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Actualités - ANALYSE

Troïka : l'entente s'efface mais pas les zizanies

La situation régionale, le Sud ne le ressent que trop, est critique. Le Liban et la Syrie sont clairement sous la menace d’une agression israélienne visant à leur faire plier l’échine. Dans ces conditions, l’union sacrée s’impose à l’intérieur. Et elle doit naturellement commencer par les pôles du pouvoir comme par la caste politique qui doivent donner l’exemple à l’ensemble des forces actives du pays. Sauront-ils pour une fois mettre de côté leurs zizanies et placer l’intérêt du pays au-dessus de toute autre considération?
Le président Nabih Berry a fait part du décès de la troïka, assurant qu’on n’y reviendra plus jamais. Une proclamation qu’on ne peut qu’applaudir... si elle veut signifier que désormais on appliquera un régime d’institutions et non plus de personnes dont l’entente, d’ailleurs rare, se fait en base d’un esprit de partage du gâteau, avec paralysie du pouvoir à chaque différend.
Si par contre M. Berry a simplement voulu exprimer son mécontentement à l’encontre des deux autres présidents, son annonce serait négative dans le fond car elle signifierait que même en cette phase difficile il ne faut pas attendre des pouvoirs qu’ils se solidarisent et fassent front commun. Ce qui ne peut que servir les desseins en accentuant les risques de confusion déstabilisatrice à l’intérieur de ce pays. Tout naturellement donc, un leader politique inquiet se demande «si l’irresponsabilité chronique des responsables va provoquer une nouvelle crise de pouvoir au moment où les Israéliens font monter dangereusement les enchères... Au moment aussi où sur le plan intérieur le pays est en proie à de graves difficultés socio-économiques. Va-t-on assister à de tristes empoignades entre dirigeants, ouvrant la voie à divers dérapages notamment au niveau des ministres dont bon nombre seraient de nouveau tentés de se montrer frondeurs, comme sous le premier Cabinet Hariri? Comment le pouvoir traiterait-il alors une nouvelle campagne de revendications sociales, salariales et autres, que mènerait la Confédération générale des travailleurs du Liban avec l’assistance active de plusieurs forces politiques... Comment ferait-il face à des manifestations de rue que cette fois les institutions sécuritaires, agacées par de récentes frictions avec les gouvernants, pourraient ne pas vouloir réprimer ou étouffer dans l’œuf...»

L’épreuve de vérité

Toujours est-il que le comportement des piliers du pouvoir sera dûment testé lors des débats à la Chambre sur le projet de budget 97 ainsi qu’à travers la discussion des résultats de la conférence des amis du Liban à Washington qui en laissent plus d’un sceptique. On verra alors s’ils prennent également à leur compte, ce qui serait la moindre des choses, les conseils donnés par les décideurs à certains opposants de ne pas faire de vagues en ce moment afin d’épargner la solidarité interne face au péril israélien. Cela sans compter que même sans un tel aiguillon, dont il se passerait volontiers, ce pays encore convalescent a besoin pour se rétablir de voir émerger un Etat véritable, capable sinon fort, ce qui est évidemment impossible quand il n’y a ni démocratie ni cohésion entre gens du pouvoir. «Or ces derniers, reprend la même source, au lieu de donner à l’Etat en exigent plus qu’il ne peut accorder. Ils le savent parfaitement bien, mais se trouvent pris dans un engrenage à la fois puéril et fatal de surenchères personnelles, chacun voulant à tout prix sinon dominer l’autre du moins montrer qu’il ne se laisse pas facilement marcher sur les pieds. Même s’il n’y avait pas le Sud, même s’il n’y avait pas la crise sociale, le pouvoir dans son ensemble aurait un moment difficile à passer à cause du débat sur le budget. Le déficit atteint en effet des sommets aussi alarmants que le volume de la dette publique et des dépenses improductives. Il faudra en répondre, sans essayer de camoufler les réalités comme on l’avait fait en 1996 où le déficit, annoncé à moins de 40%, a en réalité franchi la barre des 50%. La dette publique se monte désormais à plus de 2.700 milliards de livres libanaises. L’échelle des salaires des enseignants va nécessiter une enveloppe de 90 milliards qu’on ne sait pas où trouver. Il faut aussi compter avec les autres échelles salariales concernant les fonctionnaires et les militaires. Pour couvrir toute nouvelle dépense, insiste Siniora, il faut instituer une nouvelle rentrée. Un principe très sain, mais on doute que la promulgation de nouveaux impôts, taxes et surcharges de quittances puisse se faire sans provoquer de forts remous populaires car la coupe déborde déjà trop... Il faudra donc que l’Etat se tourne vers d’autres ressources et commence enfin à juguler le gaspillage et la gabegie publics qui vident ses caisses. Il devra à la fois comprimer ses dépenses et améliorer la perception de ses revenus, en regardant du côté des entreprises et des gros nantis, un peu trop chouchoutés jusque-là par le fisc, qu’ils fraudent à tire-larigot. On ne peut plus pressurer le contribuable moyen ou pauvre, à cette nuance près qu’il est temps de mettre un terme à une iniquité chronique: l’électricité, qui n’est perçue qu’à 30%, doit être enfin payée par toutes les régions... Du côté de la cherté, si le gouvernement lui-même admet que les prix ont haussé de 10% en 1996, que doit-il en être en réalité et comment va-t-on faire pour pallier la perte du pouvoir d’achat des travailleurs sans augmenter les salaires... Le président Hariri indique en outre qu’à cause de la faible productivité du pays, le déficit de la balance commerciale est de quelque 6 milliards de dollars par an. Il est bon enfin de rappeler que la déclaration ministérielle du présent Cabinet promettait d’accorder une attention soutenue à l’enseignement, à la santé, à l’habitat et aux transports en commun. Ce sont de fait des questions sérieuses, des problèmes qui doivent être traités à fond, par un dialogue positif entre tous les partenaires sociaux et économiques. Comment le pouvoir peut-il mener un effort aussi nécessaire s’il reste divisé...»

E.K.
La situation régionale, le Sud ne le ressent que trop, est critique. Le Liban et la Syrie sont clairement sous la menace d’une agression israélienne visant à leur faire plier l’échine. Dans ces conditions, l’union sacrée s’impose à l’intérieur. Et elle doit naturellement commencer par les pôles du pouvoir comme par la caste politique qui doivent donner l’exemple à...