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Moyen-Orient - Syrie

La Russie parie sur le maintien de ses bases militaires en Syrie

La dernière rencontre entre officiels syriens et russes à Damas se serait déroulée « sans heurts ».

La Russie parie sur le maintien de ses bases militaires en Syrie

Un véhicule de combat d’infanterie faisant partie d’un convoi militaire russe se dirigeant vers la base aérienne de Hmeimim, près de Lattaquié, sur la côte syrienne, le 14 décembre 2024. Umit Bektas/Reuters

Pendant des années, les soldats de la base aérienne russe de Hmeimim, au sud de Lattaquié, circulaient librement dans les villes côtières syriennes, d’où leurs avions de combat décollaient pour bombarder les rebelles qui combattaient le régime de Bachar el-Assad. Mais depuis la chute du régime, tant à Hmeimim qu’à la base navale de Tartous, datant de l’ère soviétique et située 60 km au sud, ce sont désormais de petits groupes d’anciens rebelles qui montent la garde à l’entrée des deux complexes. « Ils (les Russes) doivent nous informer avant de partir », déclare l’un des gardes ayant requis l’anonymat.

L’avenir des bases, essentielles à la présence militaire de la Russie au Moyen-Orient et en Afrique, est depuis près de trois mois entre les mains du président intérimaire syrien, Ahmad el-Chareh, qui souhaite renégocier le généreux bail de 49 ans accordé sous le régime Assad pour la base de Tartous et le bail illimité pour celle de Hmeimim afin d’obtenir de meilleures conditions, sans pour autant vouloir expulser les Russes de son territoire.

Au contraire, il apparaît que ces bases pourraient constituer une monnaie d’échange dans l’optique d’un soutien diplomatique et d’une compensation financière de la Russie, profondément impliquée dans l’économie et la défense syriennes depuis sept décennies, et ce bien avant son intervention dans la guerre civile en 2015 qui a contribué à maintenir Bachar el-Assad au pouvoir pendant des années. Depuis sa chute, l’ex-président syrien se trouve avec sa famille en Russie, après sa fuite le 8 décembre dernier via la base de Hmeimim.

Un rapprochement mutuellement bénéfique

Huit sources syriennes, russes et diplomatiques, ayant requis l’anonymat, ont été interrogées. Elles ont révélé des détails inédits sur la première rencontre de haut niveau entre Ahmad el-Chareh et un émissaire envoyé par le président Vladimir Poutine. Parmi les sujets abordés figuraient des interrogations sur des milliards de dollars de dette syrienne auprès de la Russie, l’avenir de Bachar el-Assad et le rapatriement de fonds syriens supposément déposés en Russie.

Mettre fin à l’hostilité entre les deux pouvoirs offre des avantages aux deux parties. Malgré l’allègement de certaines sanctions européennes et américaines contre la Syrie, les restrictions restantes compliquent les affaires du nouveau régime dans un pays ravagé et appauvri par la guerre, et où le rétablissement des approvisionnements traditionnels russes en armes, carburant et blé pourrait être vital pour ses 23 millions d’habitants.

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« Les dirigeants syriens sont prêts à faire la paix, même avec leurs anciens ennemis », a confié un diplomate basé à Damas. « Moscou a encore des choses à offrir à la Syrie et reste une puissance trop influente pour être ignorée », abonde Anna Borshchevskaya du Washington Institute. « La Russie a simplement besoin d’un gouvernement à Damas qui garantisse ses intérêts, et elle est prête à conclure un accord avec lui », ajoute-t-elle.

Un responsable des Nations unies a par ailleurs affirmé que la Russie n’avait pas encore exporté de céréales vers la Syrie sous la nouvelle administration dirigée par Ahmad el-Chareh, mais que la donne pourrait changer dans le cadre des négociations en cours.

De son côté, le président américain Donald Trump est resté discret sur la Syrie depuis son entrée en fonctions, alors qu’il cherche à réchauffer les relations entre Washington et Moscou, notamment après avoir suspendu l’aide militaire américaine en faveur de l’Ukraine. Ainsi, un porte-parole du département d’État a soutenu que Bachar el-Assad parti, la Syrie avait « l’opportunité de ne plus être dominée et déstabilisée par l’influence iranienne ou russe ». Il reste qu’Israël souhaiterait en revanche que la Russie maintienne sa présence dans ce pays pour contrer l’influence turque, très active dans plusieurs milieux de la rébellion syrienne, dont Hay’at Tahrir el-Cham (HTC), récemment dissoute.

Des intérêts stratégiques communs

Dans une interview donnée à la chaîne saoudienne al-Arabiya en décembre, Ahmad el-Chareh avait reconnu que la Syrie et la Russie partageaient des « intérêts stratégiques ». Sous l’ère Assad, Moscou avait largement équipé et fourni des munitions à l’armée syrienne aujourd’hui démantelée. Il avait aussi financé des infrastructures-clés comme des centrales électriques et des barrages.

