
Le Palais de justice de Beyrouth. Philippe Hage Boutros / L'Orient-Le Jour
Après avoir été visé en octobre dernier par une plainte pour « dissensions confessionnelles » déposée par le cheikh Ali Khatib, vice-président du Conseil supérieur chiite, Mohammad Barakat, fondateur du collectif chiite indépendant « Nahwa al-Inqaz » (Vers le sauvetage), créé en décembre 2024, a lui-même saisi la justice contre le dignitaire religieux. Il a ainsi présenté mardi une requête au parquet de cassation, lui demandant l’ouverture d’une information judiciaire dans laquelle il accuse notamment le cheikh Khatib de « détournement de fonds publics et (d’)occupation illégale d’un bien immobilier ».
La démarche du journaliste et activiste intervient quatre jours après un discours du secrétaire général du Hezbollah, Naïm Kassem, dans lequel il affirme que « les voix discordantes qui accusent à tort et de manière agressive le vice-président du Conseil supérieur chiite ainsi que le Conseil doivent être traduites en justice ».
Mohammad Barakat avait été convoqué en novembre dernier par le chef du parquet de cassation, Jamal Hajjar, sur base de la plainte du cheikh Khatib, à la suite de propos tenus par l’activiste lors d’une émission télévisée sur la chaîne al-Jadeed, le 28 octobre 2024, et que le dignitaire religieux avait perçus comme diffamatoires. Au cours de son intervention, M. Barakat avait affirmé que ce dernier avait fait restaurer quatre immeubles à Hazmiyé (Mont-Liban), l’accusant de « les garder à sa disposition », alors qu’ils peuvent accueillir « 200 familles ». Ses accusations s’inscrivaient dans le contexte de la guerre entre le Hezbollah et Israël, entre octobre 2023 et novembre 2024, qui avait poussé des milliers de Libanais à fuir le Liban-Sud. À l’issue de son interrogatoire, le juge Hajjar l’avait laissé libre, sous caution d’élection de domicile.
« Situation inédite »
Dans son signalement judiciaire présenté mardi, Mohammad Barakat a à nouveau accusé le cheikh Khatib de « s’être installé dans les locaux du Conseil supérieur chiite à Hazmiyé », considérant qu’un tel acte est « illégal » parce qu’« il appartient au wakf chiite, offert à la communauté chiite par l’imam Moussa Sadr ». « Ce bien est réservé aux intérêts publics et à l’investissement, et non destiné à l’usage résidentiel privé de cheikh Ali Khatib ou de toute autre personne », a martelé l’activiste, contacté par L’Orient-Le Jour. « Son utilisation en tant que logement personnel constitue une violation des lois religieuses, juridiques et morales », a-t-il estimé, décrivant cette situation comme « inédite au Liban ou dans toute autre communauté religieuse ».
L’OLJ a tenté sans succès de joindre une source proche du Conseil supérieur chiite. En réponse aux accusations de M. Barakat, en octobre dernier, cette même source avait notamment précisé à notre journal que ce sont des responsables de l’instance religieuse qui avaient demandé au cheikh Khatib, dont le domicile se trouve dans une zone bombardée de la banlieue sud de Beyrouth lors de la récente guerre, d’emménager dans un appartement appartenant au wakf. Sur ce point, Mohammad Barakat réplique qu’une telle demande « ne change rien au caractère infractionnel de l’occupation des lieux ».