
Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, entouré de ses députés après son entretien avec le président de la République, Joseph Aoun, lors des consultations parlementaires, le 13 janvier 2025 à Baabda. Mohammad Yassine/L’Orient-Le Jour
Jamais, depuis la fin de la guerre, la bataille pour la présidence du Conseil n’était aussi incertaine. C’est finalement Nawaf Salam, ancien ambassadeur du Liban aux Nations unies et actuel juge à la Cour internationale de justice, qui l’a largement remporté grâce à 84 députés qui lui ont accordé leurs voix lors des consultations parlementaires contraignantes menées lundi par le nouveau président de la République, Joseph Aoun.
Le choix de Nawaf Salam (dont le nom avait déjà été proposé à plusieurs reprises en 2019, 2020 et 2022) pour diriger le futur gouvernement n’est pas anodin. Il incarne la volonté de changement évoquée par le président Aoun dans son discours d’investiture, jeudi dernier. Mais dans le fond, il s’agit d’un nouveau revers subi par le tandem chiite Amal-Hezbollah. Celui-ci s’est trouvé, une nouvelle fois, incapable d’imposer sa volonté de reconduire Nagib Mikati à son poste de Premier ministre, face au large soutien dont bénéficiait le diplomate chevronné de la part de l’opposition, incluant le leader druze Walid Joumblatt, mais aussi du Courant patriotique libre, qui a ouvert une nouvelle page avec le chef de l’État. Un scénario qui n’a laissé au tandem chiite que le choix de la fuite en avant. Il a donc fini par voter blanc, comme pour tenter de dissimuler sa défaite, tout en plaidant pour un gouvernement « conforme au pacte national ». Il est donc très peu probable de voir les deux formations chiites permettre la mise sur pied d’un gouvernement dont elles ne feraient pas partie. La mission de M. Salam s’annonce ainsi pour le moins compliquée. Même si Joseph Aoun s’est montré optimiste en espérant « une formation rapide du gouvernement car le Liban est face à d’importantes opportunités », comme il l’a déclaré devant les journalistes à l’issue des consultations.
Le chef de l’État a tenu sa promesse de convoquer des « consultations parlementaires rapides ». Celles-ci se sont en effet tenues quatre jours seulement après la présidentielle. Sauf que cette fois-ci, la démarche était loin d’être un exercice de pure forme, comme ce fut le cas par le passé. Car jusque tard dans la nuit de dimanche à lundi, d’aucuns s’attendaient à ce que le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, soit chargé de former la nouvelle équipe ministérielle. La fameuse réunion tenue dans « l’entre-deux tours » de vote a poussé d’aucuns à affirmer que le duo Mohammad Raad-Ali Hassan Khalil, respectivement chef du bloc parlementaire du Hezbollah et bras droit de Nabih Berry, s’est engagé à ce qu’en contrepartie du vote chiite pour Joseph Aoun, le milliardaire tripolitain serait maintenu à son poste. Mais il n’en était rien. Preuve en est, les deux partis chiites n’ont pu compter que sur neuf députés ayant accordé leurs voix au Premier ministre sortant. Naturellement, ce sont essentiellement des proches du tandem chiite qui ont opté pour ce choix, notamment Haïdar Nasser (Tripoli), Jihad Samad (Denniyé), Michel Murr (Metn) et Georges Bouchikian (Zahlé). Mais à la surprise générale, des députés rangés jusqu’ici dans le camp anti-Hezbollah ont rallié le choix chiite. Tel est le cas de Bilal Houchaïmi (qui faisait pourtant partie de l’opposition restreinte) ou encore de Ghassan Skaff (élu en 2022 dans la circonscription de Békaa-Ouest-Rachaya grâce à des voix anti-Hezbollah). Un tableau sur lequel se greffent Jean Talouzian (Beyrouth I) et Abdel Rahmane Bizri (Saïda). De sources parlementaires concordantes, on indique que des rumeurs ont circulé ces derniers jours selon lesquelles M. Skaff s’attendait à être nommé vice-Premier ministre aux côtés de M. Mikati. Dans un tel scénario, M. Bizri, un médecin de renommée, aspirait à être désigné à la Santé. Les intéressés n’ont pas répondu à nos sollicitations. « Quant à M. Houchaïmi, il a probablement agi de la sorte parce qu’il pensait qu’en fin de compte, c’est Mikati qui remporterait la bataille », dit un député de l’opposition sous couvert d’anonymat.
Une manœuvre du Hezbollah
Pari perdu pour le Hezbollah qui, dans une tentative d’éviter un nouvel échec, a demandé le report jusqu’à mardi de sa réunion avec le président de la République « pour plus de discussions ». Mais la formation chiite s’est vue contrainte de faire marche arrière et de se rendre lundi à Baabda à l’instar de tous les autres groupes parlementaires, mais à 15h30 au lieu de 15h.
Le parti de Naïm Kassem a dû se rétracter face à un Joseph Aoun ferme sur ce point. Mais dans une volonté manifeste d’éviter tout différend inopportun avec le parti chiite, Baabda donne une autre version des faits : « Il n’est pas vrai que le président a refusé le report du rendez-vous du bloc du Hezbollah. Après avoir formulé cette demande, certains députés du bloc ont changé d’avis », raconte à L’Orient-Le Jour Rafic Chelala, porte-parole de Baabda.
