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Actualités - CHRONOLOGIE

Au deuxième jour du débat budgétaire Excepté Nassib Lahoud, les députés commentent tout... sauf le budget (photos)

Les députés qui ont pris la parole hier, au second jour du débat budgétaire, ont émis de nombreuses critiques à l’égard du gouvernement... mais n’ont évoqué qu’accessoirement le projet de budget 1997 et la politique financière du Cabinet à l’exception de M. Nassib Lahoud. Douze députés sont montés à la tribune le matin, et six autres le soir, pour soulever des questions aussi diverses que le retour des déplacés et l’hospitalisation, ainsi que des revendications purement régionales.
Le débat devrait se terminer aujourd’hui lors de la séance nocturne qui s’ouvrira à 19 heures. Certaines sources n’excluent pas que la séance se prolongue jusqu’à samedi, le budget devant être voté article par article.
Lorsque le président du Parlement, M. Nabih Berry, ouvre la séance à 10 heures 17, la salle est encore à moitié vide. Les ministres et députés présents n’ont pas eu le temps de se dire bonjour et se font signe de loin en échangeant des sourires.
C’est dans ce climat bon enfant et plutôt joyeux qu’Antoine Haddad prend la parole. Il se demande notamment: «Quel Etat construisons-nous? Un Etat doté d’un système lui assurant la continuité ou un Etat basé sur un système piégé qui risque d’exploser et d’éliminer toutes les réalisations?».
Les ministres présents, qui font mine d’approuver les propos de M. Haddad et l’encouragent, n’hésiteront pas à applaudir carrément après l’intervention de Hassan Alaouiyé, qui lui succède à la tribune. Après M. Alaouiyé, qui appelle le gouvernement à limiter les dépenses et à appuyer la résistance au Liban-Sud, Nabil Boustani prend la parole au moment même où le président Hariri entre dans la salle en boîtant légèrement.

Taxes pour
les déplacés

M. Boustani, qui sera suivi en cela par deux de ses collègues, Wadih Akl et Abdo Bejjani, réclame que des fonds supplémentaires soient consacrés au retour des déplacés. Son intervention a le mérite de ne pas être trop longue et d’aller droit au but. Il y relève que l’article 35 du projet de budget 1997 abolit la taxe de 10% imposée aux étrangers qui enregistrent au Liban des biens-fonds en leur nom. Protestant contre cet article dont il demande l’abolition, il propose, dans le but de renflouer la Caisse des déplacés, que des taxes supplémentaires soient prélevées des bénéfices réalisés par les étrangers qui achètent des biens-fonds au Liban, et qu’une autre taxe soit imposée aux commerçants qui vendent des biens-fonds.
L’intervention de M. Akl sera aussi courte que celle de M. Boustani. Il se demandera notamment comment le gouvernement, qui a refusé d’augmenter de 50% certaines taxes au profit de la Caisse des déplacés, a pu en augmenter d’autres et les multiplier par mille. Comme il évoque le sujet de la réforme administrative, M. Berry en profite pour déclarer qu’il s’attend à ce que les permutations des fonctionnaires de la première catégorie, en application de la décision prise il y a plusieurs semaines par le Conseil des ministres, soient limitées au cadre de chaque communauté.
Pendant l’intervention de M. Boustani, une proposition de loi élaborée par quinze députés, à l’initiative de Chaker Abou Sleiman, est distribuée aux parlementaires. Elle prévoit d’ajouter au projet de budget un article dispensant les citoyens de l’amende imposée en cas de retard dans le versement des taxes si ces taxes sont payées dans un certain délai.
Après M. Bejjani, Ahmed Soueid prend la parole et soulève plusieurs dossiers touchant le Liban-Sud. Il demande en outre au gouvernement d’œuvrer en vue de la libération des Libanais détenus par Israël.

«Daoultoh» et
«Fakhamtoh»

Les trois parlementaires, que M. Berry appelle ensuite successivement à la tribune, sont absents et c’est finalement Ismaïl Succariyé qui prend la parole. Il commence par relever, d’une voix inaudible (le micro se trouvant sous son menton), que «nous vivons dans un climat de deuil de la troïka». Ce qui provoque les rires de la salle, MM. Berry et Hariri inclus. M. Succariyé précise que les grands sujets actuellement abordés par la presse sont: «Les présidents se rencontreront-ils? «Daoultoh» participera-t-il à l’iftar de «Fakhamtoh?», alors que les dossiers essentiels sont négligés au profit de ces tiraillements.
M. Succariyé dénonce ensuite «la mentalité du commerçant et non du responsable», avant de s’en prendre nommément au président Hariri et de l’accuser de développer le Grand-Beyouth au détriment des autres régions libanaises afin d’en faire une zone touristique importante au niveau de la région.
Les ministres, apparemment en forme et de bonne humeur, applaudiront, certains avec des sourires ironiques, à la fin du mot de M. Succariyé. Ils en feront de même avec d’autres députés qui prendront la parole durant la séance du matin.
Adoptant le ton de Zaher el-Khatib et ses gestes, Marwan Farès se lance ensuite dans une longue diatribe critique à l’égard du gouvernement. Il lit même — comme le fait généralement M. Khatib — des passages d’un livre. Il a choisi l’ouvrage «L’Art du pouvoir», et les paragraphes qu’il lit traitent de «la logique du pouvoir».

