À la conférence de paix de Paris sur la Première Guerre mondiale, le 27 mai 1919 (de gauche à droite) : le Premier ministre britannique David Lloyd George, le Premier ministre italien Vittorio Emanuele Orlando, le Premier ministre français Georges Clemenceau, le président des États-Unis, Woodrow Wilson. Photo Edward N. Jackson (US Army Signal Corps)/Wikipedia
Quatre figures majeures ont joué un rôle crucial lors de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale : Woodrow Wilson, président des États-Unis (1913-1921), Winston Churchill, Premier ministre britannique (1940-1945, 1951-1955), Franklin D. Roosevelt, président des États-Unis (1933-1945) et Charles de Gaulle, président français (1959-1969) et chef de la France libre. Bien que ces dirigeants soient vénérés pour leurs réalisations, il est important d’examiner les aspects complexes et controversés de leur héritage afin de mieux comprendre leur véritable impact sur le cours de l’histoire.
Alors que l’Europe était déchirée par la Première Guerre mondiale, principalement en raison d’ambitions expansionnistes, l’intervention des États-Unis sous la direction de Woodrow Wilson apporta une nouvelle perspective, motivée par une vision idéaliste. Ses Quatorze Points de 1918 reflétaient son souci de promouvoir la paix et le droit des peuples à l’autodétermination. Le Comité King-Crane, chargé de recueillir les aspirations des populations du Proche-Orient, souligna l’importance du respect de la volonté des peuples, bien que ses recommandations n’aient finalement pas été mises en œuvre. Lors de la conférence de paix de Versailles, Wilson s’efforça de concrétiser sa vision en créant la Société des nations, une organisation internationale conçue pour préserver la paix.
Woodrow Wilson, tout en prônant des idéaux de paix et d’autodétermination, a cependant souvent laissé transparaître un racisme et un interventionnisme marqués dans ses politiques. Il a soutenu la ségrégation raciale aux États-Unis et pratiqué la « diplomatie de la canonnière » en Amérique latine. Bien que ses réformes économiques aient laissé une empreinte durable, Wilson a réprimé les mouvements sociaux, comme les grèves des cheminots de 1919. Après avoir initialement rejeté les mouvements des suffragettes, il a fini par soutenir leur cause, mais seulement après que ces dernières eurent organisé des manifestations et que certaines aient été arrêtées, entamant, suite à cela, des grèves de la faim.
La Seconde Guerre mondiale se distingue de la Première par un affrontement idéologique. D’un côté, les Alliés, dirigés par la Grande-
Bretagne, la France, et plus tard les États-Unis, défendent des valeurs démocratiques et libérales, mais se voient contraints, par nécessité stratégique, de s’allier à l’Union soviétique. De l’autre, les puissances de l’Axe, comprenant l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste et le Japon impérial, incarnent des idéologies totalitaires, racistes et expansionnistes. Ces régimes visent à imposer un nouvel ordre mondial fondé sur la domination raciale et nationale, n’hésitant pas à recourir à la violence, à la terreur, aux génocides et aux crimes contre l’humanité pour atteindre leurs objectifs.
Winston Churchill, Charles de Gaulle et Franklin D. Roosevelt, grâce à leur rôle déterminant dans la victoire alliée, sont devenus des figures emblématiques de la défense des libertés et des valeurs démocratiques. Toutefois, leur profil correspond-il vraiment au rôle que l’histoire leur attribue, ou étaient-ils, en priorité, motivés par le désir de protéger leurs nations et leurs intérêts face à la menace que représentait Hitler et tout ce qu’il incarnait ?
Initialement favorable à l’apaisement, Churchill devint un ardent opposant à la menace nazie après l’annexion de l’Autriche par Hitler en 1938. Il critiqua vivement l’accord de Munich du 30 septembre par lequel Neville Chamberlain céda les Sudètes moyennant une paix illusoire. Sa phrase célèbre, « Vous aviez le choix entre le déshonneur et la guerre ; vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre », reflète sa conviction que seule une résistance ferme pouvait stopper Hitler.
Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, Churchill, visionnaire éclairé, s’est farouchement opposé aux nazis, jouant un rôle crucial dans la victoire alliée. Cependant, il partageait également des croyances en la supériorité de la race blanche. Ses propos sur les peuples qu’il considérait comme « non civilisés » – notamment les Arabes, les Afghans et les Indiens – sont particulièrement révélateurs. Il qualifia, par exemple, les Indiens de « peuple bestial avec une religion bestiale » et se moqua de leur aspiration à l’indépendance en les appelant des « macaques ». Il avoua également ne pas aimer les « moricauds » et les « nègres » et exprima des opinions méprisantes à l’égard de la Chine.