Quoi qu’il en soit, cette manœuvre du Hezbollah risquait au plus de retarder le processus, faute de le torpiller carrément. Mais la colère se faisait sentir chez Mohammad Raad à sa sortie de Baabda. « Nous déplorons la tendance de certains à vouloir nuire à l’image d’entente du mandat et propager la division », a-t-il lancé, annonçant que son bloc n’a nommé personne pour former le nouveau gouvernement. « Nous avons fait un pas positif en élisant le président, et nous attendions une main tendue qui n’est jamais venue. » « Ils ont le droit de vivre leur expérience (sans le Hezbollah) et nous avons le droit de plaider pour un gouvernement conforme au pacte national », a ajouté M. Raad, rappelant que tout cabinet qui ne l’est pas serait « illégitime ». Des propos qui rappellent le discours du parti de Dieu lors de son bras de fer avec le gouvernement Siniora en 2006. Avec ses alliés Amal et le CPL, il avait alors tenté, sans succès, de faire tomber le cabinet dont il avait démissionné avec, en toile de fond, l’épineuse question du Tribunal spécial pour le Liban. De même, le bloc berryste n’a nommé personne (tout comme le bloc du Rassemblement national, proche des Marada) parce qu’« il ne faut pas qu’il y ait contradiction entre le pacte national et le véritable vivre-ensemble », pour reprendre les termes d’Ayoub Hmayed qui s’est exprimé au nom du bloc à l’issue de la très brève réunion avec Joseph Aoun.
Fait notoire, en début de journée, les députés (en majorité sunnites) de la Modération nationale affirmaient qu’ils allaient nommer Nagib Mikati, arguant qu’une désignation de Nawaf Salam sans le vote chiite risquait de provoquer une crise politique inopportune. Toutefois, le moment venu, ils ont changé leur vote pour soutenir l’ancien juge. Dans sa prise de parole, le député Walid Baarini a affirmé que cette nomination répondait à « la volonté des Libanais », rappelant qu’il maintenait un contact permanent avec Riyad. Ces députés ne sont pas les seuls à avoir fait pencher la balance. Il y aussi le chef du CPL, Gebran Bassil, qui a veillé à tenir un discours particulièrement positif à l’égard de Joseph Aoun, son plus grand adversaire de ces dernières années. « Nous avons tourné cette page au moment de l’élection du chef de l’État », a-t-il dit, jugeant « naturel » de nommer Nawaf Salam et – surtout – de « se ranger aux côtés du mandat ». Après avoir perdu une bataille face à Joseph Aoun, le leader chrétien ne veut clairement pas lui déclarer la guerre. Il met toutefois en difficulté son ancien allié, le Hezbollah, qui a refusé sa main tendue lors de la présidentielle pour contrer la vague Aoun.
Opposition et contestation accordent leurs violons
S’il traduit une volonté de laisser la porte ouverte à une éventuelle participation au futur cabinet, le vote blanc du tandem chiite s’explique par le fait que son apport de voix n’aurait pas permis la reconduction de M. Mikati, alors que son adversaire avait déjà récolté les voix requises pour sa nomination. Nawaf Salam a en effet pu compter sur l’opposition qui a réussi un rare test d’unité derrière lui. Car la bataille était claire. Pour les anti-Hezbollah, le but principal était d’empêcher le maintien de Nagib Mikati au Sérail. Après avoir avalisé le choix de Fouad Makhzoumi, député du Renouveau, l’opposition restreinte (Forces libanaises, Kataëb, Renouveau et certains électrons libres) a réussi à le convaincre de se retirer au profit de M. Salam, qui bénéficiait déjà de l’appui des députés de la contestation. L’Orient-Le Jour a appris que c’est Michel Moawad, son camarade au sein du bloc, qui est entré en contact avec M. Makhzoumi pour l’inciter à se retirer. Ibrahim Mneimné, parlementaire de la thaoura, a annoncé, lui aussi, son retrait de la course pour faciliter la victoire du juge, qui a également été soutenu par Neemat Frem, Jamil Abboud et leur allié beyrouthin Nabil Badre. « L’idée était de récolter le plus de voix pour Nawaf (Salam), confie à L’OLJ un député de l’opposition. Mais nous n’aurions pas fait ce choix sans être sûrs que les joumblattistes (8 députés, qui ont entretenu le flou jusqu’à lundi autour de leur choix) et le CPL (13) allaient nous rejoindre. »
Hier encore, tous ces malotrus étaient pour la pseudo résistance et La Défense de la Palestine et des intérêts des mollahs qui les gaver de postes juteux et de dollars subtilisés des caisses de leur propre pays. Aujourd’hui ils se sont rappelés au bon souvenir de l’unité nationale et même de la constitution qu’ils prétendaient défendre pour empêcher qu’un homme intègre, qu’ils ont pris un malin plaisir de diffamer et de calomnier afin qu’ils puissent continuer le saccage de leur pays. Elle est belle l’unité, surtout lorsqu’elle est exigée par la force des choses qui ne leur laisse aucun autre
12 h 08, le 14 janvier 2025