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Leçons de vie

Il y a quelques années, un ministre libanais parti plastronner au forum économique de Davos poussait la fatuité jusqu’à parler d’enseigner aux dirigeants du monde l’art de gouverner sans devoir s’embarrasser pour cela d’un quelconque budget. Plus cruellement encore que l’ébahissement et les sarcasmes de la journaliste de CNN qui l’interrogeait, c’est le désastre financier du Liban qui, par la suite, lui assénait le contenu d’un seau d’eau glacée sur la tête.

Il reste fort heureusement bien d’autres Libanais parfaitement capables et dignes d’en remontrer au reste de la planète. Ce sont tout d’abord, on l’aura deviné, ces citoyens ordinaires qui, guerre après guerre, invasion sur invasion, ont valu à notre peuple et à notre pays une proverbiale réputation de résilience, de vitalité, d’entêtement à toujours se relever, renaître de ses cendres. Alors que le dernier de ces conflits n’est même pas encore clos, alors que se poursuivent sans répit les agressions israéliennes, c’est cette inusable endurance, cet instinctif et impérieux devoir de normalité dans un microcosme où abonde pourtant l’absurde, que l’on continue de voir à l’œuvre dans la rue, dans les habitations et dans les entreprises.

Pour la première fois depuis bien des années cependant, le peuple n’est plus seul à croire que l’adversité a beau s’acharner, la vie continue, et qu’elle exige d’être servie au mieux, sans délai, avec tout ce que l’on a à portée de main, plutôt que d’attendre que tombent du ciel les alouettes toutes rôties. À peine installé, et en dépit du vaste soutien interne et international dont il jouit, le tandem au pouvoir n’est pourtant pas dans une position des plus confortables. Il doit faire face tout à la fois à ces deux volontés antagonistes – Israël et le Hezbollah– qui se nourrissent l’une l’autre et se rejoignent objectivement pour lui mettre la pression. Mais du moins Joseph Aoun et Nawaf Salam ont vite fait de rompre avec les pratiques du passé, où les gouvernants se contentaient tout juste de se répandre en jérémiades auprès des puissances. Cloîtrés dans leurs palais, ceux-là trouvaient dans la gravité des titanesques secousses géopolitiques le prétexte idéal pour oublier leurs obligations domestiques les plus frustes et néanmoins les plus pressantes en matière de conditions d’existence. Ce que certains n’oubliaient surtout pas en revanche, c’est de piocher à volonté dans les crédits alloués aux divers services publics.

De ce vaste chantier local qui reprend vie, ressort l’éloquente charge symbolique que recèlent les élections municipales dont la première tranche est prévue pour dimanche prochain. Quoi ! un scrutin populaire dans un pays qui demeure techniquement en situation de guerre ? Oui, résolument, et non seulement par attachement viscéral à la démocratie. Non seulement parce que le gouvernement l’avait solennellement promis et qu’il n’accepte d’autre calendrier que le sien propre. Non seulement encore parce que le choix de la bonne gouvernance commence au village, dans la ville, avant que dans les officines de l’État, et que ces municipales peuvent être le prélude à la décentralisation administrative tant souhaitée. Non seulement enfin parce que les citoyens sont moralement tenus d’accompagner eux-mêmes de leurs suffrages l’engagement de réforme et de renouveau contracté par le pouvoir.

Si ces élections sont absolument nécessaires, c’est surtout parce qu’elles relèvent de cette même et singulière philosophie populaire libanaise évoquée plus haut, à cet hymne à la vie inlassablement scandé à la face de l’agression israélienne comme de la sinistre culture du martyre importée d’Iran.

C’est sur cet air qu’il faudra aller voter dimanche.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com 

Il y a quelques années, un ministre libanais parti plastronner au forum économique de Davos poussait la fatuité jusqu’à parler d’enseigner aux dirigeants du monde l’art de gouverner sans devoir s’embarrasser pour cela d’un quelconque budget. Plus cruellement encore que l’ébahissement et les sarcasmes de la journaliste de CNN qui l’interrogeait, c’est le désastre financier du Liban qui, par la suite, lui assénait le contenu d’un seau d’eau glacée sur la tête. Il reste fort heureusement bien d’autres Libanais parfaitement capables et dignes d’en remontrer au reste de la planète. Ce sont tout d’abord, on l’aura deviné, ces citoyens ordinaires qui, guerre après guerre, invasion sur invasion, ont valu à notre peuple et à notre pays une proverbiale réputation de résilience, de vitalité,...