À l’heure où certains s’empressent de rédiger le faire-part de décès de la francophonie au Liban, Télé Liban, doyenne des chaînes nationales, leur adresse une réponse claire, limpide et… quotidienne : un journal télévisé en langue française. Rien que ça. Un geste audacieux, presque militant, qui mérite d’être salué à la hauteur de son courage.
Oui, la francophonie vit encore au Liban – et mieux encore, elle s’exprime, elle s’anime, elle raconte, elle interroge, elle illumine l’écran chaque soir à 18h30, avec élégance et rigueur. Un exploit dans un paysage médiatique parfois accaparé par d’autres priorités et une preuve éclatante que la langue de Molière n’a pas dit son dernier mot sur les bords du Levant.
Cette aventure, je l’ai rejointe… presque par hasard, comme souvent les plus belles histoires. Tout a commencé lors du cérémonial d’ouverture du Marathon de Beyrouth, où je me trouvais pour assurer la traduction en langue des signes à destination des malentendants libanais – une mission qui me tient à cœur et que je peux assurer grâce à ma formation spécialisée dans ce domaine. C’est là que j’ai croisé M. Ziad Makari, le ministre sortant de l’Information, dans un moment aussi inattendu que décisif. Quelques mots échangés, quelques sourires et une impulsion immédiate : il fallait que je revienne à l’écran.
Et le destin, décidément bien inspiré, m’a ensuite mené vers deux femmes exceptionnelles : Nidal Ayoub, rédactrice en chef du journal francophone de Télé Liban, et Élissar Naddaf, conseillère du ministre de l’Information pour les médias francophones. Toutes deux m’ont ouvert les portes de Télé Liban avec une générosité rare, m’offrant carte blanche, véritable passeport vers la créativité. Une liberté totale, mais surtout une confiance absolue.
Ma carrière télévisée remonte au temps où je fus animateur et éditeur d’émissions pour jeunes à MTV, puis à New TV, avant de poursuivre l’aventure sur les ondes de Radio France Internationale. Revenir aujourd’hui, après tant d’années, pour présenter dans un journal en langue française, c’est bien plus qu’un simple retour : c’est une redécouverte, une résurrection. Le bonheur de renouer avec mes racines, francophones de surcroît. C’est aussi la réponse, enfin, à cette question que tant d’amis n’ont eu de cesse de me poser : « Pourquoi tu ne reviens pas à la télé ? » Et moi de leur susurrer, du bout des lèvres, avec ce demi-sourire que l’on réserve aux secrets bien gardés : « Non, pas maintenant… ce n’est pas encore ce que je souhaite. »
Et quelle fierté de collaborer avec une télévision qui, depuis des décennies, raconte l’histoire du Liban avec passion, courage et constance. En renouant avec la francophonie, en s’ouvrant à un nouveau public et en valorisant le patrimoine culturel libanais, Télé Liban redore son blason. Et ce n’est pas qu’une formule : c’est un élan palpable, un souffle nouveau, un retour à l’essentiel.
À travers mes reportages touristiques, médicaux, socioculturels, musicaux ou cinématographiques, je vis chaque jour – ou chaque soir – une immense joie. Une joie simple, entière, qui me rappelle la citation de Confucius : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez jamais à travailler un seul jour de votre vie. »
Et cette joie n’est pas que mienne. Depuis quelques mois, Télé Liban a également ouvert une lucarne précieuse aux malentendants du Liban, en intégrant des traducteurs spécialisés en langue des signes au sein du journal télévisé en langue arabe. Une initiative inclusive, généreuse, profondément humaine – à l’image de cette chaîne qui n’a jamais cessé de croire au rôle social de l’information.
Je tiens à exprimer ma sincère reconnaissance à M. Ziad Makari, pour sa vision et son soutien indéfectible ainsi que M. Paul Morkos, ministre de l’Information, pour la continuité de cet engagement, qui permet à la francophonie d’avoir toute sa place à la télévision libanaise.
Et qui sait ? Peut-être qu’un jour, les journaux télévisés bilingues deviendront la norme, et que l’on passera du « Bonsoir » au « Massa’el-kheir » sans même s’en rendre compte… C’est tout le bien – et les biens » que je nous souhaite !
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Bravo. Sans la francophonie, le Liban perdrait son charme.
10 h 57, le 08 mai 2025