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Politique - Décryptage

Les municipales de Tripoli et « le malaise sunnite »

Dans les élections municipales qui occupent actuellement le Liban, l’un des éléments les plus marquants est la faible participation populaire à Tripoli, contrairement à toutes les attentes. Car la capitale du Nord est connue pour son bouillonnement interne, son dynamisme et sa diversité politique et confessionnelle. Que faut-il donc en déduire sachant que cette ville est considérée comme le principal indicateur de « l’humeur sunnite » au Liban ?

En effet, de nombreux facteurs interviennent dans le tissu social à Beyrouth, où toutes les composantes sont représentées, et à Saïda, qui est plus intégrée dans la région du Sud. Tripoli est donc la seule agglomération qui donne réellement le pouls de la rue sunnite.

Après neuf ans sans municipales, on aurait donc pu croire que les Tripolitains allaient se précipiter vers les urnes. D’ailleurs, près de six listes électorales ont été formées, ce qui montre un grand intérêt local dans les candidatures (même si seules quatre d’entre elles semblaient sérieuses). De plus, de nombreux changements ont eu lieu ces derniers temps au sein de la communauté sunnite et dans la région en général, qu’il s’agisse de la guerre à Gaza puis au Liban, ou du changement de régime en Syrie. Sauf que le taux de participation n’était que de 25 %. Plusieurs interprétations de ce désintérêt sont avancées. La première repose sur le fait que quelques semaines avant les élections, le chef du courant du Futur Saad Hariri a annoncé qu’il n’allait pas y participer.

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Une annonce qui a eu l’effet d’un choc sur la base électorale, surtout après le vent d’optimisme qui avait circulé après la participation « différente » de Saad Hariri à la commémoration du 14 février cette année, qui avait été considérée comme un prélude à son retour sur la scène politique. Pour les sunnites de Tripoli, et probablement du Liban en général, qui étaient venus nombreux à la cérémonie au centre-ville de Beyrouth, la déception était grande. Certains milieux politiques ne parviennent d’ailleurs pas à comprendre le lien émotionnel particulier entre Saad Hariri et la base sunnite, mais il est pourtant réel.

C’est d’autant plus vrai que tous ceux qui ont tenté de remplir le vide politique laissé par Saad Hariri sur la scène sunnite n’ont pas encore réussi à atteindre cet objectif. Il y a eu, à un moment donné, un élan en faveur de la Jamaa islamiya (branche des Frères musulmans au Liban soutenue par la Turquie), à la faveur de la guerre à Gaza et du rôle du Hamas. Mais entre-temps, le changement de régime en Syrie a modifié la donne. Les Tripolitains n’ont pas caché leur joie après la chute du régime des Assad avec lequel la ville a un lourd passif. Ils se sont donc sentis proches du nouveau régime qui, en raison de l’appui turc dont il bénéficie, semblait aussi proche du Hamas et des Frères musulmans. Mais il leur a fallu déchanter lorsque le nouveau pouvoir en Syrie a annoncé qu’il ne cherche pas à constituer une menace pour Israël. Les Tripolitains, et les sunnites en général, se sont sentis un peu perdus, entre leur soutien au Hamas et à la lutte contre Israël et leur satisfaction face au changement de régime en Syrie. La confusion s’est encore accentuée avec la multiplication des influences sur la scène sunnite. La communauté s’était en quelque sorte habituée à une certaine influence turque, face à la mise en veilleuse de celle de l’Arabie. Mais elle a vu soudain réapparaître cette dernière, avec une volonté claire de retrouver un rôle sur la scène libanaise, par le biais du mufti Abdellatif Deriane et bien sûr de l’ambassadeur Walid Boukhari.

Toutefois, à la grande surprise de la base sunnite, cette influence retrouvée ne s’est pas traduite par le soutien aux forces traditionnelles de la communauté, mais plutôt par un appui à des personnalités hors du cadre habituel et à l’association des Ahbache qui est, pour beaucoup, associée au précédent régime en Syrie. Même si de nombreux analystes pensent qu’il n’y a aucune connotation politique à la soudaine relance des Ahbache, celle-ci irrite une partie de la base sunnite qui a le sentiment que les Ahbache cherchent à remplir le vide laissé par le courant du Futur. C’est vrai pour Tripoli mais aussi pour Beyrouth, où cette association dispose d’un paquet de voix non négligeable (près de 14 000) et est donc sollicitée pour des alliances, notamment de la part de la liste dite d’entente nationale. Mais là aussi, l’absence de vision et de projet clairs ainsi que l’absence de leadership au sein de la communauté sunnite pourraient pousser celle-ci à se désintéresser du scrutin. D’ailleurs, malgré les efforts déployés pour former une liste cohérente, l’alliance Makhzoumi, Ahbache et Forces libanaises à Beyrouth pourrait ne pas convaincre. À Saïda, un autre facteur entre en jeu : il s’agit des partisans de cheikh Ahmad el-Assir, dont le nouveau président syrien a demandé la libération avec d’autres prisonniers syriens au Liban. Ces partisans auront probablement leur mot à dire dans le scrutin. Mais leur poids pourrait accentuer la confusion au sein de la base électorale sunnite tout en augmentant le désintérêt à l’égard de l’échéance électorale.

Dans le paysage communautaire libanais, on ne peut donc plus ignorer « le malaise sunnite » qui s’est traduit clairement dans l’élection municipale à Tripoli.

Dans les élections municipales qui occupent actuellement le Liban, l’un des éléments les plus marquants est la faible participation populaire à Tripoli, contrairement à toutes les attentes. Car la capitale du Nord est connue pour son bouillonnement interne, son dynamisme et sa diversité politique et confessionnelle. Que faut-il donc en déduire sachant que cette ville est considérée comme le principal indicateur de « l’humeur sunnite » au Liban ?En effet, de nombreux facteurs interviennent dans le tissu social à Beyrouth, où toutes les composantes sont représentées, et à Saïda, qui est plus intégrée dans la région du Sud. Tripoli est donc la seule agglomération qui donne réellement le pouls de la rue sunnite.Après neuf ans sans municipales, on aurait donc pu croire que les Tripolitains allaient se...
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Ce sont certes les Saoudiens qui continuent de serrer la corde autour du cou de Saad Hariri et l’empêchent de reprendre sa place sur la scène politique libanaise. Le plus étrange est que même les personnalités les , plus influentes au sein de la communauté sunnite n’ont été en mesure de faire revenir les Saoudiens sur leurs décisions prises à l’encontre de chef du courant du Futur.

Hitti arlette

16 h 40, le 14 mai 2025

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  • Ce sont certes les Saoudiens qui continuent de serrer la corde autour du cou de Saad Hariri et l’empêchent de reprendre sa place sur la scène politique libanaise. Le plus étrange est que même les personnalités les , plus influentes au sein de la communauté sunnite n’ont été en mesure de faire revenir les Saoudiens sur leurs décisions prises à l’encontre de chef du courant du Futur.

    Hitti arlette

    16 h 40, le 14 mai 2025

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