
Trois jours durant, plus d’une cinquantaine d’étudiants issus de l'ALBA et de la LAU, ainsi que des professionnels émergents de l'éclairage, ont participé à un atelier d'installations lumineuses, piloté par Chérine Saroufim. Photo ALBA
Dans l’enceinte du campus de l’ALBA, transformé en un terrain d’essai dynamique, l’effervescence bat son plein, en ce mercredi 8 juin. Trois jours durant, plus d’une cinquantaine d’étudiants issus de deux universités, l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA) et l’Université libano-américaine (LAU), ainsi que des professionnels émergents de l’éclairage, ont participé à un atelier d’installation lumière, piloté par Chérine Saroufim, designer d’éclairage, éducatrice, membre du conseil de l’Association internationale des concepteurs lumière (IALD) et ambassadrice de Women in Lighting (WIL) pour le Liban. « Cet atelier se concentre sur l’exploration créative, technique et contextuelle de la lumière à travers des installations à grande échelle », explique Chérine Saroufim. « Aujourd’hui, l’éclairage est encore trop souvent considéré comme secondaire ou purement technique, alors qu’il est au cœur de l’expérience spatiale. Nous avons donc voulu, à travers cet atelier, créer une plateforme où les étudiants pourraient interagir physiquement avec la lumière et la matière – une expérience qui va au-delà de l’enseignement traditionnel en classe –, et leur montrer surtout qu’être lighting designer est une vraie profession et un élément essentiel dans la conception de n’importe quelle création architecturale. » Après une mise à niveau le premier jour, consacrée à une connaissance basique de l’éclairage, des différentes sources et des matériaux, les étudiants ont été invités à dessiner sur de grandes planches indépendantes un « gribouillage » de couleurs et de lignes « une façon de leur permettre d’extérioriser leurs tensions et exprimer leurs émotions », précise Chérine Saroufim. Ces dessins serviront ultérieurement de point de départ pour la création des projets de chaque groupe qui s’inspirera d’un motif pour exécuter son installation en pratique. Deux jours durant, les étudiants divisés en groupes de quatre se sont plongés dans une expérience immersive qui les a encouragés « à repousser leurs limites créatives », considérant surtout la lumière non seulement « comme composante technique », mais aussi comme « support narratif et expérientiel qui dégage et reflète des émotions », relève-t-elle.
La lumière, une source d’art, d’inspirations et d’émotions
Au terme de la dernière journée, un jury composé du Pr Fadlallah Dagher, doyen de l’ALBA, du Dr Amardeep Dugar, chercheur en éclairage, éducateur et fondateur de Lighting Research & Design, ainsi que des représentants des secteurs du design et de l’éclairage, ont été invités à découvrir les créations artistiques de ces étudiants. Déambulant d’une salle à une autre, ils ont écouté leurs explications. À l’entrée de l’université, un premier groupe d’étudiants, utilisant une technique de peinture qui joue sur les ombres et les couleurs, a voulu faire ressortir la « dualité entre la lumière naturelle du jour et les ombres de la nuit », créée par les rayons du soleil qui se reflètent sur une installation de panneaux posés à même le sol. Plus loin, c’est une cage d’ascenseur en carton et en bois que quatre autres étudiants des deux campus de l’ALBA, Dekouané et Koura, ont eux-mêmes créée, qui a servi de support pour exprimer « la dualité qui existe entre deux pôles opposés qui se confrontent : le pôle extérieur, qui représente le monde qui nous entoure, au pôle intérieur de chaque personne ». « La réflexion des différentes lumières qui se projettent à l’intérieur de la cage d’ascenseur représente les émotions que chaque être peut ressentir et qui diffèrent d’un être à l’autre », précisent-ils. Dans une des salles au premier étage, c’est un « dialogue entre un état chaotique dense et un état paisible » qu’un groupe d’étudiants de la LAU a voulu mettre en avant, en créant un plafonnier d’où se dégagent différentes tonalités de lumières entraînant des ombres sur les murs qui se fondent à mesure que l’on avance dans la pièce. Plus loin, à l’intérieur d’une chambre enfumée, des casiers appartenant à des étudiants de l’université ont servi de point de départ à un autre groupe qui a voulu montrer la « dualité entre la vie extérieure et le monde intérieur qui existe en chacun de nous ». « Chaque casier représente une personne qui cache ses propres émotions et bagages, et qui diffèrent d’un être à l’autre », expliquent les étudiants. « Une fois ouverts, ces casiers dégagent des sons et des lumières très différents qui dévoilent la réaction de chaque individu face à un événement extérieur et qui peut affecter le monde qui l’entoure. » Ailleurs, c’est un « chaos structuré » que des étudiants ont voulu créer utilisant des fragments de plexiglas à effet miroir qu’ils ont placés de façon anarchique sur le mur, créant un genre de motif irrégulier. « L’effet de lumière qui traverse ces bouts de plexis va créer des ombres sur le mur donnant naissance à un genre de chemin beaucoup plus structuré », explique l’un des étudiants, en relevant l’effet positif que peut produire la lumière. Un groupe formé de deux étudiants de l’ALBA et trois professionnels du métier a permis à ces derniers « de considérer la lumière non pas comme source d’éclairage uniquement, mais beaucoup plus comme une interprétation artistique qui peut dévoiler des émotions ». Plus loin, s’inspirant d’un enchevêtrement de lignes et de traits, tirés des dessins qu’ils avaient exécutés la veille, un groupe d’étudiants a créé de longs tubes enchevêtrés, qui rappellent « les chemins que traverse chaque personne dans sa vie tel un genre de labyrinthe ». À l’intérieur de ces tubes, ils avaient introduit un rai de lumière, « pour montrer que l’espoir existe toujours, même dans les moments d’égarement les plus durs que ressent chaque être face aux pressions extérieures qui l’entourent ». Précisant que cet atelier n’est pas un concours destiné à choisir le meilleur projet exécuté, Chérine Saroufim affirme que bien au contraire, « le but de cette expérience est d’initier des étudiants venus d’horizons créatifs aussi divers que l’architecture, le design d’intérieur, la mode, l’animation et les arts visuels, à une utilisation plus intentionnelle de la lumière dans le design, les pousser à la collaboration interdisciplinaire, et surtout leur faire comprendre qu’ils peuvent exprimer toutes leurs émotions à travers la lumière ».
Page
Campus
En partenariat avec