
Une école endommagée par un tir d'obus venant de la Syrie, à Qasr, dans le Hermel, au Liban, le 13 février 2025. Photo Matthieu KARAM / L'Orient-Le Jour
La commission ministérielle chargée d’examiner les mesures pour sécuriser les frontières et lutter contre la contrebande a recommandé jeudi de « renforcer les capacités de l’armée, en équipements et en hommes, afin de lui permettre de lutter plus efficacement contre la contrebande et d’arrêter les contrebandiers ».
La commission s’est réunie jeudi au Grand sérail sous la présidence du Premier ministre Nawaf Salam, et en présence des ministres des Finances Yassine Jaber, de la Défense Michel Menassa, de l’Intérieur Ahmad Hajjar, de la Justice Adel Nassar, et des Travaux publics Fayez Rassamny. A l’issue de la réunion, la commission a « salué le rôle de l’armée libanaise dans la protection des citoyens ». Les participants ont demandé au ministre de la Défense « de poursuivre les contacts avec son homologue syrien afin de régler les causes des derniers affrontements aux frontières et d’empêcher qu’ils ne se renouvellent ». La commission ministérielle a par ailleurs préconisé la mise en place de la stratégie de gestion intégrée des frontières (IBM, Integrated Border Management), « une nécessité pour suivre efficacement les mesures exécutives par les ministères concernés ».
Par ailleurs, jeudi également, la Croix-Rouge libanaise, accompagnée par l'armée libanaise, a remis aux autorités syriennes la dépouille d'un combattant de l'armée syrienne (ex-Hay’at Tahrir el-Cham, HTC) au poste-frontière de Joussié - Qaa, a rapporté l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). Dimanche, la Croix-Rouge libanaise avait remis aux autorités syriennes trois corps retrouvés près d'un remblai de terre frontalier, au niveau du village de Qasr, via le même point de passage de Joussié.
Les affrontements sur la frontière libano-syrienne, notamment au niveau du Hermel, entre des clans libanais proches du Hezbollah et l’armée syrienne, ont commencé il y a des semaines. Les plus récents ont éclaté dimanche après-midi suite à un incident que la partie libanaise décrit comme une « infiltration » de militaires syriens au Liban, au niveau du village d’el-Qasr, alors que Damas parle d’une embuscade et de la « liquidation » de soldats syriens « par le Hezbollah ». Ce parti a nié toute implication. Des échanges de tirs impliquant l’armée libanaise ont été constatés dans la région. Après de nouveaux affrontements mardi soir, l’armée libanaise s’est déployée mercredi à Hoch el-Sayed Ali, dans le nord de la Békaa, à la frontière avec la Syrie, après le retrait de l'armée syrienne de la localité, et suite à un accord entre Beyrouth et Damas sur un cessez-le-feu.
Nouveaux tirs et appel du Hezbollah à « embrasser » l'armée
Malgré cette trêve, jeudi, des coups de feu ont été tirés depuis la Syrie vers la localité libanaise frontalière de Hoch el-Sayed Ali, dans le nord de la Békaa, pendant les funérailles d’un homme tué lors des affrontements précédents entre des clans libanais et des membres des nouvelles forces de sécurité syriennes. Selon Sarah Abdallah, notre correspondante dans la Békaa, qui a rapporté l'information, les tirs n'ont a priori pas fait de blessés.
C'est dans ce contexte que le député Hussein Hajj Hassan, membre du Hezbollah et président du bloc des députés de Baalbeck-Hermel, a salué le rôle de l'armée libanaise lors des derniers affrontements ainsi que son déploiement à Hoch el-Sayed Ali. Il a appelé les « clans » locaux et les habitants de la région à « embrasser l'armée libanaise et à se tenir à ses côtés, car nous croyons toujours à l'équation de l'armée, du peuple et de la résistance », la résistance faisant référence aux armes du Hezbollah. M. Hajj Hassan a également mis en garde contre les personnes qui tentent de « semer la discorde entre les Libanais et entre le Liban et la Syrie », pointant du doigt « l'ombre des Etats-Unis ». Des vidéos avaient circulé mercredi montrant des habitants de Hoch el-Sayed Ali cracher sur l'armée et l'accuser de « traitrise » lors de son déploiement dans le village.
Une feuille de route pour le retour des réfugiés
Sur un autre plan, le sujet des réfugiés syriens au Liban a été au centre d’une réunion tenue jeudi par la commission parlementaire des Affaires étrangères avec le représentant du Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR) au Liban, Ivo Freijsen.
« L’objectif de cette rencontre avec l’UNHCR aujourd’hui était de discuter du dossier des déplacés, surtout compte tenu du nouveau flux en direction des régions de Baalbeck, du Hermel ou dans le Akkar, en raison des développements en Syrie », a déclaré le député Fady Alamé (bloc du mouvement Amal). Des massacres sur le littoral syrien, qui ont tué plus de 1.200 civils, majoritairement alaouites, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, ont poussé plus de 13.000 Syriens à se réfugier dans les régions libanaises limitrophes de leur pays, notamment dans le Nord et le nord de la Békaa.
Le parlementaire a précisé que la discussion a porté sur les aides en baisse de cette institution en raison du manque de moyens : alors que 800 000 familles profitaient de 145 dollars par mois, ce nombre pourrait être réduit à 200 000 familles bénéficiaires prochainement, ce qui constituerait une pression grandissante sur le Liban et sur les réfugiés eux-mêmes. « L’UNHCR dit que le nombre de ces réfugiés s’est réduit à 1,4 million de personnes après une vague de retours en Syrie, alors que nous les estimons à plus de deux millions », souligne Fady Alamé. Il estime que les raisons politiques de leur présence au Liban n’existent plus, et qu’elles sont remplacées par des raisons économiques.
La commission des AE recommande donc, selon lui, que « les autorités libanaises coordonnent avec les autorités syriennes pour mettre en place une feuille de route visant à accélérer le retour des réfugiés ».