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Actualités - ANALYSE

Discussion serrée autour de la reprise des pourparlers syro-israéliens

En décembre, c’était le bruit de bottes qui dominait dans la région. Mettant à profit le passage à vide entre les deux présidences Clinton, Netanyahu avait fait monter les enchères au maximum, provoquant une forte escalade au Sud et allant jusqu’à menacer la Syrie de guerre.
Aujourd’hui, après l’investiture de la nouvelle Administration U.S., le tableau change. On spécule ferme sur la reprise prochaine des pourparlers syro-israéliens, bien que les deux parties soient loin d’être d’accord sur les conditions de base de cette procédure et sur le point à partir duquel elle doit s’enclencher.
La partie syrienne insiste comme on sait pour le respect du cadre mis en place par les principes de la conférence de Madrid, notamment de la formule «la paix moyennant la terre». Elle attend donc de Netanyahu qu’il confirme l’engagement de restitution totale du Golan pris par Rabin. Et souligne que ce retrait doit se faire derrière la ligne-frontière qui existait au soir du 4 juin 1967, non suivant l’ancien tracé britannique qui incluait la zone riche en eau dans le territoire palestinien devenu israélien en 1948. La Syrie demande également que l’on revienne, sur le plan du dispositif sécuritaire frontalier et au no man’s land, au document agréé séparément par les deux parties en 1959. Enfin, elle réclame que l’on reprenne les pourparlers au même point où on les avait laissés, en février 1996, en rappelant que c’est ce qui avait été convenu alors, sous l’égide du parrain américain.
Netanyahu réplique en affirmant que les engagements de ses prédécesseurs ne le concernent pas puisqu’ils n’étaient pas écrits. Il souligne que son gouvernement a une autre optique que les travaillistes au sujet du Golan comme des mesures de sécurité et soutient que sa politique a reçu l’aval de la majorité des électeurs israéliens.
Ce à quoi Damas répond en rappelant que des engagements pris lors d’entretiens officiels ont force de pacte aux termes des règles internationales. Et de préciser que lorsque Rabin et Pérès avaient promis le retrait total, ils ne parlaient pas en leur nom personnel mais en celui de l’Etat d’Israël qui ne peut se dédire.

Mécanisme

Certes, ajoute Damas, il n’y avait pas eu de proclamation publique solennelle, mais c’était parce que les deux délégations aux négociations s’étaient entendues de ne divulguer aucune décision de détail avant la conclusion d’un accord global définitif. Cela ne veut pas dire qu’on peut nier un engagement officiel, dont font foi les procès-verbaux des séances et le témoignage U.S. Le chef de la délégation syrienne, l’ambassadeur Walid Mouallem, avait en effet insisté pour que les médiateurs U.S. (Dennis Ross, Mark Parice et Martin Undike) consignent par écrit les déclarations israéliennes. En décembre 94, quand Hikmat Chehabi, chef d’état-major syrien, avait dû interrompre les pourparlers militaires avec son homologue israélien (à l’époque Ehud Barak) à cause des conditions obstructionnistes de ce dernier, les Américains avaient proposé un document de travail très précis sur les mesures de sécurité. Il en ressortait clairement que ce dispositif devait être installé en base d’un retour total du Golan à la Syrie. Et c’est ce document U.S. qui a servi pour la reprise des négociations au Maryland en juin 1995. Dans une interview à une revue palestinienne, le négociateur syrien, M. Walid Mouallem, entrant dans les détails, révèle que «chacune des trois délégations rédigeait son propre compte rendu des débats. Mais les points sur lesquels nous tombions d’accord avec les Israéliens étaient officiellement signalés aux conciliateurs U.S. pour qu’ils en prennent acte à part, en attendant la conclusion d’un règlement définitif qui seul devait être signé. Ross proposait à la fin de chaque séance un résumé qui était approuvé par les deux parties négociatrices puis remis à Christopher, qui se servait de ces pièces dans ses navettes régionales et lorsqu’elles étaient adoptées par les gouvernants concernés, elles devenaient officielles».
M. Mouallem réfute l’interprétation fantaisiste que Netanyahu fait de la loi internationale. «Lorsqu’on négocie, souligne le diplomate, on ne signe pas chaque point, mais le document final. Ordinairement, on discute sujet par sujet. Et lorsqu’on a fini d’un thème on le met de côté pour passer à autre chose. S’il y a eu accord, les Américains en sont officiellement notifiés... Si l’on devait suivre la méthode Netanayahu, relève le diplomate syrien, il ne pourrait jamais y avoir de négociations dans le monde car cela prendrait une éternité, dans la mesure où chaque délégation devrait communiquer ses innombrables positions ou réponses par écrit, point par point...» Sur le fond, M. Mouallem rappelle qu’il a fallu déployer des efforts titanesques pour arracher à Israël l’engagement d’un retrait total du Golan. Or c’est depuis Madrid le seul point que la Syrie accepte de discuter. Dès le départ, la délégation syrienne a compris que le négociateur israélien, obeissant aux directives d’Yitzhak Shamir qui dirigeait à l’époque le Cabinet de Tel-Aviv, faisait traîner les choses à souhait. Quand Rabin a pris la relève en 92, il a compris que les Syriens ne feraient pas un pas en direction de la normalisation des relations tant qu’ils ne s’étaient pas assurés des bonnes intentions d’Israël. En août 93, Rabin s’est donc décidé à franchir le pas en admettant le principe d’un retrait total. Au bout d’un an à peu près, en juillet 94, on en était venu à discuter des détails de la programmation. On avait donc pu aborder l’ensemble des points que Rabin appelait «les pieds de la table», à savoir outre le calendrier-programme de retrait, la normalisation et les mesures de sécurité. On pensait aboutir au milieu de l’année 96 mais les élections israéliennes ont tout chamboulé...
Autre déposition de marque: le président Hosni Moubarak d’Egypte a révélé que Rabin lui avait confirmé qu’il était disposé, pour conclure la paix avec la Syrie, à se retirer du Golan derrière la frontière du 4 juin 67. De plus, ajoutent les Syriens, il n’aurait pas été très avisé d’annoncer un seul point, même favorable, avant de s’être assuré des autres éléments susceptibles de mener à un arrangement complet.

E.K.
En décembre, c’était le bruit de bottes qui dominait dans la région. Mettant à profit le passage à vide entre les deux présidences Clinton, Netanyahu avait fait monter les enchères au maximum, provoquant une forte escalade au Sud et allant jusqu’à menacer la Syrie de guerre.Aujourd’hui, après l’investiture de la nouvelle Administration U.S., le tableau change. On...