
Lancement de l’association caritative giv-e, le jeudi 19 juin 2025, aux Qubic Square Gardens à Sin el-Fil, avec la participation de la doyenne de la faculté d’agronomie de l’Université libanaise. Photo DR
Tout commence par une conviction, presque une évidence : l’infrastructure constitue une forme de pouvoir. Dans le monde des affaires, on parle souvent de « bottleneck », ces goulets d’étranglement qui freinent la performance. Et si l’on transposait cette idée dans un autre univers, celui de l’éducation ? C’est exactement ce qu’a fait Rony Rached, entrepreneur visionnaire et fondateur de l’association giv-e, dont le lancement officiel a eu lieu le 19 juin aux Qubic Square Gardens, à Sin el-Fil, en présence de la doyenne de la faculté d’agronomie de l’Université libanaise (UL).
En observant la réalité au Liban, il dresse un constat dur mais limpide : le talent est là, mais l’accès – à l’apprentissage, aux outils, aux opportunités – ne suit pas. Pire encore, il est parfois complètement absent. Des écoles sans ordinateur, des étudiants qui apprennent Excel… au tableau noir.
C’est là que naît giv-e (give to education), une association caritative dédiée à favoriser l’accès à une meilleure éducation grâce à des projets d’infrastructure, et fondée sur un principe très clair : offrir un environnement éducatif de qualité pour révéler les talents.
« Voici une histoire de possibilités, avec une décision : celle de donner », raconte Rony Rached, avant d’ajouter : « Imaginez un étudiant plein d’ambitions… mais sans laboratoire. Une école pleine de rêves… mais sans électricité. C’est la réalité du Liban aujourd’hui ! Et c’est là que commence notre histoire : dans les manques. Non pas un manque de talent, mais un manque d’infrastructures. Le talent attend l’opportunité. Ce sont des scientifiques, des poètes, des programmeurs, des enseignants qui attendent qu’on fasse un pas vers eux. »
Dans un petit village comme Hrajel, un projet de numérisation a transformé une école. « Un petit projet, mais un impact énorme », souligne le fondateur. L’établissement n’avait pas l’internet dans toutes ses salles. Grâce à giv-e, des points de connexion ont été installés dans tout l’établissement. Aujourd’hui, un simple accès au web a permis de faire entrer la science dans la salle de classe.
Les projets se multiplient
Rony Rached évoque l’exemple de la faculté d’agronomie de l’UL à Dekouané. Là-bas, les étudiants faisaient face à un problème critique : comment mener des expériences scientifiques nécessitant une réfrigération sans électricité constante ? Grâce à giv-e, cent panneaux solaires ont été installés, générant 60 kilowatts d’énergie propre. Aujourd’hui, ces jeunes disposent de l’électricité 24h/24. Ce n’est plus une théorie, c’est une réalité.
Les projets se multiplient : les Saints-Cœurs de Hadeth, les sœurs antonines à Dekouané, ainsi que l’Université libanaise. Giv-e a déjà mis en place deux laboratoires informatiques, une infrastructure numérique complète et des solutions solaires qui permettent aux étudiants de pratiquer leur savoir. Chaque année, près de 1 850 élèves et étudiants bénéficient directement de ces installations. Et ce chiffre est appelé à croître.
Mais au-delà des chiffres, giv-e porte une vision : celle d’une communauté solidaire. Rony Rached rêve d’un réseau de 10 000 « amis » de giv-e, au Liban comme à l’étranger pour une contribution individuelle de 100 dollars par an seulement. Selon lui, « il y a tellement de gens qui veulent aider, mais qui ne savent pas comment ». Il s’éloigne de la conception traditionnelle de la philanthropie. Sa vision repose sur un autre principe : celui d’un engagement collectif. Il aspire à mobiliser un grand nombre de personnes pour en soutenir un grand nombre d’autres. Son objectif est de bâtir une communauté d’action solidaire, une chaîne d’espoir où chacun peut être acteur du changement.
« On espère y parvenir. Cela ne peut pas se faire du jour au lendemain, mais à mesure que cela grandit, l’impact pourrait être immense. L’avantage de cette association, c’est que les « amis » voient concrètement les résultats de leur engagement », souligne-t-il.
Cette philosophie repose sur quatre piliers essentiels qui définissent l’ADN de giv-e. Le premier, c’est l’impact durable : chaque projet laisse une trace, année après année. Le deuxième, c’est la transparence et la visibilité. Au Liban, c’est une denrée rare, mais essentielle. « L’infrastructure présente une double visibilité : elle est à la fois concrète et transparente. » Le troisième pilier, c’est ce que Rony Rached appelle « skin in the game ». « On n’aide pas quelqu’un qui ne veut pas s’aider lui-même », estime-t-il. Chaque bénéficiaire doit participer, à sa manière et selon ses capacités, au projet. Sinon, il ne se fait pas. C’est une condition non négociable pour la réussite du projet. Enfin, le quatrième pilier, c’est la plateforme d’action collective, le fameux « Many Helping Many ». Une idée révolutionnaire.
Et après ? L’ambition est immense, mais elle reste ancrée dans le réel. L’association souhaite étendre ses projets à toutes les régions du Liban, y compris celles difficilement accessibles aujourd’hui, comme le Sud, en raison de la situation sécuritaire. Elle veut renforcer l’inclusion en créant des infrastructures adaptées aux élèves à besoins spécifiques. Elle souhaite aussi cibler les écoles publiques, souvent oubliées, pour les remettre sur pied. Et pourquoi pas, un jour, créer une école giv-e ou un institut technologique giv-e pour les jeunes sans accès... « On a beaucoup de talents dans ce pays. Ce qui manque, ce sont les plongeoirs. Les structures qui permettent de s’élancer vers le ciel. Nous, on construit ces rampes de lancement », conclut Rony Rached.
Pour rejoindre la communauté des « amis » de giv-e – dont le slogan est : It is only when you giv-e that you truly become – et prendre part à la plateforme solidaire Many Helping Many, rendez-vous sur www.giv-e.org et suivez l’association sur Instagram (www.instagram.com/giv_e_org) pour rester informé(e) et vous engager concrètement.