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Moyen-Orient - Repère

À Gaza et au Liban, les crimes de guerre présumés de l’armée israélienne

Famine, déplacement forcé, torture, viols… Depuis le 7-Octobre, l’État hébreu a commis des violations très largement documentées.

À Gaza et au Liban, les crimes de guerre présumés de l’armée israélienne

Avant même la suspension des hostilités, des milliers de déplacés palestiniens ont pris la route pour rentrer chez eux. Ici, dans le camp de Jabalia, le 19 janvier 2025. Photo AFP

Le 21 novembre 2024, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêts contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité ». Dix mois plus tôt, en janvier 2024, la Cour de justice internationale (CIJ) rendait une ordonnance faisant état d’« un risque plausible de génocide » commis par Israël contre la population palestinienne dans la bande de Gaza. Une allégation soutenue depuis par plusieurs organisations internationales, dont le Comité spécial des Nations unies chargé d’enquêter sur les méthodes de guerre israéliennes.

Partant de ces accusations, et alors qu’une trêve entre le Hamas et Israël est entrée en vigueur dimanche, L’Orient-Le Jour dresse une liste non-exhaustive des crimes commis par l’État hébreu depuis le 7 octobre 2023 dans ses conflits contre le Hamas à Gaza (46 913 morts) et, dans une moindre mesure, contre le Hezbollah au Liban (4 047 morts), qui comprennent de graves violations du droit de la guerre, autrement appelé droit humanitaire international.

Déplacement forcé des Palestiniens et « nettoyage ethnique »

« Le fait d’ordonner le déplacement de la population civile pour des raisons ayant trait au conflit et qui ne sont pas requises par la sécurité des personnes civiles concernées ni par des nécessités militaires impérieuses », constitue des crimes de guerre cités dans le Statut de Rome instituant la CPI. Ce traité définit les crimes internationaux sur lesquels la Cour a un pouvoir juridictionnel, soit les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le crime de génocide.

À Gaza, l’armée israélienne a causé le « déplacement forcé » de 90 % de la population de manière « intentionnelle », « généralisée » et « systématique », résultat d’une « politique d’État », selon un rapport de Human Rights Watch (HRW) publié le 14 novembre. L’ONG, qui a examiné 184 ordres d’évacuation, évoque même un « crime contre l’humanité », parvenant à cette conclusion : « Il n’existe pas de raisons militaires impérieuses qui pourraient justifier de manière plausible le déplacement massif par Israël de la quasi-totalité de la population de Gaza, souvent à de multiples reprises. »

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« Les marches forcées ne sont pas une forme d’évacuation légitime car elles visent à éliminer et à déplacer sans droit de retour », estime l’avocate en droit humanitaire Sarah Kay. « Elles sont considérées comme un crime contre l’humanité, qui tombent dans la catégorie des atrocités car ce sont des crimes qui ne peuvent trouver de justification : sans nécessité, sans proportionnalité, sans distinction. C’est cette absence de rationalité que souligne HRW, et qui continue à soutenir l’argument de destruction systématique des Palestiniens. »

Ces déplacements ont probablement vocation à être permanents dans les zones tampons et les couloirs de sécurité, poursuit l’ONG, qui évoque « une forme de nettoyage ethnique » de la part des autorités israéliennes. Des accusations qui font écho aux visées de colons extrémistes, y compris le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich, qui ont appelé à recoloniser la bande de Gaza. Celui-ci a encore déclaré dans un communiqué le 20 janvier qu’Israël devait « conquérir l’ensemble de la bande de Gaza et y établir un régime militaire », avant de conclure : « Regardez Gaza, elle est détruite, inhabitable, et elle le restera ». Malgré la trêve entrée en vigueur le 19 janvier, il n’est pas à ce stade confirmé qu’Israël se retirera de la bande de Gaza et que les Gazaouis pourront rentrer chez eux sur l’ensemble du territoire.

La famine comme arme de guerre à Gaza

« Le fait d’affamer des civils comme méthode de guerre, en les privant de biens indispensables à leur survie, y compris en empêchant l’envoi des secours » est inscrit comme crime de guerre dans le Statut de Rome. Le blocus de vivres par la Puissance occupante constitue également une violation de la Convention de Genève IV, qui réglemente la protection des civils en zone de guerre.

