Des tonnes d’ouvrages d’un grand sérieux ont déjà traité de la psychologie des foules : de leur comportement de masse, de leur intelligence ou leur stupidité supposées, des moyens de les influencer, sinon de les manipuler. À l’ère d’internet, cette discipline n’a fait bien évidemment que s’aiguiser, que se doter d’outillages de recherche et d’analyse nettement plus scientifiques. Car il n’y a plus à attendre que les foules descendent dans la rue pour les observer à la loupe. En gigantesque nombre, les internautes sont là en permanence, accessibles chez eux, au bureau ou n’importe où ailleurs, vissés à leur ordinateur, leur tablette ou leur portable, à l’affût du buzz. Jamais en réalité le cobaye ne se sera prêté d’aussi bonne volonté aux tests de l’expérimentateur…
Gifle bien sentie ou taquine pichenette, baffe magistrale ou banale chamaillerie, les images du couple présidentiel français débarquant lundi à Hanoï ont ainsi fait fureur sur la Toile, puis envahi les écrans de télé de la planète, tant en effet le bon peuple est avide de nouvelles croustillantes sur la vie privée des célébrités. À l’hystérie collective ont répondu les explications plutôt embarrassées d’Emmanuel Macron. Celles-ci étaient d’ailleurs précédées d’un irréaliste déni émanant du palais de l’Élysée, qui évoquait en effet une de ces vidéos truquées qui ont récemment visé le chef de l’État français. Or plus désastreux encore que les faits peut s’avérer le mensonge ; pour mémoire (le Watergate, l’affaire Monica Lewinski), plus d’un président en a durement fait les frais aux États-Unis. Mais pas Donald Trump qui, pourtant, ment comme il respire.
Plus atterrante d’ailleurs que tous ces couacs de la communication, car infiniment meurtrière, est la déraison dont font montre les hommes qui mènent le monde. On peut d’ailleurs se demander si notre ronde planète n’a pas perdu la boule dans cet enchevêtrement de guerres, de chantages à l’apocalypse nucléaire et de batailles commerciales qui font désormais l’actualité internationale. Cela peut paraître absurde, mais nul mieux que ce même et fantasque Trump ne pouvait en témoigner. Le chef de la Maison-Blanche n’a jamais caché en effet son admiration pour Vladimir Poutine ; mais voilà soudain qu’à ses yeux, le Russe est devenu complètement fou, pour avoir trop forcé sur les drones contre l’Ukraine. À partir de quel bilan en vies humaines l’œuvre de mort, accomplie avec la plus grande diligence, revêt-elle donc un caractère clinique ? Et quels nouveaux massacres dans son utopique Riviera de Gaza le président US attend-il pour désigner du doigt cet autre fou furieux de Netanyahu, qui a largement dépassé son ancien score de 50 000 morts ?
Depuis l’Antiquité, on n’a cessé de chercher à débusquer le lien ténu qui existerait entre folie et génie : la différence entre l’une et l’autre résidant en somme dans le résultat final. Mais ne serait-ce pas pure insanité que de s’y essayer avec un tel trio ?
Issa GORAIEB