Rechercher
Rechercher

Idées - Point de vue

Nouveau gouverneur de la BDL : un test décisif pour le nouvel exécutif

Nouveau gouverneur de la BDL : un test décisif pour le nouvel exécutif

L'une des entrées secondaires de la Banque du Liban (BDL), quartier Hamra à Beyrouth. Photo Philippe Hage Boutros/L'OLJ

Les Libanais oscillent depuis quelques semaines entre l’espoir prudent suscité par l’arrivée du nouveau pouvoir exécutif et l’accablement lié à la guerre et à l’effondrement économique. Un président défendant la souveraineté, un Premier ministre déterminé à restaurer l’intégrité de l’État et un gouvernement engagé à servir l’intérêt général se trouvent aujourd’hui à un tournant critique. Leurs promesses sont mises à l'épreuve de la nomination d’une personnalité pour gouverner la Banque du Liban (BDL).

Nous exhortons vivement le Conseil des ministres à désigner un(e) gouverneur(e) compétent(e) et intègre. Trop longtemps, la collusion entre la BDL et des intérêts politiques et privés a alimenté la corruption financière, l’enrichissement illicite et une gouvernance désastreuse. L’effondrement économique catastrophique qui a creusé les inégalités et plongé la société dans la pauvreté en est la conséquence.

À lire aussi

Aoun en passe de remporter la bataille pour la tête de la BDL

Cette nomination sera un test décisif de l’engagement du nouvel exécutif à entreprendre une réforme véritable. Va-t-il privilégier le mérite, l’indépendance et l’intégrité ? Ou retomber dans les pratiques de marchandage politique, de népotisme et de gouvernance par la peur qui ont gangrené le pays ? L’orientation de la personne qui dirigera la BDL déterminera non seulement la restructuration financière et monétaire du Liban, mais aussi sa crédibilité sur la scène internationale.

Cette nomination revêt donc une importance stratégique majeure. Le ou la prochain(e) gouverneur(e) contribuera à façonner l’agenda urgent des réformes économiques, servira d’interlocuteur principal du Fonds monétaire international et participera aux négociations de restructuration de la dette souveraine aux côtés du ministère des Finances. Ces discussions viseront autant à stabiliser les engagements externes du Liban qu’à assainir le bilan de la Banque centrale très gravement déficitaire.

Critères de sélection

Le processus de nomination et les critères de sélection sont cruciaux, indépendamment de la personne choisie.

Nous estimons que trois qualifications fondamentales doivent guider le choix du prochain gouverneur :

D’abord, l’intégrité et l'indépendance, le critère de sélection le plus important. Les candidats doivent démontrer un engagement absolu envers l’intérêt général. Ils ne doivent présenter aucun conflit d'intérêt, passé ou présent. Ils doivent également soumettre une déclaration de patrimoine, conformément à la loi sur l’enrichissement illicite, qui devra faire l’objet d’un contrôle rigoureux avant toute nomination définitive.

Ensuite, la compétence. Si l’expertise financière est un atout, une maîtrise approfondie du droit et de la macroéconomique sont tout aussi essentielle l’une que l’autre pour assurer un leadership efficace de la BDL. Le modèle de direction qui a prévalu jusque-là a ignoré le caractère collégial des statuts de l’institution. Une direction efficace repose sur la mobilisation de toutes les compétences au sein de la Banque centrale, qui valorise le rôle des vice-gouverneurs et l’expertise spécialisée des différents départements. Restaurer leur pleine capacité opérationnelle est essentiel pour assurer une prise de décision équilibrée et éclairée.

Enfin, la vision stratégique. Les candidats doivent être évalués non seulement sur leurs compétences, mais aussi sur la solidité des principes qui guideront leur feuille de route stratégique face aux défis à venir. Le ou la futur(e) gouverneur(e) devra restaurer la confiance du public libanais et des partenaires internationaux dans l’intégrité du système financier du pays.

