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Actualités - ANALYSE

Le camp loyaliste en quête d'une solution de fond pour le problème baptisé troïka

Les bonnes manières retrouvées, l’arrêt des échanges d’amabilités entre Baabda et Aïn el-Tiné à la demande de Koraytem ne suffisent pas. La crise relationnelle a été trop loin cette fois. Jamais auparavant les protagonistes issus de la troïka ne s’étaient menacés mutuellement de «révélations fracassantes» et de «l’ouverture de dossiers à scandales». Aussi, choqués sur le plan éthique et peut-être inquiets à l’idée d’un déballage qui pourrait faire sauter le couvercle de la marmite, des politiciens précisent que «l’on ne doit plus prendre le risque de flambées interprésidentielles s’accompagnant d’accusations précises sur des affaires, des combines, des détournements de fonds, des extorsions perpétrés dans le domaine public par tel ou tel membre de notre honorable corporation. Les dirigeants ont entre leurs mains une responsabilité qui dépasse leur personne propre. Ils ne peuvent continuer de la sorte à nous donner des sueurs froides, des nuits d’insomnie chaque fois qu’ils se disputent. De son côté le pays ne peut plus supporter des secousses, des tensions déstabilisatrices qui se terminent par de soi-disant «pactes d’honneur définitifs» qui s’avèrent n’être que des trêves vite rompues. Il faut donc établir une règle précise pour les relations entre institutions».
D’autant qu’en dépassant la mesure les dirigeants provoquent un nouveau dilemme de fond: dans une république normale, le peuple aurait aujourd’hui le droit d’exiger des éclaircissements sur les magouilles qu’on a évoquées. Commentant ce point, un opposant note que «ceux qui lancent ainsi des pierres inconsidérément auraient bonne mine si on les convoquait en justice ou devant une commission parlementaire pour leur faire dire sous serment tout ce qu’ils savent, sous peine de les poursuivre eux-mêmes pour diffamation. Est-il en effet imaginable qu’un adulte, quel qu’il soit, profère des propos aussi graves en restant dans la vague, sans qu’on lui en demande raison? Il arrive un moment, poursuivent ces sources écœurées, où on ne peut plus faire comme si de rien n’était et recoller vaille que vaille les morceaux sous prétexte que la situation régionale est trop délicate. Quand le linge sale ne se lave plus en famille parce qu’on n’a même plus cette décence, il faut aller au bout de cette logique et le mettre à sécher devant tout le monde, sur les toits où l’on a crié au scandale. Cela parce que le mal est déjà fait, que le discrédit moral frappe toute la classe dirigeante aux yeux de l’opinion interne, en portant malheureusement atteinte à l’image de marque du Liban tout entier, au dehors».
En un écho légèrement plus modéré, le président Sélim Hoss propose un excellent moyen dissuasif de réguler les rapports au sein de la troïka, une bonne leçon une fois pour toutes: la Constitution d’une commission parlementaire d’enquête sur les accusations échangées dont la justice doit être également saisie selon l’ancien président du Conseil. Il ajoute que rester les bras croisés serait se rendre complice d’une atteinte durable à la démocratie comme à l’édification d’un Etat véritable, en sapant à tout jamais la confiance des gens qui se demandent désormais si la corruption n’a pas contaminé toutes les sphères de la république.
De son côté l’ancien député Fouad el-Saad relève que par l’échange de jets de pierres les tours de verre des reponsables se sont brisées et il recommande que le Parquet financier et l’Assemblée nationale enquêtent pour juger éventuellement les dirigeants et les ministres accusés de magouilles, de rapines, de détournements de fonds et de cet enrichissement illicite élargi que laissent présumer, selon lui «les vastes terres acquises par certains ainsi que les palais qu’ils se sont construit».
Les contempteurs des pratiques troïkistes sont sans aucun doute bien intentionnés, mais leurs vœux ne sont pas très réalisables pour le moment. D’une part parce que la session extraordinaire actuelle est consacrée en priorité au Budget et qu’on ne peut donc y proposer la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire. D’autre part, et surtout, parce que l’idée de demander des comptes aux tenants du pouvoir a très peu de chances d’être approuvée par les décideurs.

Des chiffres

Il n’empêche que les gens, qui sont ravis de n’être pas tous «sous influence» comme on dit, parlent beaucoup d’étranges phénomènes comptables relevés çà ou là. Ainsi selon la direction générale du Pétrole, la note des carburants s’est élevée en 1996 à quelque 769 millions de dollars... contre 630 millions pour l’année précédente, 1995. Soit une augmentation de 139 millions de dollars qui s’explique en partie par le fait qu’en 1996 on avait importé 4,271 millions de tonnes contre 4,088 millions l’année précédente, la différence ayant été acquise en fuel-oil pour les besoins de la distribution de courant électrique. Autrement dit, 183.000 tonnes de carburants ont coûté 139 millions de dollars. Bien entendu dans ce domaine des carburants, les 95% de la note d’essence étaient destinés au secteur privé. Les importations de mazout ont été de 714.000 tonnes. Le Trésor a perçu en taxes un montant global de 250 millions de dollars (5.000 L.L. sur les 20 litres d’essence). A ce tarif on peut estimer que l’Etat ferait mieux de se réserver le monopole de l’importation de tous les dérivés du pétrole: il toucherait beaucoup plus que 250 millions de dollars à la revente, et proposerait en outre des prix inférieurs à ceux du marché actuel, pour le plus grand bonheur des consommateurs...
Pour en revenir au domaine politique, les loyalistes proches de Baabda rappellent qu’ils soutiennent à fond la proposition Hoss d’une commission d’enquête parlementaire. Ils ajoutent, sans crainte apparemment, de briser l’accord de trêve tacite conclu sous l’égide de M. Rafic Hariri que «M. Nabih Berry qui a fait part du décès de la «troïka» en soutenant qu’elle avait couvert des détournements de fonds, ne doit pas garder pour lui ce qu’il sait. Il doit tout révéler au peuple libanais, qui a le droit de savoir toute la vérité, sans prendre prétexte de la situation régionale ou des conseils des décideurs. Cet aspect de la question n’a rien à voir avec l’arrangement concernant le conflit au sein de la troïka: si quelqu’un de bien placé annonce qu’il sait quelque chose, il doit dire au juste quoi. Autrement les Libanais vont penser que tout est pourri et ils vont mettre dans le même sac tous les dirigeants...»
Mais d’autres loyalistes pensent «qu’il ne faut pas faire semblant de prendre au sérieux des propos lancés à l’emporte-pièce par un homme en colère... Inutile de remuer la vase et le couteau dans la plaie: tout le monde convient que le corps public local est assez malade, plutôt infecté. Mais personne ne peut produire des preuves, des documents recevables en justice. Alors ce n’est pas la peine de plonger les Libanais dans une «scandalite» malsaine qui ruinerait notre crédit à l’étranger, très peu affecté quoiqu’on dise, par les précédentes incidences internes mais qui serait par contre sévèrement touché si l’on devait annoncer un procès...»
E.K.
Les bonnes manières retrouvées, l’arrêt des échanges d’amabilités entre Baabda et Aïn el-Tiné à la demande de Koraytem ne suffisent pas. La crise relationnelle a été trop loin cette fois. Jamais auparavant les protagonistes issus de la troïka ne s’étaient menacés mutuellement de «révélations fracassantes» et de «l’ouverture de dossiers à scandales». Aussi,...