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Politique - Décryptage

Les trois déceptions du Hezbollah...


Les trois déceptions du Hezbollah...

Un portrait du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, affiché à l’extérieur d’un bureau de vote pendant les élections municipales à Nabatiyé, dans le sud du Liban, le 24 mai 2025. Mahmoud Zayyat/AFP

Petit à petit, les secrets de la période allant du 7 octobre 2023 jusqu’à la conclusion de l’accord de cessez-le-feu entre le Liban et Israël, le 27 novembre 2024, commencent à se dévoiler. Au moins dans les débats internes du Hezbollah, où la nouvelle équipe essaye de comprendre ce qui s’est vraiment passé et pourquoi « l’axe de la résistance » et « l’unité des champs de bataille », dont Hassan Nasrallah était si fier, n’ont pas fait leurs preuves.

Tout a donc commencé dans la nuit du 6 au 7 octobre 2023, lorsqu’une délégation de haut niveau du Hamas est venue informer le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, que l’attaque du 7 octobre allait commencer et qu’elle est destinée à prendre des otages israéliens pour pouvoir par la suite procéder à un échange. Selon certains témoignages, Hassan Nasrallah a demandé s’il s’agissait pour le Hamas de la « grande bataille » pour la libération, et la délégation palestinienne a répondu par la négative, tout en sollicitant toutefois le soutien du Hezbollah. Nasrallah aurait alors expliqué que son parti n’est pas prêt pour une grande guerre, mais il essayera de faire pression à partir du Liban-Sud sur les Israéliens pour les obliger à ne pas utiliser toute leur force contre Gaza.

Hassan Nasrallah, les guerres qui ont façonné le mythe

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Selon les témoignages internes au sein du Hezbollah, depuis le début, Hassan Nasrallah ne voulait pas d’une guerre élargie, et c’est pourquoi il a annoncé l’ouverture d’un « front de soutien à Gaza », à partir du secteur des fermes de Chebaa, qui constitue une des zones conflictuelles depuis le retrait israélien en 2000. D’ailleurs, tout au long des mois qui ont suivi le 8 octobre, les milieux du parti affirmaient qu’aucune extension de la confrontation n’était en vue et que « le front de soutien » devait continuer dans les limites fixées au départ.

Cela n’a jamais été clairement dit, mais le secrétaire général du Hezbollah semblait compter sur des assurances extérieures à ce sujet, ainsi que sur le fait que si les Israéliens décidaient d’élargir la confrontation, l’ensemble de « l’axe de la résistance » se mobiliserait pour soutenir le Liban.

Or le premier couac a eu lieu le 2 janvier 2024 avec l’assassinat par les Israéliens de l’un des responsables du Hamas, Saleh el-Arouri, dans la banlieue sud de Beyrouth. Mais cet acte a été rapidement classé dans le cadre du plan israélien visant à en finir avec les leaders du Hamas où qu’ils se trouvent. Il a fallu attendre l’assassinat du chef militaire du Hezbollah, Fouad Chokor, dans la banlieue sud de Beyrouth le 24 juillet 2024, pour que le Hezbollah commence à se rendre compte qu’il n’y avait pas de lignes rouges du côté israélien. Il y a eu ensuite l’attaque des bipeurs puis l’assassinat de Hassan Nasrallah le 27 septembre de la même année pour que le Hezbollah comprenne que la donne a totalement changé.

La formation a en effet essuyé trois déceptions importantes. La première résidait dans l’attitude de l’ancien régime syrien de Bachar el-Assad à l’égard de la guerre qui se déroulait à Gaza. Sous prétexte que ce régime avait un contentieux avec le Hamas qui remontait à la période de la guerre interne en Syrie, le régime a refusé de laisser le Hezbollah utiliser le territoire syrien pour renforcer ses troupes au Liban. Lui-même a refusé d’ouvrir véritablement un front de soutien à partir du Golan, se contentant d’autoriser quelques attaques limitées. Le régime a même interdit au Hezbollah de transporter les missiles de longue portée installés dans des dépôts en Syrie vers le Liban. Après la chute du régime Assad, les Israéliens ont d’ailleurs détruit ces dépôts... Sans le dire clairement, la Syrie, dont la position géographique est cruciale au sein de « l’axe de la résistance », s’en est ainsi discrètement retirée, rendant très difficile la communication géographique entre les différentes composantes de cet « axe ». Pour le Hezbollah, c’était un gros coup auquel il ne s’attendait pas. Malgré les tentatives du Hezbollah, et de Nasrallah personnellement, de réconcilier les responsables du régime Assad avec les dirigeants du Hamas, la Syrie a refusé de modifier sa position.