Les élections
municipales

Ammar Moussaoui prend ensuite la parole et relève, à juste titre, que la plupart des députés ne commentent pas, dans leurs interventions, le projet de budget et la politique financière du gouvernement.
Il réclame lui-même une politique fiscale équitable, surtout pour ce qui a trait à l’impôt progressif.
Comme M. Moussaoui critique la nomination d’un tiers des membres des conseils municipaux (prévue par un projet gouvernemental) et la proposition de placer Beyrouth sous le contrôle d’un simple fonctionnaire (secrétaire), M. Hariri l’interrompt pour dire qu’actuellement, «la loi prévoit des nominations et nous ne changerons pas la loi».
M. Berry intervient à ce moment et rappelle à M. Hariri qu’il avait déclaré il y a deux jours qu’il n’y aurait pas de nominations.
«N’avez-vous pas tenu ces propos?», demande M. Berry. «Si», répond le chef du gouvernement. «Alors, nous sommes d’accord», souligne-t-il, avant de demander à M. Moussaoui de poursuivre.
Il convient de noter que M. Berry n’a pris hier la parole qu’à deux ou trois reprises lors de la séance du matin, mais il en a profité à chaque fois pour proclamer sa position au sujet d’un dossier important. Après le député Ghazi Zeaïter, qui souligne que le projet de budget révèle l’attachement du gouvernement à des politiques financières qui ne reflètent pas la situation exacte, Talal Merhebi prend la parole et indique avoir cherché le mot «troïka» dans la Constitution. «Mais, a-t-il ajouté, je ne l’ai pas trouvé; la Constitution évoque plutôt la séparation des pouvoirs».
M. Merhebi estime en outre que le projet de budget «n’est pas à la hauteur de nos ambitions».
Hussein Yatim prend ensuite la parole pour indiquer que le projet de budget 1997 «marque un effort sérieux visant à l’amélioration de la situation financière», précisant que «1997 constituera un tournant à cet égard».
Il se voit lui aussi ovationné par le gouvernement et regagne sa place. M. Berry proteste contre l’absence des députés qui ont demandé à prendre la parole, et annonce que la séance reprendra à 19 heures. Il précise que tout député qui ne répondra pas à l’appel de son nom perdra son tour.

M. Berry lève la séance
à 13 heures 53

Il convient de rappeler qu’après le vote du budget, les députés devront élire les parlementaires membres de la Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres. Selon des sources concordantes, les députés éliront: MM. Camille Ziadé, Marwan Farès, Ayman Choukair, Salah Haraké, Khatchig Babikian, Zaher el-Khatib et Raji Abou Haïdar (membres titulaires), et MM. Michel Pharaon, Hassan Alaouiyé et Ahmed Hbous (suppléants).

En soirée

En soirée, six parlementaires ont pris la parole. A l’exception de M. Nassib Lahoud qui a axé toute son intervention sur le projet de budget, les cinq autres se sont contentés de formuler quelques remarques sur la politique socio-économique du gouvernement, sans oublier de soulever au passage des questions de politique générale ou intéressant les régions qu’ils représentent.
Le député Bahaeddine Itani est sans doute l’un des rares parlementaires à ne pas critiquer la politique gouvernementale. Il est membre du bloc parlementaire de M. Hariri. M. Itani se félicite des efforts menés en vue de la reconstruction, estimant que le règlement de la crise socio-économique «ne peut pas être réalisé en gelant le projet de reconstruction et de développement». Le député exprime sa satisfaction quant au projet de budget, formulant l’espoir que les prévisions budgétaires du gouvernement s’avèreront exactes.
C’est un discours presque poétique que son collègue, M. Rabiha Keyrouz, prononce pour dénoncer principalement la dégradation socio-économique et pour appeler le ministère de l’Agriculture à s’occuper des problèmes des agriculteurs avant de mettre en garde contre toute tentative de relèvement des taxes en vue de combler le déficit budgétaire.
M. Saleh Kheir, qui voit dans le projet de budget une réplique des projets de loi de finances des dernières années, reproche au texte sous étude de ne proposer aucune solution aux problèmes économiques, sociaux et financiers. M. Kheir attire l’attention de ses collègues sur des «abus punis par la loi et commis par des responsables», en faisant allusion à un moment donné aux accusations du chef du Législatif. «Il est temps d’ouvrir le dossier de la corruption», dit-il avant de réclamer l’établissement d’un tribunal économique «à l’instar de celui de la Syrie» et de renforcer le rôle du procureur financier.
Après une longue introduction sur la situation au Liban-Sud, le rôle de la résistance et les dangers israéliens, M. Abdallah Kassir, député du Hezbollah, exprime des doutes quant à la crédibilité des prévisions budgétaires pour l’exercice en cours. Il fonde son scepticisme sur le bilan financier de l’année dernière qui s’est avéré, selon lui, en contradiction avec les prévisions du budget 96. Le député met l’accent sur les recettes provenant des impôts et des taxes et qui constituent, selon lui, 51% des rentrées du Trésor. «Cela signifie, déclare-t-il, que les dettes seront remboursées à l’avenir grâce à de nouvelles impositions».
Il constate aussi que l’introduction du projet de budget ne fait aucune mention du «déséquilibre entre le revenu per capita d’une part et le coût des services ou la cherté de vie de manière générale dans le pays d’autre part». Pour M. Kassir, il est indispensable que le gouvernement «rétablisse cet équilibre s’il veut régler une fois pour toutes la crise socio-économique».

