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Politique - Décryptage

Pourquoi le courant passe entre Joseph Aoun et Nabih Berry


Lorsque le président de la Chambre, Nabih Berry, a compris que le général Joseph Aoun, alors commandant en chef de l’armée, devait être élu à la présidence de la République, il a commencé par craindre le pire. Il avait pourtant essayé de s’opposer à cette élection en affirmant qu’elle ne pouvait pas se faire sans un amendement constitutionnel, puisque tout haut fonctionnaire de l’État devrait présenter sa démission deux ans avant l’échéance présidentielle pour pouvoir être élu.

Et lorsqu’on lui faisait remarquer que le général Michel Sleimane a été élu le 25 mai 2008 sans un tel amendement, Berry répondait que ce dernier avait été élu grâce à un quasi-consensus suite à l’accord de Doha, en mai 2008. En vain. Après la séance électorale du 9 janvier, Berry se préparait donc à des relations heurtées avec le nouveau président. Quelle n’a donc été sa surprise en découvrant la façon de faire de ce dernier... un général aimable sans complaisance et soucieux d’éviter les confrontations inutiles.

Six mois après l’élection de Joseph Aoun à la présidence de la République, il est donc devenu clair pour tout le monde que son entente avec le président de la Chambre est une réalité dont il faut tenir compte dans le paysage politique interne. Que s’est-il passé pour que ce qui paraissait compliqué soit devenu aussi simple ? Surtout si on compare les relations entre MM. Aoun et Berry avec celles du président de la Chambre avec le Premier ministre, Nawaf Salam...

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Ceux qui connaissent MM. Aoun et Berry estiment que, dès le départ, ils ont commencé, chacun de son côté, à faire des efforts l’un envers l’autre, car ils sont convaincus qu’une coordination entre eux est essentielle dans un moment aussi délicat de la vie du pays. De plus, Joseph Aoun a beau être un chef militaire et un homme de terrain, il reste soucieux de ne pas heurter ses interlocuteurs. Certains disent même qu’il a pris le temps d’étudier les précédents mandats et qu’il cherche donc à éviter les attitudes de ses prédécesseurs, à l’égard notamment du président de la Chambre, « le numéro deux » de la République libanaise, qui est un homme-clé dans le pays.

Résultat, Nabih Berry est devenu aujourd’hui son principal interlocuteur dans plus d’un dossier délicat. Il montre d’ailleurs du respect pour l’expérience de ce dernier qui est désormais un des rares « dinosaures » de la politique libanaise, étant en place depuis les années 80 et ayant occupé de nombreuses fonctions avant d’être élu à la tête du Parlement à partir de 1992. Beaucoup de reproches peuvent d’ailleurs lui être adressés dans son long parcours truffé de développements (pas toujours positifs), mais on ne peut pas non plus ignorer sa grande expérience et sa parfaite maîtrise des rouages politiques internes, ainsi que le large éventail de ses relations internationales. Ainsi, si certains des prédécesseurs de Joseph Aoun avaient tenté de réduire le pouvoir de Nabih Berry, Joseph Aoun, lui, a préféré essayer de tirer parti de son expérience et d’agir en conséquence. C’est d’autant plus utile qu’aujourd’hui, en raison du coup reçu par le Hezbollah lors de la guerre de l’automne avec Israël, le tandem chiite est en train de se réduire à un seul chef : Nabih Berry lui-même.

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On pourrait croire que cette nouvelle situation arrange Nabih Berry. Mais, selon ses milieux, c’est mal connaître le président de la Chambre qui reconnaît actuellement que ses responsabilités sont plus lourdes que par le passé et qu’il doit gérer en plus de ses fonctions officielles, le fait d’être désormais le leader et la voix d’une communauté blessée et en souffrance. Joseph Aoun, lui, l’a compris. Peut-être parce qu’il est lui-même originaire du Sud, ou encore tout simplement parce qu’il est bien conseillé. Ce qui est sûr, c’est qu’il a établi avec le président de la Chambre un climat de coopération et de confiance. Ce que d’autres n’avaient pas réussi ou n’avaient pas voulu faire. Et ce qui n’est pas le cas concernant les relations entre le Premier ministre et le président de la Chambre.

Il est clair qu’aux yeux des proches de Nabih Berry, Nawaf Salam tente d’imposer son point de vue et affiche des positions sans nuances, mettant ainsi ses interlocuteurs au pied du mur. Selon ceux qui le connaissent, il peut être cassant, alors que la situation actuelle ne supporte pas les défis et les propos agressifs. Ce sont sans doute des traits de caractère inhérents à sa personnalité, mais dans une situation aussi délicate et avec les épreuves successives que subissent les Libanais, le Premier ministre peut irriter alors que Joseph Aoun rassure. Les milieux proches de Berry ne cachent d’ailleurs pas le fait qu’il est plus facile de traiter avec le président qu’avec le Premier ministre.

Les proches de Nabih Berry rappellent que le chef de l’État a rassuré le Hezbollah et l’a amené à coopérer avec lui, en insistant sur une formule qui ne le braque pas, à savoir « le monopole des armes par l’État libanais » au lieu du « désarmement du Hezbollah ». Il a même insisté sur l’établissement d’un dialogue bilatéral avec le parti chiite au sujet des armes, pour éviter les surenchères des parties politiques et en même temps, il a publié un communiqué pour condamner violemment les violations israéliennes du cessez-le-feu, notamment la frappe de la semaine dernière contre la banlieue sud de Beyrouth. Pour M. Berry et ses proches, le président a la bonne méthode. Tout le monde sait que dans cette période délicate nul ne détient le véritable pouvoir, mais, au moins, l’attitude de Joseph Aoun permet de traverser cette période en préservant un minimum d’unité nationale. Or, dans le paysage actuel, avec toutes les inconnues qui pèsent sur la région, l’unité nationale reste la priorité.

