
Le groupe de jazz français Ozma sera en tournée au Liban. Photo Ozma.com
C’est le pari de Station Beirut et de son directeur Nabil Canaan pour ce projet qui lui tient particulièrement à cœur et qu’il a dû différer en raison des circonstances dans le pays. Dans son écrin rénové, il offre jeudi soir ce premier photo-concert Crossroads du groupe de jazz français Ozma. Une formation qui occupe la scène depuis 23 ans et qui vient de sortir son huitième album sur lequel il invite l’intelligence artificielle. Un moment qui sera, pour lui au moins, une parenthèse qui foisonne de sentiments dans un monde devenu aphone.
Un groupe globe-trotter qui associe souvent la musique à l’image
C’est autour de moments saisis par cinq photographes, choisis pour leur univers singulier et « parce qu’ils proposent une grande variété de sujets », que la musique de Stéphane Scharlé batteur, compositeur, responsable artistique de la compagnie artistique Tangram basée à Strasbourg en Alsace se déploiera. Les autres membres du quintette sont Édouard Séro-Guillaume à la basse et la composition, Musina Ebobissé au saxophone, Martin Ferreyros à la guitare et Jessica Simon au saxophone. Une musique certes jazz, mais qui va piocher des accents dans de nombreux registres musicaux dont l’électro, la transe et le reggae entre autres. Le tempo est pour l’occasion imposé par la thématique des photos qui rythment même les improvisations inhérentes au jazz.
Crossroads ce photo-concert est en sorte une « exposition animée » dans un format unique « né de l’envie d’aller à la rencontre d’artistes qui raconteront bien mieux que moi leur pays à travers leurs photos », raconte Stéphane Scharlé. Il propose un voyage qui interroge notre monde en constante évolution et incite à l’ouverture aux autres, en accompagnant par exemple la série 1549°C de Mike Zenari photographe qui partage avec Stéphane Scharlé des racines luxembourgeoises et qui illustre le déclin de la sidérurgie dans leur pays. Le clou du spectacle devrait être pour Nabil Canaan le moment consacré aux images poignantes de Leila Alaoui sa fiancée franco-marocaine, photographe militante avec qui il a fondé Station Beirut, qui a été tragiquement tuée lors des attaques de Ouagadougou en janvier 2016 et dont le travail était axé sur l’identité culturelle, la diversité et les migrants.
Autre registre, autre musique pour la fresque mondialement reconnue The Chinese in the Train de Wang Fuchun photographe contrarié interdit d’exercer son art et contraint de devenir contrôleur de train qui s’arme d’un appareil photo et immortalise 40 ans de l’évolution de la société chinoise, lui aussi disparu depuis. Les autres photographes sont Rafs Mayet d’Afrique du Sud dont l’objectif se concentre sur les communautés locales, les rassemblements politiques et les manifestations, et Arko Datto l’Indien qui porte un regard très dur sur le devenir de son pays. Les musiciens du groupe Ozma composent et illuminent chacune des séries photographiques avec leur propre ressenti en opérant de temps en temps des arrêts sur image, qui proposent une respiration dans ce voyage sonore et visuel. Et puis parfois résonnent les voix des photographes, faisant écho à leurs visions et leurs pays à travers des extraits d’interviews recueillies par Ozma lors de leurs rencontres.
Stéphane Scharlé arrivé au Liban en amont a animé avec une dizaine d’artistes libanais de tous horizons artistiques des ateliers dédiés à la création d’un photo-concert « dans le cadre de l’initiative Masar soutenue par l’Institut français du Liban et qui met en avant les musiques actuelles du Liban », explique Nabil Canaan.
Ce concert-photo d’Ozma est en fait un concentré de rencontres avec cet « autre » aujourd’hui craint mais qui quand on s’en rapproche dévoile des richesses inattendues et ouvre des voies nouvelles dignes d’être explorées. Au détour d’un regard, d’une enfance, d’une posture, l’instant se fige, la musique s’improvise pour mieux saisir la fugacité, en somme l’essence de la photographie que la musique ancre dans nos mémoires.
Une production de la compagnie Tangram créée en 2019 avec le soutien de la Fondation Leila Alaoui, la DRAC Grand Est, la région Grand Est, la ville de Strasbourg, l’Adami et le fonds stART-up de l’Œuvre nationale de secours grande-duchesse Charlotte.
Crossroads à Station Beirut jeudi 10 avril.
Institut français de Jounieh vendredi 11 avril.
Stereo Kawalis Tripoli samedi 12 avril.
Portes ouvertes à 21h.
Billets en vente à la librairie Antoine et sur Antoine online ainsi qu’à la porte.
Bravo c"est le LIBAN
11 h 46, le 10 avril 2025