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Idées - municipales liban 2025

Les leçons à tirer des municipales à Beyrouth


Les leçons à tirer des municipales à Beyrouth

Le siège de la municipalité de Beyrouth. Photo ANI

Les élections municipales à Beyrouth se sont soldées par une victoire écrasante pour les chefs confessionnels. Plusieurs facteurs ont été mentionnés pour expliquer ces résultats, y compris l’alliance entre tous les partis confessionnels et l’émigration des jeunes. La division entre les forces associées au changement a également été sujet de débat, tout comme en 2016 et 2022, et a d’ailleurs matérialisé encore plus clairement qu’avant deux visions politiques radicalement différentes : l’une axée sur les personnes et l’identité, l’autre sur le projet politique. Et c’est ici qu’il y a un choix politique à faire pour le futur.

La « sulta » : des personnes ou un système ?

Tout comme en 2016, les forces opposées aux partis confessionnels se sont retrouvées sur deux listes différentes : « Beirut Madinati » et « Citoyens et citoyennes à Beyrouth, capitale pour un État ». Cela, notamment en raison de l’impossibilité d’adopter une position commune de politiques jugées essentielles, notamment le recensement de la population de Beyrouth, étape nécessaire pour tout projet socioéconomique, ou la confrontation des banquiers pour récupérer les droits de la capitale. À défaut de cette solution, un choix aurait pu être fait d’avancer moins de 24 candidats afin de laisser des places libres à des candidats de l’autre liste, ce qui aurait offert un choix à ceux qui préfèrent voter pour des candidats de « Madinati » ainsi que de « Citoyens et citoyennes » au lieu d’avoir à choisir.

Plutôt que de se lamenter sur le fait que cela n’a pas été le cas, il conviendrait d’examiner les causes de cette division, notamment les visions politiques fondamentalement différentes entre les deux listes. En effet, pour « Madinati », le problème est surtout une question de personnes : le changement consiste à se « débarrasser des corrompus » et les remplacer par « des responsables qui tiennent le peuple à cœur ». D’où la présentation de candidats focalisée sur leurs compétences, leurs études, leurs CV.

Pour « Citoyens et citoyennes », par contre, la « sulta » ne se compose pas de personnes mais d’un système. Le changement consisterait donc non pas à avancer des noms populaires, mais surtout à avancer des politiques qui démantèleraient le système en place et affecteraient profondément la nature des relations sociétales, telles que les deux politiques mentionnées ci-dessus. À titre d’exemple, la municipalité de Beyrouth a perdu plus d’un milliard de dollars déposés dans les banques libanaises. Cela s’ajoute évidemment aux milliards perdus par les syndicats, associations et citoyens de Beyrouth. Cet argent n’aurait pas été protégé (avant 2019) et ne peut pas être restitué (après 2019) par l’honnêteté ou l’éducation des responsables, mais bien par leur détermination tenace à confronter l’alliance entre les banquiers et les chefs confessionnels et à imposer des politiques financières différentes.

Cette compréhension a pour avantage d’éviter les jugements de personnes. Au lieu d’insulter, par exemple, ceux qui se seraient sentis contraints de voter pour le Hezbollah qui se charge de la reconstruction de leurs maisons, le programme de « Citoyens et citoyennes » propose une reconstruction par l’État libanais et sans dépendance sur le financement iranien et du Golfe, ce qui libère les citoyens et affecte leurs choix politiques.

La différence entre ces approches justifie donc l’existence de deux listes. Cette clarté éviterait la perte d’efforts à tenter d’unifier deux approches incompatibles. Mais elle nous protégerait également d’un danger plus grave.

