
Le nouveau ministre des Finances, Yassine Jaber. Photo tirée du site du ministère des Travaux publics et des Transports
Le nouveau ministre des Finances, Yassine Jaber, a assuré samedi qu'il n'avait pas l'intention de « bloquer » le travail du gouvernement, contrairement aux inquiétudes des responsables politiques qui craignaient l'attribution de ce portefeuille à un proche du tandem chiite Amal-Hezbollah.
« Il n'y aura pas de blocage, en ce qui concerne la signature du ministre des Finances. Au contraire, le but est de faciliter le travail pour mettre des réformes en place (...) Je ne vais pas bloquer (le gouvernement), j'espère que tous les collègues faciliteront aussi le travail », a déclaré M. Jaber, lors d'un entretien avec la chaîne locale al-Jadeed.
Yassine Jaber a obtenu ce portefeuille après l'insistance du président du Parlement, Nabih Berry, dont il a toujours été proche au cours de sa carrière politique, sans jamais rallier le mouvement Amal. « J'ai toujours été indépendant, je ne suis membre d'aucun parti », a déclaré le ministre, tout en reconnaissant avoir fait partie du bloc berryste au Parlement. « Je fais partie de cette base populaire (du tandem chiite, NDLR), je suis issu du Sud et de Nabatiyé », a-t-il rappelé.
L’insistance du tandem chiite à obtenir le ministère des Finances s'explique par le fait que ce portefeuille incarne la fameuse « quatrième signature ». Pour rappel, les décrets doivent être contresignés par le président de la République, le chef du gouvernement et le ou les ministre(s) concerné(s). Or le ministère des Finances est celui qui est le plus concerné par la plupart des décrets, dans la mesure où il existe souvent un volet financier dans les actes gouvernementaux. Cette « quatrième signature » permet donc aux chiites de disposer d’un levier de contrôle (et de blocage) sérieux sur l’action du pouvoir exécutif, que leur dénient la Constitution et les règles coutumières.
M. Jaber a été nommé en 1995 ministre de l’Économie et du Commerce dans le gouvernement de Rafic Hariri et reconduit à ce poste jusqu’en 1998. Il a ensuite été nommé ministre des Travaux publics et des Transports entre 2004 et 2005 au sein du gouvernement de Omar Karamé.
« Ne pas tirer un trait sur les dépôts »
Revenant sur le secteur bancaire et la crise qui oppose les déposants aux banques, le nouveau ministre des Finances a déclaré que « le Liban ne peut pas tirer un trait sur les dépôts des épargnants (bloqués dans les banques depuis le début de la crise économique en 2019, NDLR) ». « La solution doit commencer par la Banque du Liban (BDL) », a-t-il ajouté. Il a par ailleurs rappelé que le pays doit entamer des négociations avec la Banque mondiale et désigner un nouveau gouverneur pour la BDL.
Ces propos ont été salués dimanche par la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, qui a fait du dossier de l'ancien gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, et des nombreuses malversations financières qui lui sont attribuées, son cheval de bataille. « J'ai écrit à la banque centrale depuis plus d'un an pour connaître le devenir des 8 milliards de dollars dans l'affaire Optimum, une somme qui équivaut à toutes les commissions touchées par la banque centrale dans ses opérations avec la société Optimum (...) La solution est d'ouvrir tous les cahiers de la Banque du Liban et de tout exposer », a-t-elle écrit sur le réseau X.
L'ancien patron de la BDL avait été arrêté en septembre dernier dans le cadre de l'affaire du « compte de consultations » de la BDL, connue sous le nom d'Optimum Invest, une société de courtage basée au Liban. Riad Salamé est vraisemblablement impliqué dans des virements bancaires de 44 millions de dollars vers des comptes privés, et il rejette toutes ces accusations.
Berry a obtenu "son" ministre des Finances en échange de la promesse que celui-ci n’userait pas de son droit de veto. Espérons que la parole de Jaber a plus de valeur que celle de son patron. On se souvient qu’à Doha, le tandem-Amal-Hezbollah at consorts avait obtenu le tiers de blocage, à condition de ne pas démissionner (ce qui provoque, automatiquement, la démission du gouvernement". Ils ont promis de ne pas le faire… et ils l’ont fait!
08 h 00, le 10 février 2025