
Le concert inaugural du Beirut Chamber Orchestra s’est tenu le 1er mai 2025 en l’église Saint-Élie Kantari. Photo fournie par le BCO
C’est à New York, où il réside, qu’un ami lui parle pour la première fois du Liban. Touché par l’histoire du pays, Jean-Pierre Schmitt reçoit bientôt une nouvelle impulsion : une amie, qui y a vécu longtemps, lui souffle l’idée de soutenir les musiciens libanais. Il n’en faut pas plus pour qu’il organise une première levée de fonds, modeste mais sincère, auprès de quelques proches. Cette petite somme lui permet de mettre sur pied un concert inaugural à Beyrouth, en 2022, réunissant le saxophoniste américain Javier Oviedo et le violoniste libanais Mario Rahi.
« Je m’y suis plu et je m’y suis fait des amis », confie-t-il. Peu à peu, de simples événements privés voient le jour, jusqu’à sa rencontre décisive avec le compositeur Nicolas Chaanine. Ensemble, ils décident de fonder le Beirut Chamber Orchestra (BCO). Les rôles sont répartis, et une ONG voit le jour.
Un chef d’orchestre engagé
L’attachement de Jean-Pierre Schmitt pour le Liban s’est renforcé après la double explosion au port de Beyrouth, une tragédie qui a révélé la précarité dans laquelle se trouvent de nombreux musiciens. Leurs témoignages l’ont profondément bouleversé.
Héritier de la grande tradition française, Jean-Pierre Schmitt promène une grâce saluée tant par les musiciens que par le public, du Lincoln Center à Carnegie Hall, en passant par les scènes d’Europe de l’Est et d’Amérique latine. Fondateur du French-American Chamber Orchestra à New York et du Classical Saxophone Project, dont il est président, il bâtit inlassablement des ponts entre les cultures, porté par une passion qui l’a mené au pays du Cèdre. Pour inscrire cette démarche dans la durée et offrir une structure stable aux musiciens, la création d’un ensemble permanent s’est imposée comme une évidence. Le BCO est ainsi né, sous forme d’association à but non lucratif, avec à sa tête, pour sa gestion locale, le compositeur Nicolas Chaanine, épaulé par un conseil d’administration discret.
La joie comme moteur : une autre façon de faire de la musique
Le Beirut Chamber Orchestra ambitionne de rendre la musique classique accessible à un large public tout en contribuant au tissu social local. « J’ai très envie que le projet perdure, que les musiciens puissent gagner un peu d’argent et faire des choses qui leur plaisent. Ça me semble être une belle histoire », confie Jean-Pierre Schmitt. Il précise n’avoir « ni attache ni famille au Liban », mais que quelque chose l’y attire. « Peut-être est-ce l’accueil qui m’a été réservé au sein même des foyers. »
Le travail avec les musiciens l’a très vite mené vers des relations de compréhension, d’échanges libres, voire de complicité. Il y a décelé un grand respect de la musique, de l’art en général, mais surtout une camaraderie qui permet de travailler dans la joie. « C’est ce que je trouve au Liban, cette espèce de joie que les Libanais ont au cœur. Quand on constate un tel enthousiasme pour continuer à vivre malgré toutes les souffrances, cela me touche beaucoup », avoue-t-il.
Le concert inaugural s’est tenu le 1er mai 2025 en l’église Saint-Élie Kantari, et l’intégralité de ses recettes a été reversée au Child Cancer Center, soulignant l’engagement humanitaire du projet.
Au-delà des concerts, le BCO entend aussi jouer un rôle de formation. Des ateliers et des master classes seront proposés afin de soutenir et d’accompagner la jeune génération de musiciens libanais. Pour pérenniser cette initiative, l’orchestre ne pourra toutefois pas se reposer uniquement sur la billetterie. Un appel est donc lancé aux mécènes, entreprises et amis de la musique classique, afin de soutenir le projet à travers des programmes d’adhésion offrant de nombreux avantages.
« L’idée était d’initier quelque chose qui dure. Et quand je serai trop vieux, je passerai le relais aux plus jeunes », affirme Jean-Pierre Schmitt, avec une humilité fidèle à son parcours.
La suite s’annonce prometteuse, bien qu’encore suspendue aux délais des formalités administratives nécessaires à l’ouverture d’un compte bancaire, condition préalable à une levée de fonds plus conséquente. Déjà, un nouveau concert est prévu pour la fin de l’été ou le début de l’automne, avec le retour du saxophoniste Javier Oviedo. En parallèle, les contacts avec la diaspora se multiplient, et Jean-Pierre Schmitt a sollicité le consul du Liban à New York pour organiser une soirée de présentation du BCO.
Une chose est sûre : l’aventure ne fait que commencer.