Je pourrais le faire, je pourrais ne pas, vous serez fixés d’ici à deux semaines : défiant Hitchcock et les scénaristes des séries Netflix les plus palpitantes, tel est le colossal suspense que propose (et impose !) au monde Donald Trump, sur la question de savoir si les États-Unis jetteront ou non de tout leur poids pour sceller le sort de l’Iran. Avec l’humanité entière désormais suspendue à ses lèvres, le narcissique président des États-Unis qui fut naguère une exubérante vedette de téléréalité, aura ravi le show à son allié Netanyahu qui se pose en sauveteur de la planète. Que tout un chacun le sache, l’oracle c’est lui, et lui seul.
Deux semaines, pas plus. Comme par hasard, et s’il faut en croire la Maison-Blanche, ce serait exactement le même délai qu’il faudrait à Téhéran pour se doter d’une toute première bombe atomique. Tel n’est pourtant pas l’avis de l’Agence internationale de l’énergie atomique, ni d’ailleurs des renseignements américains. Dès lors, on craint de revivre – bien qu’à rebours – les fausses preuves forgées en 2003 par la CIA, qui imputaient à Saddam Hussein la possession d’armes biologiques de destruction massive et commandaient donc la calamiteuse invasion américaine de l’Irak ; celle-ci en effet n’a fait en définitive que livrer à l’influence iranienne un pays en proie au chaos.
C’est l’éventualité d’un remake de ce même chaos (l’infox trouvant cette fois sa source à la Maison-Blanche) qui hante visiblement, en ce moment, le pan européen du camp occidental : cela non point par compassion particulière pour le régime honni de Téhéran, mais par souci de stabilité générale dans une région aussi hautement volatile que celle du Proche et du Moyen-Orient. Rejetant tout dialogue avec Washington aussi longtemps que se poursuit le matraquage israélien, l’Iran ne s’est pas fait prier en revanche pour engager, vendredi à Genève, des pourparlers avec le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Union européenne. Cette offre de marché global offerte aux Iraniens représente probablement la toute dernière chance laissée à la diplomatie. Sévères sont cependant les restrictions convenues au sein du quatuor et dévoilées par le président Emmanuel Macron, qu’il s’agisse du programme nucléaire de la République islamique, de la production d’engins balistiques, ou enfin du financement des groupes non iraniens classés terroristes.
C’est la première fois, au demeurant, que le cas du Hezbollah se trouve posé de manière aussi explicite, aussi péremptoire, sur le tapis vert de la négociation. L’écrasante majorité des Libanais, épris de normalité, ne peuvent bien sûr que s’en féliciter. L’État libanais devrait s’en trouver, lui, fort soulagé, écartelé qu’il est en effet entre son ferme engagement à obtenir le désarmement de la milice et son légitime souci de préserver la paix civile et de ne pas prêter le flanc aux malveillantes accusations de collusion avec l’ennemi israélien. Le plus tristement ironique est que chacun, de l’État hébreu et du Hezbollah, ne cesse de trouver dans l’intransigeance de l’autre motif et incitation à son propre irrédentisme. Mais comment expliquer les tartarinades miliciennes que l’on se hasarde encore à proférer avec la plus grande légèreté, alors que le contexte n’a jamais été plus défavorable ? En proclamant que le Hezbollah ne saurait rester neutre par rapport à l’Iran, le cheikh Naïm Kassem ne défie pas seulement la ligne officielle que s’est impartie le Liban. Il rate une occasion rare d’admettre, ne serait-ce que par une digne et salutaire économie de paroles, que ses troupes ont suffisamment payé de retour, en termes de sang, toutes les largesses qu’a pu leur prodiguer la République islamique.
Et que pour un tel solde de comptes, la milice aura même fait cracher au bassinet le pays tout entier.
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