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Actualités - CHRONOLOGIE

La polémique sur les amendements du code du travail : une tempête dans un verre d'eau Les grandes lignes du projet approuvées hier en conseil des ministres

Une tempête dans un verre d’eau, c’est ainsi qu’on pourrait résumer la polémique autour du projet d’amendement du Code du Travail adopté hier dans ses grandes lignes en Conseil des ministres. Mais elle montre une fois de plus le manque de confiance qui règne entre les diverses parties concernées, notamment la CGTL, le gouvernement et le patronat.
Tout a commencé sur un malentendu, lorsque le gouvernement a pompeusement désigné une commission pour la réforme du Code du Travail — texte qui remonte à 1946 —, alors qu’il s’agissait en réalité de l’amendement de certains articles du code, au total une quinzaine sur 114. Cette commission, formée en 1994, sur une initiative conjointe des ministres du Travail et de la Justice (à l’époque MM. Abdallah el-Amine et Bahige Tabbarah) avait pour mission officielle de réformer le Code du Travail, dont certaines dispositions étaient devenues totalement obsolètes. Coprésidée par les deux ministres et regroupant un magistrat (Mohamed Ali Chkhaybé), un professeur d’université et avocat (Me Georges Kadige), un autre avocat (Me Antoine Abboud) et quatre fonctionnaires du ministère du Travail, cette commission s’est en définitive contentée d’amender une quinzaine d’articles, relatifs notamment au travail des femmes et des enfants (selon le projet, il serait désormais interdit d’employer des enfants de moins de 14 ans) et aux congés dont doivent bénéficier les salariés (la commission instaure ainsi un congé de paternité de deux jours et augmente le congé de maternité qui devient de deux mois). Mais elle ne touche pas aux problèmes fondamentaux du travail (notamment aux articles relatifs aux syndicats).

Protestations
généralisées

Le projet à peine connu, une vague de protestations généralisées s’élève, tant dans les milieux juridiques que dans ceux des syndicats ou même encore chez le patronat, chacune des parties se sentant lésée par ces modifications secondaires et cherchant une occasion de rappeler ses propres revendications.
Pour Me Georges Kadige qui s’était retiré de la commission lorsqu’il avait compris qu’elle n’avait pas l’intention de préparer une refonte globale du Code du Travail, le projet actuel ne mérite pas l’appellation de réforme. «Il ne s’agit que de la modification de certains articles. Mais il fallait le dire clairement. Car, c’est en laissant entendre que la commission est chargée de la réforme du Code du Travail qu’est née la polémique».
Pourtant, depuis sa promulgation en 1946, ce code n’a jamais été amendé en profondeur. Il y a certes eu plusieurs lois, mais aucune réforme véritable. La première tentative d’amendement a eu lieu en 1983, avec l’adoption d’un décret-loi pour la modernisation des lois. Mais la commission formée à l’époque de deux personnes — Me Kadige et le juge Chkhaybé — n’a pas achevé ses travaux. C’est d’ailleurs ce même décret-loi qui a été utilisé par le ministre Bahige Tabbarah lorsqu’il a formé, à son tour, une commission de modernisation des lois.
En 1994, le ministre du Travail de l’époque, M. Abdallah el-Amine, forme une commission de 15 personnes pour la réforme du Code du Travail. Bien qu’ayant pour mission claire de produire un nouveau code moderne, elle ne démarre pas réellement ses travaux. Il faudra attendre de nouvelles concertations entre les deux ministres du Travail et de la Justice pour que l’actuelle commission soit formée.

Divergences

Mais dès les premières réunions, des divergences apparaissent entre ses membres. Me Kadige souhaite ainsi que la commission procède à une réforme complète afin d’aboutir à la promulgation d’un code moderne, qui rassemblerait tous les textes en vigueur relatifs au travail et ils sont légion. Les autres membres voulaient se contenter d’amendements mineurs. Certes, Me Kadige reconnaît que c’est au gouvernement de juger l’opportunité d’une réforme importante, mais il préfère se retirer discrètement de la commission, d’autant qu’il n’est même pas d’accord sur le choix des articles à amender. (Il voulait, par exemple, préciser le domaine d’application du Code du Travail, qui soulève de nombreuses controverses...) Le ministre de la Justice lui demande alors de lui communiquer ses observations sur le projet de la commission et il lui envoie par écrit son point de vue.
Le projet de la commission est ensuite soumis au Conseil des ministres, qui décide de consulter le Conseil d’Etat. Celui-ci demande, à son tour, une copie des propositions de Me Kadige, avant d’émettre un avis en faveur de ce texte.
Tout en ne protestant pas sur les amendements, la CGTL tire aussitôt à boulets rouges sur le projet de la commission. Elle considère d’une part qu’elle a été écartée de l’élaboration du projet, contrairement aux dispositions des conventions internationales sur le Travail, et, d’autre part, que les réformes sont insuffisantes. Pour elle, puisqu’il s’agit de réformer le Code du Travail, il serait bon de toucher à d’autres articles, notamment ceux relatifs aux syndicats. La CGTL souhaiterait à cet égard que les syndicats ne soient plus constitués grâce à une autorisation du ministre de l’Economie (remplacé depuis par le ministre du Travail), qui dispose à cet égard d’un pouvoir discrétionnaire (Art 86). Elle voudrait aussi une réforme des articles évoquant la structure de la CGTL et l’incorporation des syndicats dans une fédération ou une confédération, qui doivent elles aussi obtenir une autorisation du ministre. Rappelons qu’actuellement, il y a, au Liban, deux confédérations, la CGTL, et la Confédération des syndicats sectoriels (présidée par M. Antoine Béchara et considérée par la CGTL comme un instrument entre les mains du gouvernement).

Les majorations
de salaire

Estimant donc que le Pouvoir veut l’affaiblir et limiter son action, la CGTL voit dans ces amendements mineurs l’occasion de rappeler ses revendications et surtout d’évoquer une nouvelle fois, la nécessité de moderniser les lois relatives aux syndicats, afin de les harmoniser avec les dispositions des conventions internationales.
De son côté, le patronat est d’accord avec la CGTL sur la nécessité de participer à l’élaboration de tout nouveau projet, mais il souhaiterait, lui, l’amendement d’autres articles du code. Il voudrait notamment que le gouvernement se contente de fixer le salaire minimum, laissant le patronat et la CGTL décider des majorations salariales en fonction de la cherté de vie...
Hier donc, le Conseil des ministres a adopté globalement le projet d’amendement de certains articles du Code du Travail — tout en y ajoutant quelques modifications —, mais les problèmes suscités par l’utilisation d’un Code datant de 1946 demeurent, ainsi que le fossé entre les diverses parties concernées, à savoir le gouvernement, la CGTL et le patronat. Et dire que c’est pour ne pas provoquer une polémique en abordant des articles délicats que la commission a évité de procéder à une réforme globale... Mais lorsqu’il y a un manque de confiance, chaque initiative — même la plus anodine — devient un objet de critiques...
Scarlett HADDAD
Une tempête dans un verre d’eau, c’est ainsi qu’on pourrait résumer la polémique autour du projet d’amendement du Code du Travail adopté hier dans ses grandes lignes en Conseil des ministres. Mais elle montre une fois de plus le manque de confiance qui règne entre les diverses parties concernées, notamment la CGTL, le gouvernement et le patronat.Tout a commencé sur un...