Lire aussi

Réformes administratives et bancaires : face à la diffamation, défendre l’intérêt public

Les priorités de la nouvelle direction de la Banque centrale sont les suivantes:

- Restaurer la crédibilité et l’autorité de la Banque centrale à travers une gouvernance irréprochable.

- Parachever les audits financiers et juricomptables et engager si nécessaire des poursuites contre les auteurs de crimes financiers.

- Restructurer le secteur bancaire en imputant les pertes en cascade en respectant la hiérarchie des créances et en protégeant les actifs publics.

- Travailler à la reconstruction d’un secteur bancaire en mesure de financer l’investissement et la croissance.

- Contribuer à ce que le Liban ne figure plus sur la liste grise du GAFI des pays non coopératifs en matière de blanchiment, lutter contre l’économie illicite, notamment celle alimentée par des acteurs non étatiques.

Redéfinir le rôle de la BDL

Le pouvoir politique est aussi à un tournant. Il faut rompre avec l’idée selon laquelle les décisions économiques et financières du Liban se prennent seulement à la Banque centrale. Le coût des décisions désastreuses de la BDL est incommensurable pour l’ensemble de la société libanaise notamment du fait de la complaisance active des autorités exécutives et législatives qui n’ont pas assumé leurs responsabilités. Il est impératif d’en tirer les leçons afin que tous exercent pleinement leurs fonctions.

Si la BDL préside le processus de restructuration des banques, son champ d’action est limité par les actifs dont elle dispose dans son propre bilan et ceux des banques. L’injection de fonds publics dans ce processus, la restructuration de la dette publique et la rédaction des textes législatifs – toutes des étapes essentielles à la restructuration des banques et des finances publiques – relèvent de la responsabilité du gouvernement et du Parlement.

Le Liban se trouve à un tournant. La nomination d’un(e) gouverneur(e) de la Banque centrale ne relève pas d’une simple décision administrative : elle représente un test de la volonté du nouvel exécutif à rompre avec les pratiques du passé.

Signataires :

Les signataires de cet appel forment un collectif de dirigeants d’organisations signant en leur capacité individuelle et ne soutenant (tout comme leurs organisations respectives) aucun candidat spécifique pour le poste de gouverneur de la BDL.

Sami ATALLAH, Fondateur et directeur The Policy Initiative ; Joseph BAHOUT, Directeur de l'Issam Fares Institute for Public Policy and International Affairs de l'Université Américaine de Beyrouth ; Nadim HOURY, directeur exécutif de l'Arab Reform Initiative ; Diana Menhem, directrice générale de Kulluna Irada ; Fadi Nicholas NASSAR, directeur de l'Institute for Social Justice and Conflict Resolution de l'Université Libano-Américaine ; Makram OUAISS, directeur exécutif du Lebanese Center for Policy Studies (LCPS) ; Nizar SAGHIEH, directeur exécutif de Legal Agenda ; Carine TOHME, présidente du conseil d'administration de l’Association Libanaise pour les Droits et les Intérêts des Contribuables (ALDIC) ; Maha YAHYA, directrice du Malcolm H. Kerr Carnegie Middle East Center.

Les Libanais oscillent depuis quelques semaines entre l’espoir prudent suscité par l’arrivée du nouveau pouvoir exécutif et l’accablement lié à la guerre et à l’effondrement économique. Un président défendant la souveraineté, un Premier ministre déterminé à restaurer l’intégrité de l’État et un gouvernement engagé à servir l’intérêt général se trouvent aujourd’hui à un tournant critique. Leurs promesses sont mises à l'épreuve de la nomination d’une personnalité pour gouverner la Banque du Liban (BDL).Nous exhortons vivement le Conseil des ministres à désigner un(e) gouverneur(e) compétent(e) et intègre. Trop longtemps, la collusion entre la BDL et des intérêts politiques et privés a alimenté la corruption financière, l’enrichissement illicite et une gouvernance désastreuse....
commentaires (0) Commenter

Commentaires (0)

Retour en haut