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Actualités - CHRONOLOGIE

"Il n'y pas de dactylo au ministère de l'Information" Sabeh : je n'ai jamais exercé de pressions sur les médias (photo)

«Il n’y pas de décision préarrêtée de réduire au silence les voix des ténors de l’opposition. J’assume entièrement la responsabilité de mes paroles et je défie quiconque des cadres de médias de prouver que je l’ai appelé pour lui interdire de publier ou au contraire de mettre en relief une nouvelle politique ou autre. Il n’y a pas de place à la «dactylo» (ancien service d’intox médiatique du deuxième bureau) au ministère de l’Information. Mais je ne sais pas si cette technique s’est transposée ailleurs».
C’est en ces termes incisifs que le ministre de l’Information, M. Bassem el-Sabeh, a nié toute intervention de son ministère au niveau des médias audiovisuels et de la presse écrite. S’il trouve assez d’arguments pour justifier la censure préalable exercée «exclusivement» sur les bulletins d’information et programmes politiques destinés à la diffusion par satellite, il tient à préciser que «cette censure sera différente de celle qu’a connue le monde de la presse et des médias au Liban durant les mandats des présidents Elias Sarkis et Amine Gemayel».
«Comment peut-on prétendre dans certains milieux que le pouvoir exerce des pressions pour interdire le passage à l’écran des ténors de l’opposition?» s’est-il exclamé avant de renvoyer la balle dans le camp opposé en demandant des explications au sujet de l’interview en direct du général Michel Aoun à la faveur d’un entretien téléphonique avec la LBC, du débat avec M. Dory Chamoun sur la MTV lors des interpellations dans les rangs de l’opposition chrétienne et de l’interview télévisée du député Boutros Harb.
A la question de savoir pourquoi on ne voyait plus sur le petit écran des députés tels MM. Najah Wakim ou Zaher el-Khatib, M. el-Sabeh, qui a tenu à souligner que ces députés ne représentent pas toute l’opposition, a affirmé que «les chaînes de télévision sont autonomes et libres de leur décision. Elles sont seules habilitées à choisir les responsables qu’ils désirent interviewer».
Au sujet de la censure indirecte consacrée par des coups de fil «amicaux» de certaines parties, M. el-Sabeh se veut réaliste en faisant remarquer que «dans les pays les plus démocratiques, de telles pratiques ne sont pas à exclure, des fois même à l’égard de médias notoires tels la CNN, le Herald Tribune ou le Times» avant de souligner sur un ton badin que «ces interventions amicales sont tolérables en comparaison avec les interventions manu militari des années de guerre». M. el-Sabeh faisait ainsi allusion aux interventions armées de certaines parties durant la guerre qui interdisaient la distribution dans certaines régions du pays du quotidien publiant une nouvelle qui leur est hostile. Il a d’ailleurs affirmé avoir négocié une dizaine de fois la libre circulation du quotidien al-Safir au Liban-Sud ou dans la Békaa alors qu’il était journaliste dans ce quotidien dans les années 70.
«Officiellement, la question de la censure sur la presse et les émissions diffusées localement est tranchée. Elle est régie par les dispositions de la loi sur les imprimés», a-t-il dit.

Censure préalable

Abordant le sujet de la censure préalable sur les bulletins d’information et programmes politiques destinés à une diffusion par satellite, M. el-Sabeh a affirmé qu’en tant que journaliste de formation, il comprend parfaitement «la répulsion de certains médias à l’égard de cette mesure, nécessaire pourtant dans un premier temps». «Les détracteurs de cette mesure se rendront compte au fur et à mesure que la censure qui sera exercée par l’équipe relevant du ministère de l’Information est différente de celle qu’a connue le monde de la presse et des médias au Liban durant les mandats des présidents Elias Sarkis et Amine Gemayel. Il ne s’agira nullement d’une censure rigide exercée par la sûreté générale comme dans le passé (conformément aux décrets Nos 1 et 104), mais d’une censure exercée par une équipe de journalistes professionnels et neutres (sans affiliation politique) qui jugeront de l’opportunité de la diffusion de la nouvelle».
Prié de dire comment cet organe de censure pourra concilier entre la censure préalable et le facteur de rapidité inhérent aux nouvelles politiques, M. el-Sabeh se montre confiant en affirmant que «les gens du métier sont bien placés pour faire ce travail et s’adapter aux contraintes du moment».

