
L'une des entrées secondaires de la Banque du Liban (BDL), quartier Hamra à Beyrouth. Photo P.H.B
Les États-Unis exercent des pressions sur le gouvernement libanais pour le choix du prochain gouverneur de la Banque du Liban (BDL), ont indiqué dimanche cinq sources proches du dossier à l'agence Reuters.
Occupé par intérim depuis un an et demi par Wassim Manssouri, le poste de gouverneur de la banque centrale est au cœur d'intenses négociations depuis l'éviction de Riad Salamé en juillet 2023, écroué en septembre dernier pour des soupçons de corruption et de malversations financières dans l'affaire dite « Optimum Invest ». L'ancien patron de la BDL serait actuellement soigné au centre hospitalier de Bhannès.
Cette implication de Washington dans la sélection de ce poste clé pour la politique monétaire du Liban a pour objectif affiché de « limiter la corruption et le financement illicite du Hezbollah à travers le système bancaire du pays », a affirmé l'une de ces sources à l'agence de presse britannique.
Selon trois sources libanaises, sous couvert d'anonymat, un diplomate occidental et un responsable de l’administration Trump, Washington examine plusieurs profils de candidats potentiels. Ces sources précisent que des responsables américains ont rencontré des postulants à Washington et à l’ambassade des États-Unis à Beyrouth. Les entretiens auraient notamment abordé la question de la lutte contre le financement du Hezbollah grâce au système bancaire libanais et servi à mesurer la volonté des candidats de s’opposer au parti chiite. Le processus pourrait aboutir rapidement : en marge de la visite d'une délégation du Fonds monétaire international (FMI) cette semaine à Beyrouth, le ministre libanais des Finances a assuré que le gouvernement espère trouver un remplaçant d'ici fin mars.
Une liste de successeurs potentiels à Riad Salamé circulait dans les milieux d'affaires libanais avant même que l'ex-gouverneur de la BDL ne soit officiellement démis de ses fonctions. Parmi eux, figurent notamment l’ancien ministre du Travail, Camille Abousleiman, proche des Forces Libanaises (FL), et le directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale au FMI, Jihad Azour, ancien candidat à la présidence, avant l'élection de Joseph Aoun le 9 janvier. Les noms de Firas Abi-Nassif, dirigeant d’une société d’investissement, de Philippe Jabre et de Karim Souhaid, à la tête de leurs propres sociétés de gestion d’actifs, sont également mentionnés pour le poste, comme le rappelle Reuters.
Le département d’État américain, la Maison Blanche et le bureau du Premier ministre libanais n’ont pas souhaité commenter ces informations, précise l'agence, tandis qu'un porte-parole de la présidence libanaise a simplement souligné que le critère essentiel était de choisir « un candidat qualifié ». Cette question du choix du futur gouverneur de la BDL aurait également été abordée lors de discussions entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, selon un diplomate occidental et un responsable de l’administration Trump. Ce à quoi Riyad n’a pas souhaité réagir.
« Un rôle clé dans les futures réformes »
De son côté, une responsable de l’administration Trump a estimé que ces réunions relevaient de la « diplomatie habituelle », mais que Washington insistait sur des critères clairs, dont l'absence totale de liens avec le Hezbollah et aucune implication passée dans des affaires de corruption. « Il faut quelqu’un qui mette en œuvre des réformes et qui refuse de fermer les yeux sur les pratiques habituelles au Liban », a-t-il déclaré.
Cette pression américaine s'inscrit dans un contexte où Washington adopte une politique particulièrement interventionniste à l'égard du Liban, en particulier depuis l'entrée en fonction de l'administration de Donald Trump en janvier. Celle-ci témoigne également de la volonté de la Maison Blanche de continuer à affaiblir le Hezbollah, dont l’influence sur le gouvernement libanais a diminué au sortir des 14 mois de guerre contre Israël.
Par le passé, les États-Unis s'étaient déjà impliqués dans ce dossier en œuvrant pour le maintien en poste de Riad Salamé en dépit de la crise économique et financière qui a frappé le pays de plein fouet en 2019. Une position motivée à l'époque par leur crainte que le Hezbollah et ses alliés mettent la main sur ce poste stratégique, avant de changer de braquet devant la multiplication des affaires judiciaires à l'encontre de l'ancien « magicien de la finance », nommé à la tête de la BDL en 1993.
Le prochain gouverneur aura un rôle déterminant dans la mise en œuvre des réformes économiques et financières promises par le président Joseph Aoun et le Premier ministre Nawaf Salam. Il sera également au cœur de la gestion de l'aide internationale promise pour aider le Liban à financer la reconstruction des régions détruites par 14 mois de guerre et à se relever de l'effondrement économique dans lequel il est longé depuis 2019, avec l'appauvrissement de la majorité des Libanais, la chute de la valeur de la livre libanaise et la paralysie du secteur bancaire.
Le gouvernement libanais cherche désormais à relancer les négociations avec le FMI en vue d’un programme d’aide, mais la mise en place de réformes reste un préalable indispensable pour l'institution monétaire. Plusieurs pays occidentaux et arabes ont également soumis leur soutien financier à cette même condition.
En 2023, le Liban a été placé sur la « liste grise » du Groupe d’action financière (GAFI) pour son incapacité à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Si les US remboursent les déposants, tout le monde sera d’accord avec leur point de vue. En attendant, il faut s’entendre sur une méthode pour définir les responsabilités la repartition des pertes entre l’état, la BDL et les banques. À défaut, cela pourrait être 33% pour chaque partie.
16 h 22, le 17 mars 2025