Lorsque le président de la Chambre, Nabih Berry, a compris que le général Joseph Aoun, alors commandant en chef de l’armée, devait être élu à la présidence de la République, il a commencé par craindre le pire. Il avait pourtant essayé de s’opposer à cette élection en affirmant qu’elle ne pouvait pas se faire sans un amendement constitutionnel, puisque tout haut fonctionnaire de l’État devrait présenter sa démission deux ans avant l’échéance présidentielle pour pouvoir être élu.Et lorsqu’on lui faisait remarquer que le général Michel Sleimane a été élu le 25 mai 2008 sans un tel amendement, Berry répondait que ce dernier avait été élu grâce à un quasi-consensus suite à l’accord de Doha, en mai 2008. En vain. Après la séance électorale du 9 janvier, Berry se préparait donc à des relations...
commentaires (10)

"Les proches de Nabih Berry rappellent que le chef de l’État a rassuré le Hezbollah et l’a amené à coopérer avec lui, en insistant sur une formule qui ne le braque pas, à savoir « le monopole des armes par l’État libanais » au lieu du « désarmement du Hezbollah »" Formule que le Hezbollah a interprétée comme signifiant: monopole au Sud du Litani, mais pas ailleurs! De toute façon, on ne perd rien à attendre...

Georges MELKI

10 h 10, le 14 juin 2025

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Commentaires (10)

  • "Les proches de Nabih Berry rappellent que le chef de l’État a rassuré le Hezbollah et l’a amené à coopérer avec lui, en insistant sur une formule qui ne le braque pas, à savoir « le monopole des armes par l’État libanais » au lieu du « désarmement du Hezbollah »" Formule que le Hezbollah a interprétée comme signifiant: monopole au Sud du Litani, mais pas ailleurs! De toute façon, on ne perd rien à attendre...

    Georges MELKI

    10 h 10, le 14 juin 2025

  • La situation est en effet délicate puisque le chef du parlement est un criminel corrompu notoire. Si le caresser dans le sens du poil est nécessaire pour arriver a des résultats concrets, dont la remise des armes du Hezbollah et de toutes les milices affiliées avant la fin de l’année et la mise en examen des dirigeants du Hezbollah, du PSNS et d'Amal après les élections de 2026, soit. Ces gens la ont tué des parlementaires et certaines élites du pays. Ils ont détruit le Liban par trois fois en 20 ans. Tout doit se faire avant les élections de 2026 pour enfin tourner cette page noire.

    Pierre Christo Hadjigeorgiou

    11 h 47, le 12 juin 2025

  • « Dinosaures » de la politique libanaise"...En effet, un donosaure corrompu et qui a contribué directement à l'effondrement du pays....Mais....en fait????? Les libanais ne désiraient-ils surtout pas se débarasser de ces "dinosaures" déchus? Le peuple, en élisant J. Aoun, veulent un CHANGEMENT....et non pas retomber dans ce jeu du chat et de la souris...

    marie-therese ballin

    23 h 18, le 11 juin 2025

  • Scarlet Haddad se distingue par ses articles fantaisistes au service d’une seule pensée politique contraire à celle de la majorité des citoyens libanais indépendants

    Lecteur excédé par la censure

    20 h 08, le 11 juin 2025

  • C'est un malheur

    Ma Realite

    14 h 16, le 11 juin 2025

  • This article may as well be pure speculation but even if some of it is true Nabih Berri is far from being a paragon of virtue to be emulated he’s one of the principal reasons why Lebanon as a country and institutions is in such a state of rot and decay.

    EL KHALIL ABDALLAH

    11 h 25, le 11 juin 2025

  • Scarlett Haddad se distingue par l’impartialité et l’objectivité qui marquent ses articles

    Hitti arlette

    11 h 06, le 11 juin 2025

  • Des choses logiques et un certain temps on a cru que la façon feutrée de Aoun allait porter ses fruits. Mais on commence à en douter, car Berry le coorompu est aussi un fieffé menteur et manipulateur. Il dirige nos élus comme des moutons et il applique la Loi à sa manière, c’est à dire de façon illégale, ce qui est trop quand même. En faire le gardien de l’unité nationale est une abhérration. Sa communauté en souffrance nous a fait souffrir quarante ans. Elle ne fait que payer son ambition criminelle de nous soumettre par la force à ses croyances archaïques importées. Plus de complaisance !

    Goraieb Nada

    08 h 17, le 11 juin 2025

  • C’est toujours Berri qui dirige ce faux pays

    Gebran Eid

    05 h 32, le 11 juin 2025

  • L'unite nationale avec Berri ? C'est comme si on demandait au premier ministre Italien d'agir pour l'unite nationale en cooperant avec la Mano Negra Sicilienne et la N'drangheta Calabraise. L'unite nationale ne se fait pas avec la canaille mais avec les personnes de bonne volonte.

    Michel Trad

    01 h 06, le 11 juin 2025

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