Bonnes habitudes
professionnelles

«Ce n’est pas tant une censure qu’une coordination que je cherche à établir entre le ministère de l’Information et les médias ayant obtenu une licence d’exploitation par satellite. Cette coordination est nécessaire dans un premier temps. D’une part, parce que le Liban est le premier pays dans le monde arabe qui expérimente la mise en application d’une législation concernant l’organisation de la diffusion par satellite, et de l’autre parce que le gouvernement aspire à mettre l’émission par satellite à l’abri des conflits internes», a encore dit M. el-Sabeh qui a affirmé que la censure préalable sera suspendue à la longue si de «bonnes habitudes professionnelles sont prises...»
A la question de savoir s’il n’aurait pas été préférable que le ministère de l’Information établisse une liste des interdits, M. el-Sabeh a déclaré que «les interdits ou nouvelles taboues ne sont pas figés». «Tout dépend de la conjoncture sur le double plan local et régional». «Je ne me permettrai pas d’établir un lexique informationnel mais uniquement de discuter de ce qui est prohibé ou non».
Par ailleurs, M. el-Sabeh a estimé qu’il s’agit de faire une nette distinction entre les nouvelles destinées à un public étranger et les nouvelles destinées aux Libanais. «Si le fait de formuler des critiques acerbes à l’encontre des plus hautes instances du pays ne suscite pas de réactions auprès du peuple libanais, il est anormal de transposer les conflits domestiques dans les pays d’accueil».
L’expérience libanaise

«Ni le gouvernement ni le ministre de l’Information ne cherchent à faire échouer l’expérience médiatique libanaise au niveau de l’émission par satellite», s’est exclamé M. el-Sabeh.
Et d’ajouter que «les médias ayant obtenu une licence d’exploitation par satellite ont un important rôle à jouer au niveau de la promotion de l’image du Liban à l’étranger. Le gouvernement ne peut que les encourager à être concurrentiels».
M. el-Sabeh s’empresse de préciser que personnellement, il serait d’avis à réviser à la baisse les droits de diffusion par satellite. Prié de commenter l’option de certains médias d’émettre à partir de Rome ou de Damas pour se soustraire à la censure préalable, M. el-Sabeh a affirmé n’avoir rien contre cette «démarche légale». «Mais la censure des tiers serait-elle plus permissive que celle qui serait exercée par les organes nationaux?» s’est-il interrogé.

Hariri et la critique

A la question de savoir s’il ne serait pas enclin à exercer une censure rigoureuse à l’image de celle que souhaiterait le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, dont les positions à l’égard du monde des médias sont connues, M. el-Sabeh a affirmé avec véhémence qu’il n’est pas d’accord avec ceux qui prétendent que M. Hariri ne tolère pas les critiques. «C’est pratiquement le seul chef de gouvernement dans l’histoire du Liban qui fait l’objet d’un matraquage quotidien de la presse. Un matraquage qui porte atteinte parfois à sa vie privée. Il suffit de jeter un coup d’œil rapide sur les journaux pour se rendre compte de cette vérité».
Seul ministre de l’Information des trois Cabinets formés par M. Hariri à accompagner ce dernier dans ses visites à Damas, M. el-Sabeh a souligné qu’il accompagnait M. Hariri dans ses visites dans la capitale syrienne bien avant sa désignation au portefeuille ministériel de l’Information. «On ne discute pas du dossier de l’Information à Damas. La coordination dans ce domaine entre le Liban et la Syrie existe déjà», a-t-il précisé avant d’ajouter que «les entretiens portent en général sur les développements régionaux et les meilleurs moyens d’assurer une coordination et une coopération entre les deux pays au niveau du processus de paix en cours dans la région».

Nouvelles licences

Abordant le sujet d’un éventuel octroi de nouvelles licences d’exploitation aux médias audiovisuels, M. el-Sabeh, qui a précisé que quinze demandes ont été présentées, a affirmé que «le compte à rebours commencera pour ces médias à partir de demain, date d’expiration du délai fixé par les médias eux-mêmes», a-t-il dit. «Ces demandes devront être examinées par le ministère de l’Information avant d’être transmises au Conseil supérieur de l’audiovisuel puis au Conseil des ministres».
Au sujet du fonctionnement des médias officiels, M. el-Sabeh a reconnu que l’Etat n’a pas de politique informationnelle et que les organes officiels doivent être réformés.
Une évidence que plus d’un responsable ou ancien ministre de l’Information a reconnue. Mais c’est toujours l’action qui compte.

Liliane MOKBEL
«Il n’y pas de décision préarrêtée de réduire au silence les voix des ténors de l’opposition. J’assume entièrement la responsabilité de mes paroles et je défie quiconque des cadres de médias de prouver que je l’ai appelé pour lui interdire de publier ou au contraire de mettre en relief une nouvelle politique ou autre. Il n’y a pas de place à la «dactylo»...