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Actualités - REPORTAGE

"Un été à la goulette" Le paradis perdu de Férid Boughedir (photo)

PARIS — De Mirèse AKAR

Tous ceux qui ont eu l’occasion de côtoyer Férid Boughedir à des festivals de cinéma pouvaient, sans grand risque, prendre le pari qu’il deviendrait un jour réalisateur. Exubérant, volubile sinon incorrigiblement bavard, ce petit bonhomme qui promettait de rester un éternel adolescent et fut longtemps critique dans un journal tunisien faisait, en paroles, les films à la place des autres. Alors, pourquoi n’en aurait-il pas fait pour son propre compte?
C’est bien ce qui arriva et, après quelques documentaires, sa première œuvre de fiction, «Halafouine, l’enfant des terrasses», fut accueillie avec enthousiasme par la presse française. Depuis sa sortie, en 1990, ce film n’a jamais quitté l’affiche en Tunisie où il bat tous les records de recettes. Fort de ce premier succès, Boughedir a réussi sans peine le montage financier d’«Un été à La Goulette», production franco-belgo-tunisienne et obtenu pour ce deuxième long métrage parrainage et participation de la part du ministère français des Affaires étrangères ainsi que de celui de la Culture et de la Francophonie.

Sur Radio
Beyrouth

Si Robert Mulligan avait célébré «Un été 42», c’est sur l’été 66, dans l’indolente petite ville portuaire de la banlieue de Tunis, que se penche Férid Boughedir avec une souriante nostalgie. Un panoramique sur les terrasses de maisons crépies à la chaux, dans la lumière tremblée de la saison chaude, suffit à planter le décor. Rues poudreuses, volets bleu indigo comme il se doit en Tunisie, cordes à linge tendues ici et là entre deux eucalyptus, garnements affriolés par des filles qui savent doser provocation et quant-à-soi, bruyantes parties de cartes dans des cafés en plein air — le clin d’œil à Pagnol est sans insistance —, vacanciers qui, un bouquet de jasmin à l’oreille, mordent dans de gros quartiers de pastèque, ce ne seraient là que des images d’un bonheur sans histoires, au bord d’une Méditerranée en quelque sorte intemporelle si le cinéaste n’avait voulu dater son film avec précision: Michel Boujenah, personnage un peu fêlé qui a gagné le sobriquet de T.S.F. pour déambuler partout un transistor collé à l’oreille, va bientôt annoncer à qui veut l’entendre des nouvelles peu rassurantes captées sur les ondes de Radio Beyrouth et qui sont les signes avant-coureurs de la guerre des Six Jours.

Une comédie

Paradis de tolérance où, à l’ombre d’une mosquée, d’une église et d’une synagogue, trois communautés religieuses coexistent dans une convivialité bon enfant, La Goulette est en passe de devenir un paradis perdu puisque chrétiens et juifs ne vont pas tarder à la déserter. Mais le cinéaste se garde d’anticiper: c’est une comédie qu’il a choisi de tourner et, sans idéaliser, il nous offre une pittoresque chronique de la ville à travers les démêlés de trois familles logeant dans le même immeuble: celles de Youssef, le fonctionnaire musulman, Jojo, le restaurateur juif et Giuseppe, le pêcheur sicilien, forcément catholique. Tout va pour le mieux entre eux jusqu’au jour où, par bravade, leurs trois filles âgées de seize ans font à la Madone le serment de perdre leur virginité le 15 août, chacune avec un garçon d’une religion différente de la sienne.
Férid Boughedir qui aime à revendiquer ses lointains ancêtres phéniciens mais aussi à rappeler que son pays, christianisé à l’époque romaine, vit naître Saint Augustin sur son sol et compta une reine berbère juive dont les fils se convertirent à l’islam, ne pouvait laisser l’affaire prendre mauvaise tournure. Autour de la vaste cour intérieure qui rend inévitables les rencontres entre les trois familles montent quelques rodomontades en même temps que les odeurs de tambouille. L’on se lance de féroces défis et l’on se voue aux gémonies dans un savoureux sabir où se mêlent l’arabe et le français, mais quoi? Il faut bien en venir à se réconcilier car on est Goulettois avant d’être chrétien, juif ou musulman, et c’est la seule identité qui semble compter dans cette comédie truculente à la mise en scène survoltée.
PARIS — De Mirèse AKARTous ceux qui ont eu l’occasion de côtoyer Férid Boughedir à des festivals de cinéma pouvaient, sans grand risque, prendre le pari qu’il deviendrait un jour réalisateur. Exubérant, volubile sinon incorrigiblement bavard, ce petit bonhomme qui promettait de rester un éternel adolescent et fut longtemps critique dans un journal tunisien faisait, en paroles, les...