En 1920, Churchill ordonna l’utilisation de gaz toxique contre les rebelles kurdes en Irak, justifiant cette action par leur qualification de « tribus non civilisées ». Par ailleurs, Churchill exploita les colonies jusqu’à l’épuisement, notamment lors de la grande famine du Bengale de 1943 qui causa la mort de deux à quatre millions de personnes. Cette famine a été le résultat des réquisitions massives des ressources alimentaires et des moyens de transport par les autorités britanniques, dans le but d’affamer et d’encercler les Japonais en cas d’invasion et de soutenir l’armée et le peuple britanniques au détriment des populations locales. Malgré l’ampleur de la catastrophe, Churchill refusa de leur fournir une quelconque aide. De plus, minimisant les ravages de la rougeole chez les populations noires, il affirma que « leur taux de reproduction était très élevé ». Ce ne sont là que quelques exemples parmi d’autres.
Bien que Churchill n’ait pas élaboré une doctrine raciale aussi systématique que celle de Hitler, son approche peut tout de même être qualifiée de globalement raciste, même si ses opinions ont évolué et se sont nuancées par la suite, au fil du temps.
Après Churchill, Charles de Gaulle, figure emblématique de la Résistance française, incarna la lutte contre l’occupation allemande. Son célèbre « Non ! » aux envahisseurs nazis l’a inscrit dans l’histoire. À la tête de la France Libre, il unifia les efforts militaires avec les Alliés, jouant un rôle déterminant dans la libération de la France et la victoire finale contre les forces de l’Axe.
Cependant, Charles de Gaulle reste une figure controversée. Sa vision de l’identité française a parfois été critiquée pour son ethnocentrisme. Il associait la France à une certaine homogénéité raciale, évoquant la « race blanche ».
Il nous faut toutefois reconnaître que bien que de Gaulle ait initialement soutenu la colonisation, son pragmatisme l’a conduit à reconnaître l’inévitabilité des mouvements d’indépendance. Sa politique de décolonisation a permis, certes, à de nombreux pays africains d’accéder à l’indépendance ; cependant les relations postcoloniales, marquées par la Françafrique, sont souvent restées, côté français, empreintes d’un esprit d’exploitation de ces pays. Par ailleurs, il nous faut mentionner l’affaire des harkis, ces soldats algériens ayant servi la France pendant la guerre d’Algérie. Abandonnés par l’armée française lors du retrait d’Algérie, les harkis n’ont pas été autorisés à être rapatriés en France comme les Européens ou les juifs, bien que l’accord d’Évian leur ait accordé ce droit. Accusés de trahison, entre 30 000 et 80 000 harkis et leurs familles furent torturés et massacrés par le FLN en mars 1962.
Face aux événements de mai 68, de Gaulle adopta une ligne dure, réprimant les manifestations, notamment par la fermeture de la Sorbonne le 3 mai, ce qui entraîna des affrontements violents, avec 422 arrestations et plus de 300 policiers blessés. Georges Pompidou, alors Premier ministre, quant à lui, opta pour une approche plus pacifique, entamant un dialogue visant à répondre aux revendications des étudiants et des ouvriers.
Sous la présidence de Franklin D. Roosevelt, l’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale fut motivée par plusieurs facteurs-clés : la menace croissante du régime nazi en Europe, l’expansionnisme agressif du Japon, notamment avec l’attaque de Pearl Harbor en 1941. Cette décision a marqué un tournant décisif dans le conflit mondial.
Toutefois, le mandat de Roosevelt ne manque pas, à son tour, de zones d’ombre. Pendant la guerre avec le Japon, la décision d’internement des Japonais-Américains a gravement compromis les libertés civiles. De plus, la politique américaine vis-à-vis des réfugiés juifs pendant la Shoah et l’absence d’action décisive face à l’Holocauste sont, elles aussi, sujettes à caution.
Roosevelt avait également envisagé d’imposer à la France, ainsi qu’aux futurs vaincus comme l’Italie, l’Allemagne et le Japon, un statut de protectorat qui aurait aboli, les concernant, toute souveraineté. La France aurait alors été contrainte de céder aux États-Unis son empire, riche en matières premières et en bases stratégiques. Cependant, le rôle de De Gaulle et de la résistance française ont empêché la réalisation de ce plan.
Les comportements de ces dirigeants, souvent marqués par le racisme, l’expansionnisme et le colonialisme, reflètent les idéologies dominantes de leur époque. Ces convictions, profondément enracinées dans la culture d’une grande partie de la population européenne, ont eu des répercussions dévastatrices sur les peuples du monde entier, notamment à travers la colonisation. Les ombres du racisme, du nationalisme et de l’impérialisme continuent d’affecter notre monde aujourd’hui.
Architecte D.P.L.G.
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