La deuxième déception a été causée par l’Irak et par le Hachd el-Chaabi en particulier. Ce dernier, qui se déclarait partie intégrante de « l’axe », s’est contenté de déclarations d’appui sans aucune action concrète, lorsque le risque d’élargissement de la confrontation de la part des Israéliens est devenu sérieux. On se souvient des déclarations de Nasrallah qui annonçait un véritable raz de marée de combattants venus d’Irak et même de plus loin, pour combattre les Israéliens aux côtés des Libanais et des Palestiniens. Lorsque le danger s’est précisé, il n’y a rien eu de tel. Il est vrai que les Syriens n’ont pas non plus donné de signaux encourageants pour laisser passer les combattants décidés à se rallier au Hezbollah. Mais de toute façon, les complications internes irakiennes ont été plus fortes que « l’axe de la résistance ». Certaines sources irakiennes affirment que les Américains, qui ont une influence non négligeable en Irak, auraient exercé de fortes pressions sur le Premier ministre Mohammad Chia el-Soudani et sur le pouvoir irakien en général pour empêcher les factions du Hachd el-Chaabi de se joindre aux combattants du Hezbollah.

Quant à la troisième déception, elle est venue de la République islamique d’Iran qui, en dépit des provocations israéliennes, n’a pas réagi comme le souhaitait le Hezbollah. Certes, depuis le 8 octobre, les Iraniens avaient bien précisé qu’ils ne souhaitaient pas un élargissement de la guerre et que de toute façon, ils ne voulaient pas y participer directement. D’ailleurs, les milieux politiques libanais ne cessaient de répéter qu’il y avait peu de risques que la guerre s’élargisse, puisque ni les Iraniens ni les Américains ne le souhaitaient. C’est dans ce contexte que lorsqu’ils ont été directement pris pour cible par les Israéliens, lors de l’assassinat du chef du Hamas, Ismaïl Haniyé, à Téhéran le 31 juillet 2024, les Iraniens ont choisi une riposte calculée pour ne pas provoquer une guerre directe et élargie. Finalement, le Hezbollah s’est retrouvé seul à se battre aux côtés des Palestiniens. Seuls les houthis au Yémen ont continué à soutenir l’axe, constituant désormais l’unique élément du fameux « axe de la résistance ».

Après ces trois déceptions, le Hezbollah se retrouve aujourd’hui à chercher à se reconstruire et peut-être à se réinventer. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’est plus question d’un projet régional. Il est revenu à une dimension libanaise.

Petit à petit, les secrets de la période allant du 7 octobre 2023 jusqu’à la conclusion de l’accord de cessez-le-feu entre le Liban et Israël, le 27 novembre 2024, commencent à se dévoiler. Au moins dans les débats internes du Hezbollah, où la nouvelle équipe essaye de comprendre ce qui s’est vraiment passé et pourquoi « l’axe de la résistance » et « l’unité des champs de bataille », dont Hassan Nasrallah était si fier, n’ont pas fait leurs preuves.Tout a donc commencé dans la nuit du 6 au 7 octobre 2023, lorsqu’une délégation de haut niveau du Hamas est venue informer le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, que l’attaque du 7 octobre allait commencer et qu’elle est destinée à prendre des otages israéliens pour pouvoir par la suite procéder à un échange. Selon certains...
commentaires (18)

Tout à fait.. Le Hezbollah espérait une mobilisation régionale, mais s’est retrouvé isolé. La Syrie s’est retirée discrètement, l’Irak est resté passif sous pression américaine, et l’Iran a évité l’escalade. Face à ces revers, le Hezbollah semble devoir abandonner ses ambitions régionales pour un recentrage sur le Liban…

Cordahi Fadi

21 h 54, le 29 mai 2025

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Commentaires (18)

  • Tout à fait.. Le Hezbollah espérait une mobilisation régionale, mais s’est retrouvé isolé. La Syrie s’est retirée discrètement, l’Irak est resté passif sous pression américaine, et l’Iran a évité l’escalade. Face à ces revers, le Hezbollah semble devoir abandonner ses ambitions régionales pour un recentrage sur le Liban…

    Cordahi Fadi

    21 h 54, le 29 mai 2025

  • "… Les trois déceptions du Hezbollah …" - 1:C, 2:P, 3:L. Non?

    Gros Gnon

    19 h 24, le 29 mai 2025

  • Et vous Madame, combien étes-vous déçue des exploits de vos amis !!??

    cury luc

    18 h 54, le 29 mai 2025

  • En somme les dindons de la farce…

    Ventre-saint-gris

    17 h 49, le 29 mai 2025

  • Notre devoir à tous est maintenant de chercher un beau Rhett à l’homonyme de l’héroïne de gone with a wind ! Ceci aidera énormément à rééquilibrer le décryptage qui pour l’avenir sera effectué non plus dans les cryptes mais plus dans les jardins de rose !

