
Des soldats libanais déployés à Houla au Liban-Sud le 18 février 2025, quelques heures après le retrait de l'armée israélienne. Photo Matthieu Karam/L'Orient-Le Jour
Le vice-Premier ministre libanais, Tarek Mitri, a affirmé, dans un entretien au journal koweïtien al-Rai, que l’extension du contrôle de l’État sur le territoire situé au sud du Litani était sur le point de se terminer, et annoncé des « progrès » au niveau du démantèlement des infrastructures hors du contrôle de l'État « au nord du fleuve ».
Dans une interview publiée jeudi soir par al-Rai, M. Mitri a indiqué que, bien qu'il ne soit pas « un expert militaire », il a pu consulter des chiffres présentés par l'armée au Conseil des ministres concernant la mission de la troupe au sud du Litani, où elle doit se déployer et démanteler les infrastructures du Hezbollah, et que celle-ci « touche à sa fin ».
« Beaucoup a été accompli et il ne reste plus grand-chose à faire », a-t-il insisté, avant d'évoquer le nord du fleuve, soulignant que « des progrès y ont également été réalisés : dans certains cas, des armes ont été confisquées et des entrepôts fermés, entre autres mesures, et cela s’étend jusqu’à une opération de contrôle qui a commencé et se poursuit le long de la frontière avec la Syrie », sans mentionner si ces opérations concernent des infrastructures du Hezbollah. « Ces démarches se poursuivront et s’intensifieront, mais il est difficile de déterminer dans quel délai elles seront achevées », a ajouté le vice-Premier ministre.
Un dialogue « pour éviter une confrontation militaire »
Ces derniers mois, la communauté internationale, et en particulier les États-Unis, ont appelé les autorités libanaises à désarmer le Hezbollah, qui est sorti affaibli de la guerre contre Israël lancée en octobre 2023 et intensifiée en septembre 2024, au cours de laquelle une grande partie des responsables du parti chiite ont été assassinés, notamment son ancien chef Hassan Nasrallah. Dans ce cadre, le président Joseph Aoun affirme vouloir convier le parti à un « dialogue », tandis que d'autres forces politiques réclament un calendrier de désarmement clair, ce que refuse le groupe pro-iranien.
De plus, le Hezbollah insiste sur le fait que les termes de l'accord de cessez-le-feu sur le désarmement ne concernent que la zone située au sud du fleuve Litani. Mais le texte s’appuie sur la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui stipule non seulement qu’aucune force armée autre que la Force intérimaire de l'ONU au Liban (Finul) et l’armée libanaise ne doit être présente au sud du Litani, mais appelle également à la « mise en œuvre complète des dispositions pertinentes de l'Accord de Taëf et des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006), qui exigent le désarmement de tous les groupes armés au Liban ».
M. Mitri n'a pas précisé si les opérations au nord du Litani concernent le Hezbollah ou si elles englobent notamment les factions palestiniennes, alors que plusieurs bases, entre autres du Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général (FPLP-CG), qui était soutenu par le régime syrien renversé, ont été reprises à ces milices dès décembre 2024. Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, l’armée libanaise et la Finul ont annoncé des avancées en matière de désarmement du Hezbollah au sud du Litani, mais n’ont pas communiqué officiellement sur les infrastructures du Hezbollah au nord du fleuve.
Concernant la vitesse à laquelle les autorités libanaises traitent la question des armes du Hezbollah, Tarek Mitri a affirmé : « Je ne pense pas qu’il s’agisse de précipitation ou de lenteur, mais plutôt que la partie concernée, à savoir le Liban, réalise ce qui est possible et dans quel délai. Les parties extérieures, les États-Unis ou d’autres, exercent une pression pour que ce travail soit accompli plus efficacement et plus rapidement. Mais il ne fait aucun doute que les étrangers ne disposent pas des données dont disposent l’armée libanaise et le président. »
Il a ajouté que le président Aoun est déterminé à remplir les engagements mentionnés dans sa prestation de serment et dans la déclaration ministérielle du gouvernement de Nawaf Salam, et à maintenir la stabilité au Liban, ce qu’il considère comme sa responsabilité. « C’est pourquoi M. Aoun favorise un dialogue pour éviter une confrontation militaire », a-t-il déclaré.
Reconstruction et occupation israélienne
Au sujet de la reconstruction, qui est un dossier clé après la guerre qui a ravagé une grande partie du Liban-Sud et de la Békaa, et détruit de nombreux bâtiments dans la banlieue sud de Beyrouth, Tarek Mitri a souligné qu’elle est en partie liée à la question du monopole des armes, mais aussi à d'autres dossiers comme les réformes et un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). « Plus important encore, la création d’un fonds de reconstruction est aussi en partie liée à la nécessité qu’Israël cesse son agression et se retire des territoires qu’il occupe encore. Imaginez créer un fonds et y allouer de l’argent, alors qu’Israël bombarde chaque jour et augmente les coûts de la reconstruction. »
Malgré l’accord de cessez-le-feu conclu fin novembre 2024, Israël poursuit ses frappes quotidiennes et occupe encore cinq zones à l’intérieur du territoire libanais. Les bombardements et les tirs quotidiens ont tué plus de 160 personnes depuis novembre, selon notre décompte.
L'accord de 1949
Interrogé sur une éventuelle normalisation entre le Liban et Israël, le vice-Premier ministre a déclaré que son pays restait attaché à la position arabe exprimée lors du sommet de Beyrouth en 2002. « Ce qui est possible, et nous sommes sérieux à ce propos, c’est un retour à l’Accord d’armistice (1949) ». Il a ajouté que « l’option d’un accord de paix entre le Liban et Israël est peu probable, du moins dans les prochaines années, à moins que les choses n’évoluent vers la création d’un État palestinien et qu’un accord soit conclu entre l’Arabie saoudite et Israël, ce qui changerait la situation au Liban. »
M. Mitri a également évoqué les trois comités que les responsables américains souhaitent créer pour les négociations entre le Liban et Israël concernant le retrait des positions occupées, la libération des détenus libanais en Israël et la démarcation de la frontière terrestre.
« Washington souhaite que le niveau de ces comités soit relevé pour inclure une participation civile-politique, et non plus seulement des techniciens militaires. Nous étions réticents à cette idée, mais un compromis reste possible au final [...] S’il y a une insistance sur la présence de civils dans les négociations, cela sera décidé plus tard par le gouvernement, mais la nature des tâches proposées à ces comités ne nécessite pas de contact politique entre le Liban et Israël », a précisé M. Mitri.
"Le contrôle de l'État presque rétabli au sud du Litani, des « progrès » réalisés au nord". Au Sud, ce retard est impardonnable et donne inutilement des arguments à Israël. Mais voilà, l'armée, au lieu d'investir immédiatement toutes les installations illégales, comme prévu par l'accord de cessez-le-feu, attend bien sagement que la milice mis à l'abri armes et documents! Le pire, c'est que, dans une deuxième phase, on va "dialoguer" pour récupérer ses mêmes armes qui auront auparavant défilé devant les militaires, lesquels avaient reçu consigne de tourner la tête!
07 h 27, le 24 mai 2025