Gare à la tribalisation des forces laïques

Les tribus ou les confessions (tawaïf) sont des organisations sociales centrées sur l’identité : « Nous nous ressemblons, soyons donc ensemble. » L’on retrouve, évidemment, ce genre d’organisation dans la société libanaise, comme dans le cas du « duo chiite » ou de la campagne « Attention à ton frère »

(أوعى خيك) entre le Tayyar et les Forces libanaises. Cependant, la société est composée d’individus aux intérêts conflictuels. La réalité même de la société pose donc danger à la cohésion tribale. C’est pourquoi les groupes confessionnels libanais évitent comme le diable tout discours ou projet politique relié aux intérêts de la société, et le remplacent par un discours identitaire qui souligne les différences avec « l’autre ». C’est ainsi que le Hezbollah qui affirme être la résistance contre Israël a déclaré que l’accord délimitant la frontière maritime, accord qui reconnaît les droits d’Israël, était une victoire, sans perdre en popularité. C’est également ainsi qu’il affirme être hostile aux banques tout en s’alliant au banquier Marwan Kheireddine.

Fait alarmant : il semblerait que les forces laïques passent par une forme de tribalisation, soit qu’elles développent une structure similaire à celle des tawaïf. Par exemple, Paula Yacoubian qui avait déclaré être contre la « paix » avec Israël a récemment fait volte-face, sans perdre en popularité. Elle est également « unie » avec les candidats de la liste « Madinati » qui affirme toutefois qu’Israël est une « entité ennemie ». Similairement, Waddah Sadeq et Melhem Khalaf qui soutiennent que les banquiers ne devraient pas être tenus responsables des pertes financières sont « unis » aux côtés de Halima Kaakour et Ibrahim Mneimné qui affirment le contraire. Même Yassine Yassine qui préconise la charia islamique est « uni » aux côtés d’autres députés laïcs. Finalement, ces derniers ont déclaré le respect du quota chrétien-musulman au sein de la liste « Madinati ». Toutes ces contradictions fondamentales sont perçues comme normales, et n’ont même pas fait l’objet de discussions. « L’unité » semble prendre la priorité sur le projet politique lui-même.

Comment contrer cette transformation, cette assimilation d’un sentiment anti-tawaïf en un nouveau groupe identitaire ? En renforçant l’antithèse au tribalisme, soit le discours politique relié aux intérêts de la société. L’existence de différents choix politiques – que ce soit au niveau de la relation avec Israël, du choix entre les quotas confessionnels et un État civil, des pertes financières et des banquiers, de politiques essentielles comme le recensement, et d’autres – justifie l’existence de différents mouvements politiques.

S’il y a une leçon à tirer des élections de 2025 tout comme de 2022 et de 2018, c’est celle-ci : arrêtons d’encourager une « unité » artificielle, ne voyons pas la « sulta » comme des personnes à remplacer mais comme un système à démanteler, discutons des politiques nécessaires à une véritable transition de « sulta » et affrontons-nous démocratiquement.

Par Alain ALAMEDDINE

Écrivain et ancien membre du parti « Citoyens et citoyennes dans un État »

Les élections municipales à Beyrouth se sont soldées par une victoire écrasante pour les chefs confessionnels. Plusieurs facteurs ont été mentionnés pour expliquer ces résultats, y compris l’alliance entre tous les partis confessionnels et l’émigration des jeunes. La division entre les forces associées au changement a également été sujet de débat, tout comme en 2016 et 2022, et a d’ailleurs matérialisé encore plus clairement qu’avant deux visions politiques radicalement différentes : l’une axée sur les personnes et l’identité, l’autre sur le projet politique. Et c’est ici qu’il y a un choix politique à faire pour le futur.La « sulta » : des personnes ou un système ?Tout comme en 2016, les forces opposées aux partis confessionnels se sont retrouvées sur deux listes différentes : « Beirut...
commentaires (2)

leçons???hahahah...toujours a ce stade et les gens sont dans l IA?

Marie Claude

10 h 48, le 01 juin 2025

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Commentaires (2)

  • leçons???hahahah...toujours a ce stade et les gens sont dans l IA?

    Marie Claude

    10 h 48, le 01 juin 2025

  • Partout ou des listes civiles et laiques se presentent, le groupe "Citoyens et Citoyennes" presente aussitot une liste concurrente pour diviser les electeurs reformistes. Avec le succes qu'on connait....

    Michel Trad

    01 h 18, le 01 juin 2025

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