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Société - Liberté d'expression

Plainte contre « Marhaba dawlé » : au Liban, l’humour et le sacré ne font toujours pas bon ménage

Dar el Fatwa a demandé mardi l’ouverture d’une information judiciaire contre le programme de la LBCI, déjà dans le viseur du Centre catholique d’information.

Plainte contre « Marhaba dawlé » :  au Liban, l’humour et le sacré ne font toujours pas bon ménage

Des acteurs-clés de la série satirique « Marhaba Dawlé ». Photo tirée du site de la chaîne LBCI

Marhaba dawlé, un programme humoristique présenté sur son site officiel comme une série télévisée abordant « la relation ambiguë entre le citoyen et l’État, dans une approche sociale et comique », se trouve dans le collimateur de représentants religieux chrétiens et musulmans qui l’accusent de porter atteinte à des symboles des deux religions monothéistes.

Ce n’est pas la première fois que cette sitcom hebdomadaire fait l’objet d’accusations. Suite à un épisode qui tournait en dérision les Forces de sécurité intérieure, l’État libanais avait porté plainte, en janvier 2024, contre la chaîne LBCI pour protester contre l’émission, estimant qu’« elle insulte les symboles nationaux, en particulier le drapeau libanais et l’hymne national ». Cette plainte avait toutefois été rejetée par la justice.

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Dar el Fatwa a ainsi demandé ce mardi 13 mai au parquet de cassation l’ouverture d’une information judiciaire pour « atteinte au Coran, offense aux symboles sacrés de l’Islam, incitation aux dissensions confessionnelles, et atteinte à la cohésion entre les composantes de la nation ». La plainte a été déposée conformément aux instructions du mufti de la République, Abdellatif Deriane, comme le précise le texte signé par le cheikh Amine Kurdi.

Contacté, le porte-parole de l’institution sunnite s’est contenté de rappeler le contenu du recours en question tout en précisant que la plainte vise un épisode diffusé jeudi dernier. Dans l’une des scènes, le personnage d’un imam se moque de  fidèles présents dans la mosquée avec la formule « Long time no see (cela fait un bail qu’on ne vous a pas vus) ! » et la réponse de l’un d’entre eux –  « Qui voudrait prier à ma place contre de l’argent ? »

L’indignation n’étant pas le monopole d’une religion, l’émission avait déjà provoqué le 9 mai dernier une vive réaction du Centre catholique d’information. Dans un communiqué publié ce jour-là, le directeur de cette instance relevant de la Commission épiscopale des médias, Mgr Abdo Abou Kasm, avait dénoncé « les attaques contre la religion chrétienne, la personne de Jésus-Christ et les membres du clergé, sous couvert d’humour ». Et d’ajouter : « Le programme Marhaba Dawlé a atteint un niveau de moquerie, de vulgarité et de sarcasme tel qu’il n’est plus possible de se taire. » Dans l’épisode incriminé, on voit notamment un acteur déguisé en prêtre qui tente de faire taire une foule de paroissiens, tout en déplorant qu’il se trouve dans une ambiance comparable à celle d’un match de football. Il interpelle ensuite une femme en lui demandant si elle mâche du chewing-gum, puis lui ordonne d’ouvrir la bouche – ce qu’elle fait. Le sacrement de la confession est également pris en dérision : une femme avoue à tue-tête qu’elle a trompé son mari. À la fin de la séquence, le « prêtre « enjoint aux personnes présentes de quitter les lieux, en les menaçant d’une arme qu’il vient de brandir.

Contacté, Mgr Abou Kasm note que le centre catholique a transmis son communiqué au ministre de l’Information, Paul Morcos, en lui demandant d’intervenir pour que des scènes contenant « des propos diffamatoires et dégradants » ne soient plus diffusés. Une source proche de M. Morcos indique à notre journal que la question lui avait été soumise peu avant son départ pour le Koweït d’où il est rentré lundi. « Le ministre compte se pencher incessamment sur la question », ajoute la même source. De son côté, Mgr Abou Kasm exprime la détermination du centre à entreprendre des démarches légales et judiciaires, si des mesures appropriées ne sont pas prises pour « mettre un terme au dénigrement à la moquerie ». « Nous verrons à qui la justice donnera raison », déclare-t-il, avant de conclure : « La liberté d’expression n’est pas synonyme d’humiliation... »

« Les religieux, des humains comme les autres »

La demande d’ouverture d’une information judiciaire formulée par Dar el Fatwa avait été précédée lundi d’une demande similaire présentée par trois avocats, Mohammad Jaafil, Bassam Hamad et Khalil Qabbani, en leur qualité personnelle. Selon le site al Janoubia, « leur plainte vise la chaîne LBCI, représentée par son directeur général, l’acteur Tarek Tamim, ainsi que toute personne que l’enquête pourrait identifier comme auteur ou complice ». Joint par notre journal, Me Jaafil déplore qu’ « un lieu de culte soit transformé en scène de théâtre comique et un cheikh en un clown ».

« De telles violations n’ont rien à voir avec la mission de l’art qui vise à transmettre un message porteur de sens », martèle-t-il, avant de s’interroger : « Quelle image de la religion cette émission veut-t-elle donner à la jeune génération, à l’heure où nous nous efforçons de rapprocher nos enfants de la religion  ? » se demande-t-il.

Contactée par L’OLJ, une source proche de la LBCI s’est abstenue de commenter, disant préférer attendre une éventuelle évolution liée aux recours judiciaires.

« Il y a une distinction essentielle entre se moquer d’une religion en tant que telle et critiquer le clergé à travers une caricature théâtrale, qui relève, elle, de la liberté d’expression », estime un professionnel de l’audiovisuel. « Les religieux sont des êtres humains et à ce titre, peuvent être critiqués comme n’importe quel individu ».

Marhaba dawlé, un programme humoristique présenté sur son site officiel comme une série télévisée abordant « la relation ambiguë entre le citoyen et l’État, dans une approche sociale et comique », se trouve dans le collimateur de représentants religieux chrétiens et musulmans qui l’accusent de porter atteinte à des symboles des deux religions monothéistes. Ce n’est pas la première fois que cette sitcom hebdomadaire fait l’objet d’accusations. Suite à un épisode qui tournait en dérision les Forces de sécurité intérieure, l’État libanais avait porté plainte, en janvier 2024, contre la chaîne LBCI pour protester contre l’émission, estimant qu’« elle insulte les symboles nationaux, en particulier le drapeau libanais et l’hymne national ». Cette plainte avait toutefois été rejetée par la...
commentaires (2)

L'Etat libanais s'honorera s'il considère ces plaintes sans objet légal. Que les religieux ne confondent pas leur personne avec la Religion.

Fredo

21 h 16, le 14 mai 2025

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Commentaires (2)

  • L'Etat libanais s'honorera s'il considère ces plaintes sans objet légal. Que les religieux ne confondent pas leur personne avec la Religion.

    Fredo

    21 h 16, le 14 mai 2025

  • "un programme humoristique vs la relation ambiguë entre le citoyen et l’État, se trouve dans le collimateur de représentants religieux chrétiens et musulmans"" que ce soit une lecon, un rappel a ceux qui reclament le mariage civile et autres requetes d'ordre laique: les clerges chretiens ET musulmans sont de parti pris pour rejeter tout cela en bloc

    L’acidulé

    09 h 33, le 14 mai 2025

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