Aussi, pendant le round de tractations organisé à Damas le 29 janvier, Ahmad el-Chareh a-t-il demandé l’annulation des prêts contractés auprès de la Russie sous le régime précédent, selon deux sources concordantes. Avant la guerre, la Syrie était largement libre de dette étrangère, mais elle doit aujourd’hui entre 20 et 23 milliards de dollars, selon le nouveau ministre syrien des Finances Mohammad Abazid, qui n’a pas précisé la part due à Moscou.

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Au cours de cette rencontre, qui a duré trois heures et à laquelle a assisté le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, les responsables syriens ont également abordé un autre point-clé : le retour de Bachar el-Assad en Syrie. Ce sujet n’aurait toutefois été évoqué qu’en marge des discussions, d’après une source proche des pourparlers, qui suggère qu’il ne s’agissait pas d’un obstacle majeur à la normalisation des relations. Jusqu’à présent, Moscou a exclu toute extradition de l’ancien président et indique ne pas avoir reçu de demande en ce sens, a précisé une source russe haut placée.

Le dirigeant syrien a par ailleurs exigé le rapatriement des fonds syriens que son gouvernement soupçonne avoir été déposés en Russie par le pouvoir précédent. Mais la délégation russe dirigée par M. Bogdanov a démenti l’existence de tels fonds, selon un diplomate russe en poste en Syrie. 

Corriger les erreurs du passé

Interrogé mardi sur l’avancée des discussions au sujet des bases militaires russes, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a affirmé que Moscou « poursuit ses contacts avec les autorités syriennes » et que le travail entre les deux gouvernements « suit son cours ». Sergueï Markov, ancien conseiller du Kremlin, a estimé ce mois-ci que la situation semblait favorable à Moscou : « Les nouvelles autorités syriennes ne considèrent pas la Russie comme un pays hostile. Mais le Kremlin devra faire des concessions en échange de ces bases », a-t-il écrit sur la plateforme Telegram.

Dans un communiqué publié après la réunion du 29 janvier, le gouvernement syrien a précisé avoir insisté sur la nécessité de « corriger les erreurs du passé » et exigé des « compensations » pour les destructions causées par la Russie durant la guerre, alors que le coût de la reconstruction est estimé à 400 milliards de dollars, selon la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale (Escwa).

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Selon une source proche du dossier, la Russie refuse d’assumer cette responsabilité, mais pourrait proposer une aide humanitaire, suggérant d’utiliser les bases de Tartous et Hmeimim comme des centres de distribution de cette aide. Toutefois, un responsable onusien a indiqué ne pas avoir vu de telles initiatives mises en œuvre depuis décembre dernier.

Malgré ces points de litige, la rencontre syro-russe s’est déroulée « sans heurts », selon toutes les sources interrogées, alors que le premier appel téléphonique direct entre Ahmad el-Chareh et Vladimir Poutine passé il y a deux semaines avait été jugé « constructif » par le Kremlin. Le président russe avait même adressé « une invitation officielle au ministre syrien des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, pour une visite en Russie », selon la présidence syrienne.

Pendant des années, les soldats de la base aérienne russe de Hmeimim, au sud de Lattaquié, circulaient librement dans les villes côtières syriennes, d’où leurs avions de combat décollaient pour bombarder les rebelles qui combattaient le régime de Bachar el-Assad. Mais depuis la chute du régime, tant à Hmeimim qu’à la base navale de Tartous, datant de l’ère soviétique et située 60 km au sud, ce sont désormais de petits groupes d’anciens rebelles qui montent la garde à l’entrée des deux complexes. « Ils (les Russes) doivent nous informer avant de partir », déclare l’un des gardes ayant requis l’anonymat.L’avenir des bases, essentielles à la présence militaire de la Russie au Moyen-Orient et en Afrique, est depuis près de trois mois entre les mains du président intérimaire syrien, Ahmad el-Chareh,...
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La Russie a le vent en poupe actuellement et Poutine se sent lui pousser des ailes avec l’appui inespéré de celui qui prétend défendre la démocratie dans le monde en donnant la possibilité à un dictateur d’asservir des peuples et des états souverains pour conclure des affaires juteuses avec lui et se partager la richesse du nouveau monde. On se demande où sont passés les élites de ce monde qui rasent les murs et courbent l’échine alors que le monde est en train de basculer dans le néant?

Sissi zayyat

11 h 05, le 06 mars 2025

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  • La Russie a le vent en poupe actuellement et Poutine se sent lui pousser des ailes avec l’appui inespéré de celui qui prétend défendre la démocratie dans le monde en donnant la possibilité à un dictateur d’asservir des peuples et des états souverains pour conclure des affaires juteuses avec lui et se partager la richesse du nouveau monde. On se demande où sont passés les élites de ce monde qui rasent les murs et courbent l’échine alors que le monde est en train de basculer dans le néant?

    Sissi zayyat

    11 h 05, le 06 mars 2025

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