Après que Yoav Gallant a déclaré un « siège complet » de la bande de Gaza, en octobre 2023, le nombre de camions d’aide est entré au compte-goutte. Il est passé de 500 à 12 par jour, avait déclaré Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, à la fin du même mois. Dans le territoire, 90 % de la population est « confrontée à des niveaux aigus d’insécurité alimentaire », selon un bilan du Programme alimentaire mondial. Depuis le 6 octobre 2024, Israël n’a autorisé que 34 camions de l’ONU transportant de la nourriture et de l’eau à entrer dans le gouvernorat du nord de Gaza, note par ailleurs Oxfam.

Des enfants marchent devant les décombres d'un bâtiment effondré avec une marmite de nourriture fournie par une organisation caritative avant le repas de rupture du jeûne pendant le mois sacré musulman du Ramadan, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 mars. Photo AFP/Getty Images

Dès décembre 2023, HRW a conclu dans un rapport qu’Israël utilisait la famine comme arme de guerre à Gaza, alors que « les forces israéliennes bloquent délibérément l’approvisionnement en eau, nourriture et carburant ; en même temps, elles entravent intentionnellement l’aide humanitaire, rasent des terrains agricoles et privent la population civile des biens indispensables à sa survie ». La faim est l’une des méthodes employées par Israël qui a poussé le comité d’enquête de l’ONU à évoquer en novembre dernier la possibilité d’un génocide à Gaza.

« L’absence de corridor humanitaire est la responsabilité du Conseil de sécurité, mais le blocus de Gaza en lui-même a pour but de créer des conditions inhumaines », observe Sarah Kay, soulignant l’intentionnalité d’Israël de provoquer la famine à Gaza. « De plus, plusieurs missions humanitaires par différentes ONG ont été attaquées, ainsi que le personnel des Nations unies lui-même. La loi contre l’Unrwa en est la manifestation la plus évidente. » Fin octobre 2024, la Knesset a adopté un texte interdisant les activités en Israël de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, alors qu’environ 2 millions de Gazaouis dépendent des activités de l’institution.

Torture et viols de prisonniers palestiniens

« Les prisonniers de guerre doivent de même être protégés en tout temps, notamment contre tout acte de violence ou d’intimidation, contre les insultes et la curiosité publique », selon la troisième Convention de Genève relative aux prisonniers de guerre. Le texte stipule également que ces derniers ont le « droit d’être jugés régulièrement et impartialement ». Les prisonniers civils, eux, ont droit à la protection qui leur est accordée en tant que civils. De nombreux cas montrent qu’Israël enfreint ces différentes clauses.

Dans les prisons israéliennes, l’ONG israélienne B’tselem a fait état en août dernier d’une « politique systémique de maltraitance et de torture » contre les prisonniers palestiniens, ayant reccueilli 55 témoignages d’une douzaine d’établissements pénitentiaires militaires et civils. La prison militaire de Sde Teiman, dans le désert du Néguev, est devenue emblématique de ce système d’abus. Environ 10 000 prisonniers gazaouis, dont une moitié de détenus administratifs sans inculpation ni procès, y étaient emprisonnés au mois d’août.

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Selon un rapport de la commission d’enquête de l’ONU sur les Territoires palestiniens, les prisonniers y sont menottés toute la journée, causant à certains des infections qui ont conduit à des amputations de membres. Le rapport onusien cite le cas de Adnan el-Bursh, chirurgien gazaoui réputé, dont un témoin a vu le corps couvert de bleus et se plaignant de douleurs, peu avant son décès. Une enquête de la chaîne britannique Sky News a révélé en novembre qu’il avait été torturé à mort, probablement violé.

Selon l’enquête des Nations unies, des viols avec « une sonde électrique pour provoquer des brûlures à l’anus et l’insertion d’objets, tels que des bâtons, des balais et des légumes » ont eu lieu. Neuf soldats israéliens avaient d’ailleurs été temporairement arrêtés en juillet après la diffusion d’une vidéo montrant le viol brutal d’un prisonnier palestinien, qui a ensuite dû subir une opération de l’intestin, son pronostic vital ayant été engagé.

Civils délibérément visés

Le fait de « lancer des attaques délibérées contre la population civile en général ou contre des civils qui ne prennent pas directement part aux hostilités », a valeur de crime de guerre dans le Statut de Rome.

