
Le ministre libanais des Affaires étrangères, Joe Raggi, lors d'un entretien avec la chaîne LBCI, le 21 mai 2025. Photo fournie par le bureau de presse du ministère libanais des Affaires étrangères
Le ministre libanais des Affaires étrangères, Joe Raggi, a affirmé mercredi soir dans un entretien télévisé ne pas avoir « confiance en la loyauté » du Hezbollah dans le cadre du dialogue que doit lancer le président Joseph Aoun concernant le monopole des armes, estimant que c'est dans la résolution de cette question et l'application des résolutions internationales que réside « la solution » à tous les problèmes internes au Liban.
S'exprimant dans un entretien sur la chaîne locale LBCI sur le monopole de l'Etat sur les armes au Liban, sujet évoqué quasiment quotidiennement dans les milieux politiques et par les responsables depuis le début du mandat de Joseph Aoun, qui s'est engagé à atteindre cet objectif, M. Raggi a estimé que ce dossier est le cœur de « la solution » pour résoudre les problèmes internes au Liban. « La situation intérieure libanaise n’est pas liée à la situation régionale, tant que le gouvernement prend les mesures nécessaires », a-t-il déclaré, soulignant que « la solution au Liban est simple et repose sur le principe du monopole des armes aux mains de l’État et l’application des résolutions internationales », notamment les résolutions 1701 et 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU, qui prévoient entre autres le désarmement de toutes les milices.
Pas d'aides sans réformes et souveraineté sur l'ensemble du territoire
Concernant le désarmement du Hezbollah, il a affirmé que cette question « est toujours débattue », disant craindre que les autorités ne « ratent le train, parce que certains espèrent perdre du temps et ce n'est pas dans l'intérêt du Liban ». « Si certains refusent que le Liban devienne un Etat normal, qui applique sa Constitution et le droit international, c'est le Liban qui en paiera le prix », a-t-il mis en garde. Et alors que Joseph Aoun a annoncé un futur dialogue avec le Hezbollah sur ce dossier, rejetant les appels des Forces libanaises, parti dont est proche le ministre Raggi, à un « calendrier » de désarmement avec une échéance temporelle, le chef de la diplomatie a dit avoir « confiance en la loyauté du président de la République, mais douter des intentions de ceux avec qui il envisage de dialoguer ». S'adressant encore aux parties qu'il a qualifiées de « non-souverainistes » au Liban, il les a appelées à « revenir à votre patrie, à votre terre, à votre peuple, à votre héritage et à votre identité libanaise. » « Aucun pays, aucune partie ni aucun fonds international n'est prêt à aider le Liban tant que les réformes ne sont pas mises en œuvre et que la souveraineté de l’État ne s’étend pas à l’ensemble du territoire », a-t-il insisté.
Sur la question des armes détenues par les factions palestiniennes, et alors que le président palestinien Mahmoud Abbas a acté mercredi au premier jour de sa visite à Beyrouth la décision de désarmer les camps de réfugiés, M. Raggi a affirmé que « plusieurs décisions ont été prises et leur exécution a commencé ». Dès décembre, après la chute du régime de Bachar el-Assad, l'armée libanaise avait récupéré des bases du Front populaire de libération de la Palestine - Commandement général, une faction liée au régime syrien déchu, et le Conseil supérieur de défense et le gouvernement avaient émis fin avril une mise en garde inédite au Hamas, l'enjoignant à ne plus utiliser le Liban comme plateforme pour lancer ses attaques contre Israël. Mercredi, MM. Aoun et Abbas ont encore affirmé que le temps des armes hors du monopole de l'Etat libanais était « révolu ». « Le Liban reconnaît un seul représentant du peuple palestinien, à savoir l’Autorité palestinienne », a ajouté Joe Raggi, en allusion au Hamas qui n'a pas encore confirmé son engagement à rendre les armes et avait réclamé des garanties concernant les droits des Palestiniens. Il a ajouté que « les services de sécurité et les forces armées accomplissent leur travail, mais que tout ne peut pas être communiqué publiquement ».
Raggi justifie ne pas avoir déposé de plaintes devant l'ONU
Par ailleurs, le chef de la diplomatie a affirmé qu'il n'avait « pas d’objection à mener des négociations indirectes sur les points frontaliers en suspens » avec Israël, alors que plusieurs points et zones le long de la Ligne bleue restent contestés. « Des négociations directes ne sont pas envisagées », a-t-il insisté, quelques jours après que Joseph Aoun avait déjà affirmé, dans un entretien à la télévision égyptienne, avoir demandé à Washington de parrainer des négociations indirectes sur la frontière terrestre, à l'image de ce qui avait eu lieu pour la frontière maritime en 2022. Il a encore réagi aux critiques du camp du Hezbollah, selon lesquelles il n'a pas assez critique vis-à-vis des violations israéliennes, quotidiennes, du cessez-le-feu conclu en novembre 2024, et alors qu'il n'a pas depuis son entrée en fonction, déposé de plainte devant le Conseil de sécurité à cet égard, sachant que son prédécesseur avait déposé, lors de l'offensive israélienne contre le Liban entre octobre 2023 et novembre 2024, des dizaines de ces plaintes. « Le dépôt de plaintes obéit à des mécanismes spécifiques, et en abuser affaiblit la position libanaise », a-t-il commenté.
M. Raggi a en outre déclaré que « le ministère des Affaires étrangères est redevenu souverain », et affirmé qu'il ne « mène aucune démarche en politique étrangère en dehors de la Constitution, de l’accord de Taëf, des résolutions internationales, de l’accord de cessez-le-feu, du discours d’investiture et de la déclaration ministérielle », estimant que ses positions et son patriotisme « ne nécessitent aucun test de loyauté de quiconque ».
Concernant les relations avec la Syrie, M. Raggi a souligné que le dossier des personnes disparues dans les geôles du régime Assad « est humain et urgent », et que « le gouvernement syrien fait preuve de coopération ». Il a ajouté avoir reçu des cartes sur le tracé de la frontière libano-syrienne de la part de l’ambassadeur français il y a deux semaines, et qu'il les a transmises au ministère de la Défense. Ce dossier est « technique, complexe et long », a-t-il ajouté.
Raggi dit « douter de la loyauté » du Hezbollah dans son dialogue avec Aoun ... et il a tout à fait raison! Il n'y a pas d'exemple connu que la milice iranienne ait respecté ses engagements.
07 h 11, le 23 mai 2025