
Les 14 membres du conseil d’administration de l’Association des banques du Liban (ABL) après les deux assemblées générales le 29 janvier 2025. Photo fournie par l’ABL
Il ne devait pas y avoir de surprise, et il n’y en a pas eu. En moins de deux heures, l’Association des banques du Liban (ABL) a amendé mercredi ses statuts, puis reconduit son président, Salim Sfeir, et son conseil d’administration en y ajoutant deux nouveaux membres.
Les membres de l’ABL se sont réunis à 12h30 pour une assemblée générale extraordinaire, afin d’amender les statuts, à la majorité des deux tiers, de manière à élargir le conseil d’administration et à autoriser le président, le PDG de la Bank of Beirut, Salim Sfeir, à briguer un troisième mandat, rapporte un communiqué relayé par l’Agence nationale d’information (ANI, officielle),
Cette première réunion a été suivie par une assemblée générale ordinaire au cours de laquelle l’ABL a approuvé son rapport annuel pour 2023, qui a mis du temps à être audité, selon une source de l’association, avant d’approuver ses comptes pour la même année et son budget pour 2025, puis de plébisciter les 14 candidats aux 14 sièges à pourvoir.
Aux côtés de Salim Sfeir, l’ABL a reconduit Abdel Razzak Achour (Phoenicia Bank), Ghassan Assaf (BBAC), Saad Azhari (Blom Bank), Semaan Bassil (Byblos Bank), Khalil Debs (Bank Audi), Raya el-Hassan (Bankmed), Nadim Kassar (Fransabank), Tanal Sabbah (Lebanese Swiss Bank), Antoun Sehnaoui (SGBL), Joseph Torbey (Crédit Libanais) et Walid Raphaël (BLF).
Représentants des petites banques
Marwan Kheireddine (AM Bank) et Raëd Khoury (Cedrus Bank) occupent désormais les deux sièges supplémentaires, pour lesquels ils militaient, afin d’augmenter la représentation d’un groupe comptant une quinzaine de petites banques au sein du conseil d’administration de l’ABL.
L’intégration de ces deux sièges a été au centre de tractations, pendant plus d'un an, entre Salim Sfeir et les banques qui en faisaient la demande, selon des informations confirmées mardi par Marwan Kheireddine. Une autre source bancaire, souhaitant rester anonyme, a également indiqué à L’Orient-Le Jour qu’une partie de l’ABL avait hésité à intégrer le patron de l’AM Bank à son conseil d’administration pour des questions d’image, pointant le fait qu’il a été mis en examen en France fin mars 2023 dans le cadre des poursuites visant l’ancien gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé. Contacté mardi, Marwan Kheireddine a assuré ne pas avoir eu vent de tels échos concernant son intégration au conseil d’administration de l’ABL.
Après l’annonce des quatorze candidats, Salim Sfeir s’est adressé à l’assemblée pour prôner notamment la coopération avec le nouveau président de la République, Joseph Aoun, élu le 9 janvier dernier après plus de deux ans de vacance, et le Premier ministre désigné, Nawaf Salam. Il a aussi appelé à organiser un « dialogue sur les questions financières » pour articuler des réformes à même de « sauver l’économie nationale, assurer la continuité des banques et protéger les droits des déposants, ouvrant ainsi une nouvelle page pleine d’espoir ».
Salim Sfeir a été élu pour la première fois au conseil d’administration de l’ABL en juin 2019, avant d’être reconduit en 2021. Le mandat de l’instance a ensuite été prolongé depuis juin 2023 en raison des circonstances exceptionnelles que traverse le pays, marquées par plus de cinq ans de crise, au cours desquelles les dépôts bancaires d’une majorité de Libanais ont été gelés unilatéralement et sans recours, poussant certains clients à se pourvoir en justice au Liban comme à l’étranger, avec plus ou moins de succès. En septembre dernier, Saradar Bank est devenue la première banque libanaise à être condamnée par un tribunal français à rembourser une de ses clientes. À Londres, Bank Audi et la SGBL (Société générale de banque au Liban) avaient déjà fait les frais d’une décision de justice à leur encontre au début des années 2020 pour ne citer que ces exemples.
Largement prise à partie par la contestation populaire qui a débuté le 17 octobre 2019, l’ABL a vu ses locaux saccagés à Beyrouth et a dû les fermer longtemps. En 2022, le braquage d’une agence de Blom Bank par Sali Hafez et sa sœur pour récupérer des dépôts gelés par les restrictions bancaires a été l’une des affaires les plus médiatisées de cette période, ce qui a poussé les banques à se barricader encore plus qu’elles ne l’étaient déjà.
Une majorité de banques sont techniquement en faillite et ne fonctionnent plus correctement depuis fin 2019. Elles craignent également de faire les frais d’une restructuration nécessaire pour relancer le système financier national. Ces établissements considèrent que c’est la Banque du Liban, où elles ont déposé plusieurs dizaines de milliards de dollars en placements rémunérés au cours des années précédant la crise, qui est responsable du gel des dépôts. Cette interprétation est loin de faire l’unanimité dans le débat public.
Ils ont bloqué nos dépôts ? Sorti les leurs ? Torpillé le plan Lazard ? Fait fuir le FMI ? Tant pis. On prend les mêmes et on recommence.
18 h 34, le 30 janvier 2025