« Les entretiens de l’émissaire américaine ont porté sur une intensification et une accélération du travail de l’armée libanaise pour démanteler l’infrastructure militaire du Hezbollah, afin que les armes soient détenues uniquement par l’État, sans fixer de calendrier » (L’OLJ).
On dirait que notre régente, Mme Ortagus, a mis un bémol à son intransigeance et s’est installée dans la realpolitik en écartant le calendrier de désarmement du Hezbollah qui mettrait les autorités libanaises sous pression et face à une possible confrontation menant à une guerre civile.
Comme les discussions se sont déroulées en catimini, la partie libanaise a dû alerter, en toute franchise, la régente sur les risques encourus d’un désarmement forcé et programmé des milices, lesquels ont été détaillés dans notre texte « Sur les dangers d’un désarmement forcé des milices », publié dans cette rubrique.
Il fut donc convenu d’y aller mollo et intelligemment, par étranglement et étouffement graduels : coupure des lignes de ravitaillement (par terre, air et mer) et des sources de financement, démantèlement des réseaux de trafics, de contrebande et de blanchiment d’argent, contrôles frontaliers et douaniers, etc.
C’est par asphyxie qu’on aura raison de ce Léviathan qui a pris des proportions hallucinantes tout au long des décennies de pouvoir absolu, au point de surpasser l’armée nationale en effectifs et en armements. À la différence du Léviathan biblique, qui est un monstre marin symbolisant le chaos, notre Léviathan milicien est plutôt un monstre caverneux. Et pour cause, la dernière guerre nous a révélé l’ampleur de sa monstruosité : des réseaux souterrains ramifiés de dépôts de munitions, roquettes, missiles et drones, de fabriques d’armes, de tunnels... dans et sous les quartiers de la banlieue sud, les villes et villages du Liban-Sud, des localités de la Békaa et autres régions. Le pays était sur un baril de poudre ou, comme on dit en libanais, sur la paume d’un gobelin (aala kaf aafrit).
Comme « à quelque chose malheur est bon » (aussi dévastateur, déplorable et criminel que soit ce malheur), la barbarie sioniste s’est chargée de laminer notre Léviathan. Cependant, celui-ci respire toujours et s’avère encore capable de cracher beaucoup de feu... surtout à l’interne.
En effet, si le parti des enfers avait, aux dires de feu son chef, cent mille combattants avant la dernière guerre, il devrait lui en rester un bon quatre-vingt mille, grosso modo, après la guerre (si l’on soustrayait vingt-mille entre tués et blessés invalides, incluant les victimes des bipeurs). Le Léviathan d’avant-guerre est donc toujours là, quoique affaibli, et capable de nuisance, voire de bouleversements à l’interne, cela outre le soutien de ses acolytes, à savoir les dragons miliciens d’Amal, des factions palestiniennes et autres formations (clans chiites, PSNS, résidus du clan Assad...).
Force est d’admettre qu’une reprise des hostilités avec le génocidaire sioniste, advenant le non-désarmement du Hezbollah dans les délais prescrits par l’accord de cessez-le-feu, serait encore moins dommageable, ou catastrophique, qu’une déflagration civile interne pouvant mener à une conflagration. Cela outre les coûts exorbitants pour l’agresseur israélien qui, après plus d’un an et demi, ne parvient toujours pas à en finir avec l’autre Léviathan de la bande minuscule de Gaza.
Entre deux maux, la sagesse commande donc de choisir le moindre, et c’est d’y aller avec le mode de cuisson « à l’étouffée » pour le désarmement des milices, c’est-à-dire à basse température, à feu doux, pendant une longue durée, plutôt qu’une cuisson précipitée sous pression ou par ébullition qui risque de plonger tout le pays dans l’eau bouillante. C’est seulement ainsi que le Léviathan sera bien « cuit ».
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