
Un ouvrier assis au milieu des décombres au port de Beyrouth, le 27 juin 2024. Mohammad Yassine/L'OLJ
Le juge Tarek Bitar a auditionné jeudi deux magistrats dans le cadre de son enquête sur la double explosion meurtrière survenue au port de Beyrouth le 4 août 2020. Il s'agit de Jad Maalouf, qui était juge des référés à l’époque où le navire Rhosus en provenance de Géorgie avait débarqué au Liban la cargaison de nitrate d’ammonium dont l’explosion a provoqué le drame. Carla Chouah, qui a succédé à Jad Maalouf en 2018, a également été interrogée pendant une demi-heure. Son implication serait toutefois très limitée, celle-ci n’ayant accédé à cette fonction qu'après l'entrée au Liban des matières explosives.
A l'époque, Jad Maalouf n'avait pas été informé de la nature explosive du produit et n'avait pas choisi son lieu de stockage. En octobre 2021, des sources judiciaires interrogées par L'Orient-Le Jour avaient affirmé que le juge Maalouf avait autorisé la mise en cale sèche du navire Rhosus et le débarquement de sa cargaison, à la demande du ministère des Travaux publics et des Transports. Dans sa décision judiciaire datée du 27 juin 2014, le magistrat précise que « l'autorisation a été accordée sur base des explications fournies par le ministère des Transports ». Ces explications exposées dans le corps de la décision avaient décrit le nitrate d'ammonium comme étant « un produit dangereux pour l'environnement », sans référence aucune à sa nature explosive. Les sources judiciaires interrogées avaient affirmé qu'en ce temps, rares étaient ceux qui connaissaient la dangerosité mortelle de cette substance. Le juge des référés avait pris soin de préciser dans son jugement que le nitrate devra être stocké dans « un emplacement approprié, sous la garde du ministère des Transports ». Sa décision ne mentionnait nullement l'enceinte du port dans laquelle ont été ensuite stockées les tonnes de nitrate.
L’audition de Jad Maalouf a duré près de quatre heures. D’après nos informations, il a répondu à toutes les questions de manière détaillée en évoquant les points juridiques liés notamment à sa compétence et ses prérogatives. Il faut savoir que le fait d’auditionner les magistrats n'implique pas que l’acte d’accusation du juge Bitar va les viser, ce dernier ayant convoqué toutes les parties prenantes qui étaient au courant de la présence du nitrate d'ammonium.
Cinq ans après le drame, l'enquête sur les explosions au port de Beyrouth n'a toujours pas abouti en raison des ingérences politiques dans le dossier. Tarek Bitar a pris à la mi-janvier une initiative décisive pour la poursuite de ses investigations en engageant des poursuites contre douze responsables sécuritaires et fonctionnaires du port, convoqués pour des audiences qui ont débuté le 7 février dernier. Il a auditionné pour la première fois au courant du mois d'avril des hommes politiques : l’ancien ministre Nouhad Machnouk et l'ex-Premier ministre Hassane Diab.