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Lifestyle - Design

« Saj Voyage », entre création, tradition et galettes dorées

Depuis le lancement de son « saj » en format individuel en 2023, Laetitia Jbeily n’a de cesse de répondre aux nombreuses commandes de ses clients internationaux, tout en préparant une variante inédite pour son produit.

« Saj Voyage », entre création, tradition et galettes dorées

La jeune Laetitia Jbeily, fière de son « saj ». Photo DR

D’une voix chantante, avec la légèreté de son jeune âge, Laetitia Jbeily évoque son parcours avec une énergie solaire. À tout juste vingt-cinq ans, la jeune brune a déjà un parcours bien rempli derrière elle, qu’elle livre d’une manière foisonnante. Après des études à l’ALBA en design de produit, elle se lance dans un stage qui va être déterminant pour sa carrière. « En 2020, j’ai rejoint pendant un an la boîte Bits to atoms à Mkallès, un bureau de design et d’architecture spécialisé dans la 3D, créé par le designer français Guillaume Credoz. Il m’a intégrée à son projet de créer une Paper Chair. Ça m’a passionnée », se souvient-elle. L’idée était de concevoir une chaise entièrement biodégradable. La jeune femme imagine une « recette » pour l’objet et son moule. « J’ai utilisé de la farine, du vinaigre, du sel du charbon, et nous avons fabriqué cet objet, qui a été exposé à la Dubaï Design Week en 2021, puis en 2022 à la Milan Design Week », explique-t-elle fièrement, en évoquant la création grise mouchetée de pointillés noirs et blancs, aux lignes contemporaines.

En juin 2021, Laetitia Jbeily participe à l’exposition « To leave or not to leave », organisée par Guillaume Credoz au Centre culturel français de Beyrouth. « Le thème interrogeait la notion de départ et de retour au pays, au regard des crises qui n’ont cessé de se répéter dans ces années, et qui ont poussé les Libanais à envisager l’exil. J’étais moi-même sur le point de rejoindre Milan pour un master à Politecnico, en design industriel. J’ai naturellement opté pour le volet « to leave » (partir) de l’exposition », raconte-t-elle. Pour travailler le développement de son produit qui incarnerait l’émigration de manière innovante, Jbeily s’est interrogée sur ce que les Libanais emportent avec eux quand ils s’en vont, à savoir du zaatar, des épices, des surgelés pour prendre avec soi les saveurs du pays. « Cela m’a donné l’idée de créer un petit saj, qui a fini par voir le jour après moult croquis, dessins, expérimentations… » confie la créatrice, qui a réalisé ses premiers prototypes dans l’usine de Credoz.

« Au départ, le petit saj était en acier noir, comme sa version originale, puis j’ai ajouté des éléments de design, comme un petit rebord qui permet de maintenir l’excès d’huile », enchaîne-t-elle. Pour déterminer les dimensions de son appareil, elle se rappelle être descendue à la boulangerie en bas de chez elle et avoir mesuré le rayon d’une manouché, à savoir 30 cm.

La forme du mini-saj est celle d’un champignon : la designer a imaginé une base sur laquelle se dépose le dôme de cuisson. « Cela permet que la chaleur ne tape pas directement le dôme, mais qu’elle tourne à l’intérieur de la base, ce qui donne une cuisson idéale », affirme Jbeily après de nombreuses séances de dégustation. « Fais-le » a simplement approuvé son complice Guillaume Credoz. Le produit a connu un grand succès lors de l’exposition, mais le départ pour Milan approchait.

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« Je suis partie quand même en Italie, et j’ai passé deux ans à Milan, avec un stage chez ISOLA, dont la mission est de sélectionner différentes œuvres de design et d’organiser des expositions internationales. Tout en travaillant, je poursuivais mes recherches pour mon petit saj. L’acier noir étant sujet à la rouille, je cherchais une matière qui soit plus adaptée, tout en étant compatible avec l’alimentaire et tout en soignant l’esthétique. C’est en Allemagne que j’ai trouvé le matériau adéquat », précise l’entrepreneuse qui a mené de front ses deux activités pour ne pas renoncer à son mini-saj.

