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Actualités - ANALYSE

En lieu et place d'une troïka conflictuelle, des concertations régulières...

Un enterrement de première classe: la troïka c’est fini et bien fini, confirme un officiel qui soutient que «les trois présidents sont tacitement d’accord pour se dégager de ce système, chacun devant en quelque sorte regagner son domaine réservé et tenter d’exercer les prérogatives que lui confère la Constitution sans en référer aux deux autres».
Ceci étant, cette haute personnalité n’exclut pas qu’il y ait «au coup par coup ou assez régulièrement des concertations de coordination. Il est ainsi normal qu’en lever de rideau du Conseil des ministres le président de la République et le président du Conseil aient quelques minutes d’entretien en aparté au sujet de l’ordre du jour. Il est de même tout à fait courant en démocratie que le chef de l’Etat reçoive une fois par semaine le président de la Chambre, tout comme il consacre une autre journée aux députés, pour le suivi des projets transmis à l’Assemblée nationale».
«D’ailleurs, rappelle cette personnalité, cette forme de coopération est expressément recommandée par les accords de Taëf qui ont retenu là une tradition ancienne. En effet, sous la précédente République, le chef du Législatif rendait visite une fois la semaine au moins (généralement le mardi) au président de la République pour discuter des problèmes de l’heure. De son côté, le premier ministre avait avec le chef de l’Etat un entretien préparatoire d’une demi-heure à peu près avant tout Conseil des ministres». Un vétéran de la politique locale opine du chef et se souvient de son côté que «déjà tout se faisait en pratique en dehors du Conseil des ministres. Dans le quart d’heure qui précédait la séance, on voyait les ministres fraîchement arrivés au siège de la présidence se précipiter chez le directeur de cabinet pour prendre connaissance de l’ordre du jour et savoir ce qu’on allait leur demander d’approuver...»
«Mais à l’époque, reconnaît cet ancien, les rencontres à trois étaient rares. C’est deux par deux que les réunions se faisaient et à dire vrai le protagoniste incontournable restait le chef de l’Etat car il détenait le pouvoir exécutif. Dès lors, le président de la Chambre n’avait pas tellement besoin de parler sur le fond avec le chef du gouvernement, qui n’était le plus souvent que le bras droit du président de la République, sauf évidemment quand le Cabinet devait comparaître devant l’Assemblée et qu’il fallait arranger un vote quelconque. Ces échanges bilatéraux multipliés permettaient d’abréger tout débat et facilitaient beaucoup les procédures de décision, en Conseil des ministres ou à la Chambre. L’affaire était dans le sac sauf lorsque l’opposition, exploitant les tendances à la paresse des députés, parvenait à retarder l’épilogue en provoquant un défaut de quorum Place de l’Etoile».
C’est donc vers la reprise de ces anciennes concertations à deux, sans plus de ménage à trois, qu’on semble s’acheminer. Une orientation qui peut paraître sage, mais qui suscite quand même des interogations car les donnes ne sont fondamentalement plus les mêmes. Le pouvoir exécutif n’est plus aux mains du président de la République mais d’une instance, le Conseil des ministres, où il n’a même pas le droit de vote et qu’il ne préside — en principe — qu’à titre exceptionnel, pas automatique. Le président de la Chambre est ancré à son poste pour toute la législature, pas pour une seule année comme auparavant et il n’a plus besoin des bonnes grâces du chef de l’Etat. En outre, dialoguer avec ce dernier n’offre un intérêt pratique que dans la seule mesure où il est d’accord (ce qui n’est pas souvent le cas) avec le chef du gouvernement, principal détenteur en réalité du pouvoir exécutif. C’est donc pour le fond essentiellement des rencontres entre le président de la Chambre et le président du Conseil qui peuvent harmoniser les rapports entre les deux pouvoirs.
Toujours est-il qu’un pôle arabe qui suit de près le dossier intérieur libanais a indiqué, lors de la récente crise relationnelle au sein de la troïka, qu’à son avis le président de la République ne doit pas diriger les séances du Conseil des ministres. Et de citer les articles 53 et 56 de la Constitution qui stipulent au sujet du rôle institutionnel du chef de l’Etat:
— Il peut soumettre au Conseil des ministres tout sujet d’actualité non inscrit à l’ordre du jour (alinéa 11 de l’art. 53).
— Il peut convoquer le Conseil à titre exceptionnel quand il estime cela indispensable, mais en accord avec le chef du gouvernement (alinéa 12 de l’art. 53).
— Dans un délai de quinze jours après réception par la présidence de la République, il peut prier le Conseil des ministres de réexaminer toute décision prise (art. 56).
Ce responsable arabe, qui connaît donc la Constitution libanaise sur le bout des doigts, ajoute en substance que «lorsque le chef de l’Etat assiste au Conseil des ministres, il se rend de la sorte solidaire de tout acte de l’Exécutif pris dans ce cadre. Il est alors considéré comme coresponsable des décrets, décisions ou projet de loi, même s’il n’a pas droit de vote. En bonne logique, il ne devrait donc pas en redemander l’examen, mais s’incliner devant la volonté exprimée par la majorité des membres du Conseil, détenteur du pouvoir exécutif».
«Par contre, poursuit cette personnalité, si des décisions sont prises en l’absence du chef de l’Etat il peut prendre ses distances à leur égard sans que cela paraisse illogique. Il semblerait alors assumer son rôle d’arbitre impartial, au-dessus de la mêlée qui aurait mis aux prises les ministres. Et c’est bien pour qu’il puisse jouer ce rôle que la Constitution lui a refusé le droit de vote en Conseil des ministres, car on ne peut être juge et partie à la fois».
Au début de son (premier) mandat M. Elias Hraoui avait bataillé dur contre M. Sélim Hoss pour que la présidence de la République ne soit pas réduite à un rôle honorifique fantomatique. Il avait bénéficié alors de l’appui des décideurs, et il faut maintenant attendre de voir ce qu’ils en pensent, pour savoir quel mécanisme va au juste remplacer la troïka...
A moins que celle-ci ne renaisse en douceur de ses cendres, ce qui serait un peu normal au pays phénicien du phénix...
E.K.
Un enterrement de première classe: la troïka c’est fini et bien fini, confirme un officiel qui soutient que «les trois présidents sont tacitement d’accord pour se dégager de ce système, chacun devant en quelque sorte regagner son domaine réservé et tenter d’exercer les prérogatives que lui confère la Constitution sans en référer aux deux autres».Ceci étant, cette...