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Actualités - ANALYSE

"L'affaire" : des avis aussi multiples que contradictoires...

«L’AFFAIRE»: DES AVIS
AUSSI MULTIPLES QUE
CONTRADICTOIRES...

C’est le grand jeu des spéculations politico-policières dans les cercles concernés: y a-t-il un lien direct entre les tracts subversifs appelant à la révolte contre l’Etat, aux attaques physiques contre les Syriens, militaires et ouvriers, et l’agression dont a été victime à Tabarja le conducteur syrien d’un minibus?
— Cherche-t-on à déstabiliser le pays, voire à le replonger dans les guerres intestines?
— Veut-on rallumer la «lutte de libération» jadis prônée par le général Michel Aoun?
— Ne s’agit-il pas plutôt d’une opération de diversion, visant à focaliser l’inquiétude du pouvoir libanais comme de Damas sur la situation intérieure pour mieux préparer un nouveau «coup» au Sud à partir duquel on modifierait totalement les donnes et les rapports de force sur la scène locale?
— Y a-t-il une tentative d’intox délibérée organisant l’attentat, en utilisant des tueurs venus d’une autre région, pour pouvoir l’imputer aux auteurs des tracts, les boucler et réduire à néant toute forme d’opposition radicale articulée autour de la revendication de souveraineté?
— Cet attentat de Tabarja est-il au contraire le signal d’une série visant à mettre sérieusement en danger la sûreté de l’Etat libanais et à propager une anarchie qui deviendrait rapidement incontrôlable?
— Peut-on dès lors estimer que les services qualifiés ont agi au mieux, en étouffant dans l’œuf le complot naissant?
Autant de questions, autant d’avis dont nul ne peut dire objectivement quel est le bon, au stade actuel de ce que l’on sait.

Les lignes rouges U.S.

Cependant, du côté officiel, on soutient avec une ferme conviction, comme le dit un ministre, que «Netanyahu se démène comme un beau diable pour contourner à sa manière les lignes rouges U.S. et accessoirement européennes. Il lui est en effet interdit d’essayer d’imposer par la force, par la guerre, la paix telle qu’il l’entend à la Syrie et au Liban. Il veut donc brouiller les cartes, perturber et gêner fortement la Syrie à travers la scène libanaise, en exploitant les ressentiments notoires d’une partie des Libanais à l’encontre de la présence des forces syriennes. Il utilise dès lors comme instrument certains éléments qui sont des résidus des cellules locales en prise avec Israël durant la guerre domestique. Des agents qui ont appartenu sans nul doute aux réseaux que les S.R. israéliens entretenaient naguère chez nous à l’intérieur comme dans la bande frontalière occupée. Par intérêt matériel ou par crédulité, ces activistes manipulés par les Israéliens pensent pouvoir forcer les unités syriennes à quitter le pays, après quoi la situation intérieure changerait du tout au tout...»
«Il est évident, note le ministre cité, que devant de telles visées l’Etat libanais ne pouvait rester les bras croisés à attendre les événements. On a donc mobilisé tous les services de sécurité, les autorités suivant de très près les développements de l’enquête et soutenant pleinement l’option d’une action de prévention comme de répression radicale, à travers des rafles immédiates. Il faut maintenant rester vigilant car rien ne dit que tout danger est écarté, qu’Israël ne va pas tenter d’organiser d’autres incidents pour déstabiliser ce pays et y porter atteinte au rôle syrien».

Autre son de cloche

«Mais, réplique un autre politicien, s’il était vrai qu’il y a un plan pour bouter les forces syriennes hors de ce pays ou pour les pousser à partir d’elles-mêmes à coups d’attentats sanglants, comme ce fut le cas en 84 pour les Marines, cela supposerait l’existence d’une infrastructure «action» très solide, capable de multiplier les opérations en rafales dans toutes les régions. L’objectif ne peut être atteint par trois balles tirées à la sauvette sur un minibus et faisant une malheureuse victime civile, alors que les milliers d’obus tirés durant ce qu’on a appelé la «guerre de libération» par le général Aoun n’avaient fait bouger les forces syriennes qu’en avant...»
«Il paraît évident, poursuit cette source, qu’un bras de fer inégal ne peut se terminer, comme jadis, qu’à l’avantage des Syriens et personne ne s’exposerait à la mort ou à voir les siens souffrir, ne risquerait un pari aussi vainement don quichottesque. Sauf bien entendu s’il devait agir dans le cadre d’une opération de diversion préparant l’entrée en guerre d’Israël, seule hypothèse rendant les choses sérieuses. Or les officiels eux-mêmes, et on les croit sans peine, indiquent que jamais les Américains ne laisseront Netanyahu se lancer dans une guerre contre la Syrie, même si les affrontements devaient être limités au territoire libanais. De plus, les parties politiques soupçonnées le savent parfaitement, la majorité des Libanais de toutes les régions, de toutes les confessions et de toutes les opinions sont absolument aux côtés de l’Etat pour condamner toute forme d’action subversive, toute attaque contre les Syriens et toute tentative de déstabiliser sécuritairement le pays, sous n’importe quel prétexte ou n’importe quel slogan. Parmi ceux qui, dans le temps, avaient parié comme on dit sur Israël, les 99% ont déchanté et ont réalisé, par l’expérience même, que l’Etat hébreu ne soutient aucune autre «cause» que celle de ses intérêts, qu’il manipule volontiers ceux qui misent sur son appui et s’arrange à un moment ou à un autre pour les trahir et les couler. Tous les Libanais savent aujourd’hui que seul un retrait israélien du Sud peut éventuellement entraîner un départ des forces syriennes et ils savent qu’en pratique cette perspective est liée à l’aboutissement du processus régional. Aussi, peut-on estimer que la distribution de tracts subversifs et les incidents d’ampleur réduite qui se sont produits çà ou là n’entrent pas dans le cadre d’un «complot énorme» mais dans celui d’une tentative de secouer le pouvoir et les décideurs pour leur causer des tracas et exercer sur eux une pression déterminée en vue, notamment, de les porter à reconsidérer leur aval à l’action du Hezbollah. A l’adresse des loyalistes il est bon de rappeler que selon leur propre propagande, qu’ils semblent oublier très vite, la conférence des «Amis du Liban» tenue le 16 décembre à Washington est venue conforter l’existence d’une ligne rouge prohibant toute atteinte majeure à la stabilité intérieure de ce pays, auquel on promet même au contraire de le prémunir désormais contre les règlements de comptes à caractère régional...»
«Mais peut-être, conclut cette personnalité, que les incidences présentes ne sont, comme on dit, que la réponse du berger à la bergère, à savoir que la «neutralité» du Liban ne dépend en pratique que du bon vouloir de la région et pas de la volonté des Occidentaux...»
E.K.
«L’AFFAIRE»: DES AVISAUSSI MULTIPLES QUECONTRADICTOIRES...C’est le grand jeu des spéculations politico-policières dans les cercles concernés: y a-t-il un lien direct entre les tracts subversifs appelant à la révolte contre l’Etat, aux attaques physiques contre les Syriens, militaires et ouvriers, et l’agression dont a été victime à Tabarja le conducteur syrien d’un...