1995 aux dirigeants d’Israël, Etat avec lequel nous entretenons d’excellentes relations et où j’ai effectué une visite officielle avant de rencontrer Yasser Arafat à Gaza. De même, le Brésil ne peut que se féliciter du soutien de son ami libanais devant les instances internationales: un soutien militant, un soutien-clé lors du vote sur la présidence du Conseil de Sécurité de l’ONU. Sans cet appui libanais, l’élection du Brésil aurait sans doute été plus difficile».
l «Au plan économique et commercial, les premiers pas ont été faits avec la visite effectuée en 1995 au Brésil par le premier ministre libanais Rafic Hariri, et la liaison aérienne hebdomadairement assurée entre Beyrouth et Sao Paulo par la compagnie libanaise Middle East Airlines. D’autres réalisations peuvent être accomplies, et j’ai signé ce matin deux accords de coopération culturels et techniques. Le premier vise à renforcer la coopération entre les instituts d’enseignement supérieur des deux pays, notamment par l’échange de professeurs et de spécialistes et l’instauration d’une équivalence entre certains diplômes délivrés par les universités brésiliennes et libanaises; et l’autre accord a pour objet d’élargir la liaison aérienne existante, de développer des lignes maritimes, de créer éventuellement des entrepôts pour les marchandises et d’encourager les joint ventures entre entreprises des deux pays. Aux gouvernements, il incombe de créer un cadre de coopération mais, après cela, c’est aux secteurs privés des deux pays qu’il appartiendra d’agir».
l «En matière d’assistance à la reconstruction du Liban enfin, le Brésil a manifesté son grand intérêt pour la question en participant à la conférence des «Amis du Liban» qui s’est réunie dernièrement à Washington. Actuellement, nous œuvrons à la formulation de projets d’investissements et de prêts, en base des deux critères suivants: faisabilité et rentabilité. Nous allons faire venir, à cette fin, des consultants brésiliens puis, dans un deuxième temps, les entreprises intéressées. Les Brésiliens ont une grande expérience, notamment dans la construction de logements populaires, d’irrigation, et de percement de routes et d’autres voies de communication, et ils peuvent être très compétitifs une fois que ces études auront été effectuées».

Une ambiguïté
qui a du bon

— Que peut faire le Brésil, dans le cadre du Conseil de Sécurité, pour promouvoir un règlement global au Proche-Orient? Et le deuxième colosse du continent américain a-t-il quelque influence auprès du parrain U.S. du processus de paix?

A cette question, le ministre répond en rappelant avec quelle constance son pays s’est prononcé en faveur d’une paix qui serait instaurée en tenant compte des paramètres définis par l’organisme onusien. «Quant aux Américains, je me suis souvent entretenu avec Warren Christopher, comme ce sera sans doute le cas avec son successeur à la tête du département d’Etat Madeleine Albright, mais le Brésil n’a certes pas la prétention d’avoir une influence sur les Etats-Unis».
Mais en fait de paramètres onusiens, quelle interprétation de la résolution 242 (retrait «de» ou «des» territoires arabes occupés, selon les deux traductions du texte anglais original où figure le terme «from occupied territories») est-elle celle du Brésil? Celui-ci, indique M. Lampreia, fonde toute sa politique étrangère sur le respect des traités internationaux et le principe de la non-ingérence. Mais il ne tarde pas à admettre qu’«il y a, dans la 242, une certaine subtilité et même une certaine ambiguïté qui sont tout de même assez réalistes, puisque, en donnant lieu à plus d’une interprétation, elles créent un cadre pour des négociations plus précises»...
M. Lampreia fait preuve de la même prudence pour ce qui est de la légitimité de la résistance armée à l’occupation israélienne du Liban-Sud: «C’est là une question très délicate de part et d’autre, déclare-t-il, une question qui tourmente la région depuis bien longtemps et qui est d’ailleurs à la source des très graves difficultés qu’a connues le Liban. Sur ce point, nous ne pouvons qu’exprimer notre préoccupation, comme je l’ai d’ailleurs fait ce matin même».

Existe-t-il, pour finir, un «lobby» libanais au Brésil? Sourire: «Les Brésiliens d’origine libanaise sont très attachés, bien sûr, à leur mère-patrie; cependant, les vagues d’immigration remontent souvent à trois ou quatre générations, et beaucoup ressentent, certes, une douce nostalgie pour le Liban mais n’ont pas forcément une connaissance très précise des problèmes de ce dernier. Je crois qu’avec cette visite, tout cela pourra être davantage mis en relief; l’annonce même de cette visite a suffi pour susciter des réactions enthousiastes auprès de nombreux Libanais d’origine, comme cela s’était d’ailleurs produit lors de la visite au Brésil de M. Rafic Hariri, et j’espère que le président Hraoui pourra, à son tour, se rendre dans mon pays, comme il a été invité à le faire».

En conclusion, M. Lampreia se dira «heureux de l’évolution positive que connaît le Liban, lequel commence à affirmer sa présence internationale et à récupérer la place qui était la sienne».
Loin du rituel des visites d’Etat et des formules de circonstance, c’est avec une conviction et une chaleur émouvantes de simplicité que le ministre des Affaires étrangères du Brésil Luiz Felipe Lampreia a évoqué hier, pour «L’Orient-Le Jour», les liens particuliers unissant son pays et le Liban, en dépit des milliers de kilomètres qui les séparent. Recevant le...