
La Première ministre italienne Giorgia Meloni lors d'une réunion à Beyrouth, le 18 octobre 2024. Photo REUTERS/Mohamed Abd El Ghany/File Photo
La Première ministre italienne Giorgia Meloni est actuellement sous le coup d'une enquête liée à l'affaire de la libération d'un officier libyen recherché par la CPI. Quel est le contexte de cette affaire et quelles sont les prochaines étapes possibles ?
Qui est le Libyen au cœur de ce scandale ?
Oussama Elmasry Njeem est un général de brigade de la police judiciaire libyenne. La Cour pénale internationale (CPI) affirme qu'il était également responsable des prisons de Tripoli. Dans un communiqué du 22 janvier, la CPI a déclaré que M. Njeem était soupçonné de crimes contre l'humanité et crimes de guerre, notamment de meurtre, torture, viol et violences sexuelles commis en Libye à partir de février 2015. Un certain nombre de ses victimes présumées seraient des migrants. Selon la CPI, il aurait bénéficié de l'assistance de la Force de dissuasion spéciale, l'une des principales factions armées de Tripoli. M. Njeem n’a pas publiquement commenté les accusations portées contre lui.
Pourquoi l'Italie l'a-t-elle arrêté ?
Les documents de la CPI montrent que ses procureurs ont demandé un mandat d’arrêt sous scellés le 2 octobre 2024. Celui-ci n’a été accordé par les juges que le 18 janvier. À ce moment-là, la Cour savait que le responsable libyen se trouvait en Italie pour assister à un match de football entre la Juventus et l'AC Milan, après avoir passé près de deux semaines en Allemagne, en France et en Belgique. La CPI a alors informé les autorités italiennes et M. Njeem a été arrêté dans son hôtel à Turin tôt le 19 janvier.
Et pourquoi a-t-il été relâché ?
Le gouvernement l'a libéré soudainement le 21 janvier pour des raisons de procédure, les policiers qui l'avaient arrêté n’ayant pas informé le ministère de la Justice, selon les autorités italiennes. Toutefois, une source judiciaire a confié à Reuters qu'il s'agissait d'une simple formalité qui aurait pu être facilement résolue.
M. Njeem a immédiatement été mis à bord d’un avion gouvernemental et renvoyé en Libye. Le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Piantedosi, a justifié cette décision en affirmant qu’il représentait un danger pour la société.
Les critiques suggèrent toutefois que le gouvernement l’a libéré pour ne pas compromettre ses relations avec les forces de sécurité libyennes, qui jouent un rôle clé dans la lutte contre l'immigration clandestine vers l'Italie. Le gouvernement a démenti toute motivation politique derrière cette décision.
Qui a pris la décision de le libérer ?
Le ministre Piantedosi a déclaré que la Cour d’appel de Rome avait ordonné la libération de M. Njeem en raison d’un vice de procédure lors de son arrestation. Cependant, il est inconcevable qu’une telle décision ait été prise sans l’aval du gouvernement. Cela dit, rien n’indique que Mme Meloni elle-même ait été directement impliquée dans cette affaire, d’autant plus qu’elle se trouvait à Washington pour assister à l’investiture du président américain Donald Trump le 20 janvier.
Pourquoi les procureurs romains se sont-ils saisis de l'affaire ?
Un avocat romain Luigi Li Gotti a déposé une plainte demandant l'ouverture d'une enquête sur un possible traitement de faveur accordé à M. Njeem ainsi que sur un possible détournement de fonds publics lié à son rapatriement sur un avion d’État. Il a nommément cité dans sa plainte Mme Meloni, le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Justice Carlo Nordio et le sous-secrétaire du gouvernement chargé des services de renseignement, Alfredo Mantovano.
Me Li Gotti n’a fourni aucune preuve de méfait, mais a joint à sa plainte des articles de presse sur l’affaire. En vertu de la loi italienne, les procureurs ouvrent généralement une enquête après une telle demande, sauf si elle est manifestement infondée.
Pourquoi cette affaire a-t-elle irrité le gouvernement italien ?
Les ministres estiment qu’il n’y avait aucune raison d’ouvrir une enquête. Les soutiens de Mme Meloni accusent le procureur en chef de Rome d’avoir politisé l’affaire et affirment que cela s’inscrit dans une lutte plus large entre les magistrats et le gouvernement concernant une réforme judiciaire prévue qui doit remanier le système judiciaire italien.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Les procureurs de Rome ont transmis le dossier à la Cour des ministres, composée de juges tirés au sort. Cette cour a le pouvoir d’enquêter sur les ministres, de les interroger et d’exiger des documents officiels. Elle dispose de 90 jours pour examiner le dossier et rendre ses conclusions. À ce stade, elle peut décider de classer l’affaire ou de renvoyer les documents au parquet, en recommandant que l’enquête se poursuive.
Si, en fin de compte, le parquet décide de poursuivre Mme Meloni en justice, le Parlement devra voter pour décider s’il autorise ou non un procès. La Première ministre dispose d’une solide majorité dans les deux chambres, ce qui réduit la probabilité d’une autorisation.
Ce repère est une traduction, réalisée par L'Orient-Le Jour, d'un article publié en anglais par l'agence Reuters.