    PROFIL BAS

    17 h 38, le 29 mai 2025

  • Les pauvres chéris, ils sont si mignons, humanistes incompris honnêtes plus qu'il n'en faut. Je comprends bien leurs déceptions mais j'en rajouterai plein d'autres. Il faut les consoler, leur faire une psychothérapies, leur permettre de garder leurs armes et la drogue qui les enrichissaient pour qu'ils se remettent de leur malêtre, eux qui n'avaient qu'un but, aidé et sauvé leur prochain comme en Syrie et au Liban, avec des guerres par ci par là, des assassinats et des intimidations. On s'en fiche réellement de tous leurs états d'âmes, eux qui ont mis dans le désarroi tant de monde.

    Zeidan

    15 h 53, le 29 mai 2025

  • Hezbollah se retrouve aujourd’hui à chercher à se reconstruire et peut-être à se réinventer. À se reconstruire afin de nous faire détruire pour la nième fois C’est un groupe militaire hors loi , leurs chefs devront être derrière les barreaux

    William SEMAAN

    14 h 49, le 29 mai 2025

  • Ils ont joué ils ont perdu. Le plus triste est qu’ils l’ont fait au détriment du Liban et de leurs « partisans », éternelles chairs à canon des causes d’autrui.

    AntoineK

    13 h 06, le 29 mai 2025

  • Nous pleurons dans nos chaumières à la lecture de ce "décryptage" poignant mais par delà rassurant.

    Avette

    10 h 47, le 29 mai 2025

  • Jamais le Hezbollah ne sera a dimension Libanaise, ce serai aller a l'encontre de son idéologie politique. Que ce soit lui ou le PSNS, le Baas ou même les partis qui se prétendent Nasséristes, ils doivent être déclarés illégaux en raison de leur idéologie contraire a la constitution.

    Pierre Christo Hadjigeorgiou

    10 h 46, le 29 mai 2025

  • Un parti qui a commencé Libanais… puis a tourné en mafia (drogue), en terroriste (assassinats en série) puis à la solde de puissances étrangères dans sa quête de pouvoir… Ce parti a coûté énormément au peuple Libanais !!

    Hanna Philipe

    10 h 41, le 29 mai 2025

  • eh ben alors, dame scarlet n'a fait QUE CONFIRMER -BIEN MALGRE ELLE SUREMENT-LE NARCISSIME, L'EGO DEMEUSURE DE NASRALLAH 7 DE SES CONSEILLERS, EN Y AJOUTANT / EN PRECISANT LE PEU DE SERIEUX DANS SES VISIONS STRATEGIQUES.

    L’acidulé

    10 h 33, le 29 mai 2025

  • MADAME EST LA POUR ALLEGER VOS PEINES. DU VENT A PROFUSION.

    LA LIBRE EXPRESSION. LA PATRIE EN PERIL.

    10 h 05, le 29 mai 2025

  • Le Hezbollah n’a même pas cherché les traîtres qui l’ont décimé tellement occupé à distraire la galerie pour faire oublier leur déroute !Le fantôme de Rafic Hariri et des 800.000 Syriens massacres les hantera toute leur vie!

    PROFIL BAS

    09 h 56, le 29 mai 2025

  • ouf.....OLJ, trop d articles sur un hezbolla...supposé anéanti.

    Marie Claude

    08 h 16, le 29 mai 2025

  • L’article décrit très bien la situation. On peut donc conclure que le hezbollah n’a rien vu venir. Il s’est trompé sur toute la ligne, peut-être que son arrogance démeusurée l’a rendu fat et aveugle. Celà prouve de façon irréfutable qu’il ne mérite pas du tout d’avoir des armes…illégales en plus. Il représente un danger permanent pour le pays. Alors encourager encore , sa communauté à mourir pour rien est un acte suicidaire et criminel. Par sectarisme aveugle et archaïque, le hezbollah a accepté de se sacrifier pour l’Iran, et rien que pour l’Iran. Protéger le Liban ? Allons donc !

    Goraieb Nada

    07 h 51, le 29 mai 2025

  • "… Le Hezbollah est revenu à une dimension libanaise …" - Il le deviendra lorsqu’il aura déposé ses armes et qu’il se sera soumis à l’État Libanais, comme tous les citoyens libanais…

    Gros Gnon

    05 h 11, le 29 mai 2025

  • Vous changez de ton et de registre, Madame. Qu’est-ce qui se passe ?

    Tony Nakhle

    02 h 52, le 29 mai 2025

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