Lahoud: La dette
et le déficit

M. Khaled Daher, député de la Jamaa islamiya, a pour sa part déclaré que le budget doit «renforcer la paix civile et assurer la sécurité politique». «Nous aurions souhaité que la loi de finances soit en harmonie avec la déclaration ministérielle qui a promis de consolider les secteurs productifs, agricole, industriel et touristique, mais rien de tout cela n’a été fait», a-t-il dit.
M. Daher a aussi mis l’accent sur la nécessité de conduire «une véritable réforme administrative et de réactiver les organismes de contrôle et de surveillance».
M. Nassib Lahoud a procédé à une critique méthodique de l’introduction du budget présentée par le gouvernement, mettant l’accent sur la différence existant entre les prévisions et la réalité au niveau des chiffres avancés. «Nous ne sommes pas heureux de répéter une nouvelle fois ce dont nous avions mis en garde les années précédentes, a déclaré le député du Metn. Mais le gouvernement n’écoute pas les conseils. Tous les ans, les chiffres du budget n’ont une valeur que pendant la séance du débat budgétaire et après cela, ils perdent tout leur sens».
M. Lahoud a affirmé que la séance budgétaire est vidée de son sens «lorsque le projet de budget n’est plus qu’une liste énumérant les salaires des fonctionnaires et le services de la dette et lorsque les dépenses et les investissements n’y sont pas mentionnés. Pourtant, le service de la dette n’est-il pas lié aux dépenses qui ne sont pas inclus dans la loi de finances?». Le député a demandé l’unification du budget en y incluant les investissements.
M. Lahoud a critiqué les chiffres «contradictoires» fournis par le gouvernement et par la Banque du Liban (BDL). «Alors que le gouvernement assure que la croissance sera cette année de 7%, a-t-il déclaré, le jour même, la BDL précise que cette croissance ne sera que de 5% si nous contrôlons l’inflation et si des développements politiques imprévus ne se produisent pas. Et si les prévisions de la BDL , qui sont plus proches de la réalité, se réalisaient? Comment le trésor réglera-t-il l’insuffisance des recettes? Un déficit plus grand nécessite des emprunts supplémentaires. Je crains que l’année prochaine, nous soyons devant une situation similaire».
Selon M. Lahoud, «contrairement à ce que l’introduction du budget prétend, la dette augmente et le déficit s’amplifie. La seule solution à ce cercle vicieux est de baisser les taux d’intérêt d’une manière étudiée».
Evoquant les points mentionnés dans l’introduction et susceptibles de favoriser un redressement au Liban, M. Lahoud a déclaré: «La réhabilitation du cadre humain est un dossier qui n’a été ouvert que tardivement et d’une manère très timide. Pour ce qui concerne la prospérité économique, c’est le marasme le plus total. Des progrès ont été enregistrés sur le plan de la réhabilitation de l’infrastructure mais à un prix très élevé. Enfin, la stabilité économique n’a été atteinte qu’au prix d’une augmentation du déficit du budget et de la dette».
M. Lahoud a poursuivi que le respect et le renforcement de la démocratie sont une condition essentielle pour améliorer la situation économique. «Les arrestations, le fait que des parties agissent comme si elles étaient au-dessus des lois et le fait de considérer les gens coupables tant que leur innocence n’est pas prouvée portent atteinte au pays, a-t-il dit. Au contraire, la vraie démocratie, la transparence, les liberés, l’indépendance de la justice et la réconciliation nationale servent les intérêts du Liban».
Les députés qui ont pris la parole hier, au second jour du débat budgétaire, ont émis de nombreuses critiques à l’égard du gouvernement... mais n’ont évoqué qu’accessoirement le projet de budget 1997 et la politique financière du Cabinet à l’exception de M. Nassib Lahoud. Douze députés sont montés à la tribune le matin, et six autres le soir, pour soulever des...