Au-delà de bombardements indiscriminés, l’armée israélienne est accusée d’avoir tué des civils gazaouis de manière délibérée. De nombreuses vidéos de personnes non armées fuyant, ou parfois blessées au sol, exécutées par des tirs israéliens, ont été reprises dans des médias internationaux. En mai dernier, Amnesty International a publié une enquête contenant « des éléments prouvant que les forces israéliennes ont commis des crimes de guerre, notamment des attaques directes contre des civils ou des attaques aveugles, ainsi que d’autres attaques illégales et des sanctions collectives contre la population civile ». L’enquête portait sur trois frappes ayant tué 44 personnes en avril 2024 à Rafah et el-Maghazi, sans « aucun élément prouvant qu’il y avait des cibles militaires à l’intérieur ou autour des lieux visés par l’armée israélienne ». Devant une commission parlementaire de la Knesset en juin, Guy Zaken, copilote d’un bulldozer D-9 déployé à Gaza, avait expliqué que les soldats avaient dû, à de nombreuses reprises, « écraser » des Palestiniens, « morts ou vivants, par centaines ».

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Considérés par le droit international comme des civils, les journalistes sont, eux, 166 à avoir perdu la vie dans les conflits au Moyen-Orient depuis le 7-Octobre, dont 158 Palestiniens, six Libanais et deux Israéliens, selon le Committee to Protect Journalists (CPJ). L’organisation évoque « la période la plus meurtrière pour les journalistes » depuis qu’elle a commencé à recueillir des données en 1992.

Gaza, « un cimetière pour enfants »

En cas de conflit armé, l’enfant bénéficie de la protection générale accordée aux personnes civiles qui ne participent pas aux hostilités. Étant donné « la vulnérabilité particulière de l’enfant », les Conventions de Genève prévoient en sa faveur un régime de protection spéciale, incluant notamment la garantie de l’accès à la santé et à l’éducation. Même en prenant part aux hostilités, l’enfant ne perd pas cette couverture.

« Un cimetière pour enfants ». C’est ainsi que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, décrivait déjà en novembre 2023 le conflit à Gaza. Les enfants et les femmes représentent 70 % des victimes de cette guerre, selon l’ONU. Dans certains cas, les enfants auraient été délibérément visés par l’armée israélienne. Le 9 octobre 2024, le New York Times a publié la tribune d’un chirurgien américain ayant opéré à Khan Younès, faisant état d’un nombre particulièrement élevé d’enfants arrivés avec une seule balle logée dans le crâne, la nuque ou le côté gauche de la poitrine, laissant penser à l’oeuvre de snipers. La plupart sont morts. Témoignant devant le Parlement londonien, le chirurgien britannique à la retraite Nizam Mamode, qui a travaillé bénévolement à l’hôpital Nasser en août et septembre derniers, a de son côté fait état de drones israéliens ciblant des enfants blessés après des bombardements.

« Urbicide » à Gaza et destruction d’infrastructures civiles au Liban

« Le fait d’attaquer des biens de caractère civil » représente une violation du droit international coutumier, cité comme crime de guerre dans le Statut de la Cour pénale internationale, « sauf si ces destructions (...) sont impérieusement commandées par les nécessités du conflit », selon la base de données du CICR. Idem pour « le fait d’attaquer le personnel ou les biens sanitaires ou religieux », qui renvoie par ailleurs à une violation de la Convention de Genève IV.

Arguant que la présence de combattants justifiait ses opérations, Israël a rarement fourni des preuves démontrant la nécessité de cibler des infrastructures civiles. Un nombre important de photos et vidéos que des soldats israéliens ont eux-mêmes publiées sur les réseaux sociaux les montrent en train de faire sauter un bâtiment ou d’incendier du mobilier de Gazaouis forcés à l’exil, alors qu’ils ne faisaient face à aucun danger. À Gaza, environ 227 591 logements ont été endommagés ou détruits, ainsi que 68 % du réseau routier de l’enclave, selon deux analyses du Centre satellitaire des Nations unies (Unosat), publiées en septembre. Au 25 septembre dernier, près de 60 % des bâtiments avaient déjà été touchés ou détruits, selon une analyse satellite de l’Université d’État de l’Oregon et du CUNY Graduate Center. « Israël a ciblé tout élément de vie civile » à Gaza, conclut de son côté Forensic Architecture dans son rapport A Cartography of Genocide (827 pages), publié en octobre, qui décompte 425 écoles et universités et 273 édifices religieux visés.