Après plusieurs allers-retours au Liban, elle finit par trouver le graal en rencontrant un artisan libanais qui maîtrise la technique de revêtement en céramique alimentaire, apprise de son père. « Il travaillait dans les revêtements de poêles, de cafetières et autres ustensiles, mais il avait arrêté de travailler à cause de la crise économique. Je lui ai présenté mon projet et je l’ai encouragé à installer pour moi un petit four afin de confectionner mes produits. Il a fini par accepter ! » raconte-t-elle joyeusement. « Je suis allée faire un master de design industriel ailleurs et j’ai lancé un business complètement artisanal au Liban ! »

Aujourd’hui, onze artisans participent à la fabrication d’une seule pièce. « Mes parents, qui sont tous les deux architectes m’aident aussi, et je coordonne l’ensemble ! » La maîtrise des réseaux sociaux l’a aidée à faire connaître son projet . « Mon business a rapidement décollé. La vente de mon premier saj date du 15 décembre 2022, je fête cet anniversaire chaque année », confie-t-elle. En mai 2023, Leatitia Jbeily décide de rentrer au Liban afin de mieux suivre le développement de son produit, dont elle n’avait pas anticipé la rapidité.

Un « saj » multifonctionnel. Photo DR

« Manouché » , « knéfé » et autres perspectives

Les clients de Saj Voyage sont internationaux à 90 %, essentiellement d’Amérique, d’Australie, des pays du Golfe et d’Europe. « Je travaille avec DHL pour leur acheminement, et j’en expédie tous les jours. Je vends aussi mon produit au Liban, surtout pour les expatriés, au moment de Noël et de l’été. Les résidents au Liban optent pour mon produit parce qu’ils sont attirés par son design, sa fonctionnalité ou son originalité. S’ils ont envie de manger une manouché, ils descendent au furn (boulangerie), c’est bien plus simple ! » précise-telle. Business familial oblige, la mère de Laetitia Jbeily commercialise aussi le produit de sa fille dans sa boutique de souvenirs à Dekouané, Marktem.

Résultat, plus de 3 000 sajs déjà vendus et un certain nombre de projets à venir. « On me demande une version familiale du saj, je suis en train de travailler là-dessus, ainsi que sur une variante du saj actuel. J’ai conçu un plateau destiné à la cuisson de la knéfé que l’on peut installer à la place du dôme du saj. Il sera lancé d’ici à une semaine et pourra être choisi en plus du kit saj, pour en diversifier l’usage », annonce-t-elle. Il s’agit donc, tout comme pour la manouché, de permettre aux gens de faire de la knéfé plus facilement à la maison.

En avril 2024, Saj Voyage a gagné le prix Horeca innovation, le plus grand salon annuel libanais dédié à l’hôtellerie, la restauration et l’alimentation. Les réjouissances ne s’arrêtent pas là. « J’aime le fait de bien connaître les artisans avec lesquels je travaille. L’un d’eux m’a raconté récemment que grâce à son engagement avec nous, il gagne mieux sa vie. Il était fier de me dire qu’il a même pu avancer la scolarité du fils de son ami. Ce sont des histoires qui nous poussent à continuer et à produire au Liban ! »

Laeticia Jbeily fera une présentation de son Saj Voyage le 3 avril à 11 heures à la Middle East University à Jdeidé.

Instagram: laetitia.dsgn

D’une voix chantante, avec la légèreté de son jeune âge, Laetitia Jbeily évoque son parcours avec une énergie solaire. À tout juste vingt-cinq ans, la jeune brune a déjà un parcours bien rempli derrière elle, qu’elle livre d’une manière foisonnante. Après des études à l’ALBA en design de produit, elle se lance dans un stage qui va être déterminant pour sa carrière. « En 2020, j’ai rejoint pendant un an la boîte Bits to atoms à Mkallès, un bureau de design et d’architecture spécialisé dans la 3D, créé par le designer français Guillaume Credoz. Il m’a intégrée à son projet de créer une Paper Chair. Ça m’a passionnée », se souvient-elle. L’idée était de concevoir une chaise entièrement biodégradable. La jeune femme imagine une « recette » pour l’objet et son moule. « J’ai...
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