On ne sait toujours pas trop pourquoi, retour de Washington où le franc succès de «sa» conférence des amis du Liban aurait dû l’inciter à un rôle de rassembleur sur le front interne, le chef du gouvernement s’est montré aussi radical, aussi obstiné dans l’affaire des officiers, provoquant des remous qui discréditent derechef l’image de marque du Liban, en altérant ses chances de retrouver la confiance — et les assistances — de l’étranger... La prise de position en flèche en intrigue plus d’un car l’officier principalement visé est connu pour être apprécié des décideurs...
Un ministre influent révèle qu’à la veille du Conseil des ministres reporté voici quelques jours à cause de cette affaire des officiers, le président du Conseil lui avait confirmé qu’il n’allait pas changer sa position d’un iota et qu’il la défendrait fermement devant le Conseil. Ce ministre affirme avoir alors déclaré que «M. Hariri aurait tort de fractionner la recommandation du Conseil militaire, d’accepter certaines promotions et d’en rejeter d’autres, car il faut tout prendre ou tout laisser en bloc pour respecter les règles constitutionnelles». Et d’ajouter qu’il aurait souligné que «par contre, le commandement militaire n’est pas en droit de promouvoir un officier en outrepassant le pouvoir politique». Selon ce ministre de premier plan, son collègue de la Défense serait également responsable car il n’avait pas le droit de modifier la liste de promotion pour en biffer le nom de l’officier que M. Hariri récuse, et il aurait dû défendre les siens, entendre le Conseil militaire».
Pouvoir
discrétionnaire
Toujours est-il que pour le fond, la personnalité citée donne raison au président du Conseil «car, à condition de respecter les procédures, l’autorité politique garde de toute évidence un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne tout fonctionnement étatique. Il n’est pas question, on l’a vu avec l’affaire du décret de nomination du nouveau gouvernement que le chef de l’Etat n’a pas voulu avaliser, que la signature d’un responsable soit de pure forme et qu’il y soit obligé. L’exercice du pouvoir ne doit pas être machinal, un président du Conseil n’est pas un huissier ou un «moukhtar» qui authentifie un document. On ne peut pas lui envoyer un décret en blanc et s’il a le droit de prendre connaissance a priori des noms des officiers appelés à être promus c’est simplement parce qu’il a le droit d’accepter ou de refuser leur avancement, en fonction de l’intérêt de l’Etat ou du pays. Ce qui est du reste très justifié quand les fonctions de l’intéressé ont un côté public parapolitique comme c’est le cas».
Un autre politicien de poids, abondant dans le même sens, cite un précédent: sous le régime Sarkis M. Sélim Hoss, alors président du Conseil, avait refusé la promotion de trois officiers (Ibrahim Tannous, Antoine Barakat et François Zein) qu’à tort ou à raison il considérait comme des «symboles de guerre». Le commandant en chef, alors le général Victor Khoury, n’était pas passé outre et la promotion n’avait eu lieu qu’après le départ du Cabinet Hoss.
Face à une autre institution, les tenants du pouvoir politique soutiennent évidemment le chef du gouvernement. Du côté de Yarzé on confirme que durant six mois l’on a tenté, mais en vain, de persuader le président du Conseil de ne pas faire obstacle à la promotion de l’officier visé. Ce à quoi, indique une source informée, «M. Hariri répondait en mettant en balance son éventuelle démission... C’est ou lui ou moi, laissait-il clairement entendre». Toujours du côté de Yarzé on affirme que «les accusations de «coup d’Etat blanc» qu’on entend dans certains cercles politiques sont pour le moins infondées. La décision de permettre aux officiers d’afficher les insignes du grade qu’ils méritent a été prise pour consolider l’institution militaire, pour la tenir à l’abri de l’emprise des hommes politiques et des tentatives, notamment, du chef du gouvernement. C’est en effet une institution dans les affaires de laquelle nul ne doit intervenir et on ne doit pas y ouvrir une brèche, seul le commandement, et pas les officiers, devant répondre de l’armée devant le pouvoir politique».
Il reste que pour trancher, les regards se tournent maintenant vers le Conseil d’Etat, saisi de l’affaire par le commandement. Mais indépendamment de l’apect administratif et juridique de l’affaire, les ministres soulignent à l’envi que «dans le cadre politique, le verdict appartient à l’autorité exécutive en place et à nulle autre...». Ce qui laisse entendre que, comme naguère pour nombre de fonctionnaires épurés qui n’ont pas été rétablis dans leurs fonctions malgré un jugement en leur faveur du Conseil d’Etat, une sentence de ce tribunal pourrait être ignorée par le pouvoir. Civil.
P.A-A.
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