Israël a également visé d’autres infrastructures vitales. Selon une enquête de France Télévisions basée sur les images satellite et publiée en octobre dernier, 69 % des installations hydrauliques de Gaza, y compris des puits et des centrales de dessalement et de traitement des eaux usées, sont aujourd’hui entièrement détruites. Dans l’enclave palestinienne, Israël a en outre mené « une politique concertée de destruction du système de santé », ce qui relève également d’un « crime contre l’humanité d’extermination », selon la Commission indépendante des Nations unies chargée d’enquêter dans les territoires palestiniens occupés sur les dix premiers mois de la guerre. Seuls 16 des 36 hôpitaux de Gaza sont partiellement opérationnels, notait fin décembre l’Organisation mondiale de la santé. Les allégations sur la présence de combattants du Hamas dans les hôpitaux de Gaza ont été « grossièrement exagérées », a déclaré Andrew Cayley, l’un des procureurs de la CPI. Au Liban, 55 hôpitaux ont été endommagés au cours de l’année dernière. Les frappes israéliennes en ont mis 15 à l’arrêt total ou partiel, selon le ministère libanais de la Santé. Prétextant que des bâtiments y étaient utilisés à des fins militaires par le Hezbollah, l’armée israélienne a par ailleurs dynamité 37 villages près de la frontière, selon un bilan datant de début novembre. Sauf que les destructions se sont poursuivies en dépit de l’annonce du cessez-le-feu le 27 novembre, en particulier au Liban-Sud. À Naqoura, le taux de destruction de la commune a ainsi atteint 70 % de sa superficie, contre 35 % avant le cessez-le-feu, selon le maire Abbas Awada.

Attaques contre du personnel de l’ONU

« Le fait d’attaquer des personnes ou des biens employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations unies », est énuméré comme crime de guerre dans le Statut de Rome. En 2020, le Conseil de sécurité de l’ONU a passé une résolution stipulant que « tous les actes de violence visant le personnel de maintien de la paix des Nations unies (...) pourraient constituer des crimes de guerre ».

A Gaza, 369 travailleurs humanitaires ont été tués depuis le 7 octobre 2023, selon un bilan publié le 8 janvier par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). La plupart (263) faisaient partie de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa), qu’Israël accuse d’être largement infiltrée par le Hamas, ce que l’ONU dément. En février 2024, un rapport des services de renseignement américains a mis en doute ces allégations, ajoutant qu’Israël n’avait pas partagé avec les États-Unis d’informations ou de preuves à ce sujet.

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Dans le sud du Liban, les forces israéliennes se sont frottées aux soldats de la paix onusiens. Le 10 octobre 2024, à la suite de son offensive terrestre, l’armée israélienne a tiré contre une tour d’observation du quartier général des Casques bleus à Naqoura, blessant deux soldats. Trois jours plus tard, deux chars israéliens ont enfoncé le portail d’une base de la Finul et forcé l’entrée d’un complexe de l’ONU, blessant 15 personnes. Selon Israël, l’opération visait à faire évacuer des blessés. La Finul a accusé les troupes israéliennes de tirer « de façon répétée » et « délibérée » sur ses positions. Benjamin Netanyahu a, de son côté, nié en affirmant à plusieurs reprises que la Finul n’était « pas une cible ». 

Le 21 novembre 2024, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêts contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité ». Dix mois plus tôt, en janvier 2024, la Cour de justice internationale (CIJ) rendait une ordonnance faisant état d’« un risque...
commentaires (5)

Les crimes AVĖRĖS ! A moins qu"utiliser ce mot soit de l'antisémitisme.

Politiquement incorrect(e)

09 h 33, le 26 janvier 2025

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Commentaires (5)

  • Les crimes AVĖRĖS ! A moins qu"utiliser ce mot soit de l'antisémitisme.

    Politiquement incorrect(e)

    09 h 33, le 26 janvier 2025

  • L’armée la plus morale de l’univers…

    Gros Gnon

    09 h 12, le 26 janvier 2025

  • Il faut relayer sans relâche toutes ces informations dans le monde "démocratique" et "civilisé" afin que la mauvaise foi , l'hypocrisie et les mensonges des défenseurs d'Israël et de "l'armée la plus morale du monde" éclatent au grand jour.

    Politiquement incorrect(e)

    21 h 22, le 25 janvier 2025

  • Remove the word présumés. They are documented.

    Hiram NAMAN

    20 h 35, le 24 janvier 2025

  • avec ce type d article on est pas pret de tourner la page :)

    JEAN PALVADEAU

    18 h 23, le 24 janvier 2025

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