Critiques littéraires Architecture

Provoquer des émotions, comme au cinéma

Provoquer des émotions, comme au cinéma

D.R.

Ombres et Lumières. Un regard croisé entre le cinéma et l’architecture de François Joss, EPFL Press, 2024, 460 p.

François Joss est architecte, associé au bureau A-Architectes de Genève. Il est l’auteur de deux ouvrages majeurs publiés par EPFL Press : Ombres et Lumières (2024) et Le Management du projet de construction (2017). Parallèlement, il exerce une activité d’enseignement avec une implication variée dans le domaine académique. À la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève, il dispense notamment le cours « Architecture et cinéma » dans le cadre du Master commun d’architecture, en collaboration avec les écoles de Genève, Fribourg et Burgdorf.

L’ouvrage Ombres et Lumières découle directement de ce cours, explorant les interactions entre le cinéma et l’architecture. L’œuvre se divise en deux parties : la première est consacrée aux ombres et analyse vingt-quatre films, principalement en noir et blanc, issus de la période classique (années 1930-1960) alors que la seconde se concentre sur seize films contemporains dont la moitié est en couleur.

Scènes de films choisies

Chaque chapitre du livre évoque un film. François Joss en fait l’analyse à travers un texte explicatif et des esquisses. Ses illustrations à main levée, encadrées dans des fenêtres, représentent des séquences-clés des films et en explicitent les concepts principaux. Elles décomposent des scènes cinématographiques afin d’analyser et de réfléchir leurs éléments essentiels.

Dans White Heat (1949) du dramaturge Raoul Walsh, Joss décrit l’approche cinématographique du réalisateur, fondée sur l’instinct et la confiance en la spontanéité. Selon lui, l’architecture partage cette même logique, car « le résultat réel à venir ne peut être ni anticipé, ni réellement connu ». Dans ses esquisses, l’auteur analyse la lumière à différents moments du film, notamment celle qui apparaît zébrée à travers les barreaux de la cellule de prison, ou encore celle de la fumée blanche envahissant l’écran, créant à la fin du film « un ultime choc émotionnel ».

Sunset Boulevard (1950) de Billy Wilder est un film qui « traite notamment du temps qui passe et qui rend le monde que l’on connaît obsolète ». Dans ce chapitre, l’auteur examine plusieurs cadres et compositions : des personnages placés sur le tiers de l’image, des mouvements de caméra, des travellings avant, un resserrement progressif du cadrage, des contre-plongées, ainsi que l’usage de lumières naturelles et artificielles dans une scène de film dans le film. Nous y voyons « un espace éclairé par l’écran blanc de projection qui réfléchit l’éclairage des lampes de la pièce… ». En architecture, l’auteur rappelle l’utilisation des parois qui filtrent la lumière, assurant ainsi une répartition équilibrée dans l’espace et créant une atmosphère paisible et harmonieuse.

Éveiller nos émotions

Dans Ombres et Lumières, Joss écrit : « L’un des buts de cet ouvrage est de susciter l’envie de voir des films. Ces derniers sont vecteurs d’émotions, de passions possibles à venir. » En évoquant par ailleurs Le Corbusier, il le cite : « La construction, c’est fait pour ternir. L’architecture, c’est fait pour émouvoir. » Cette capacité à éveiller des émotions, présente tant dans l’architecture que dans le cinéma, semble constituer l’un des principaux axes d’intérêt du livre. Cependant, pour mieux s’adresser aux étudiants et enrichir leur champ de références, il est essentiel d’aborder en profondeur les composantes de ces deux disciplines et d’en comprendre les mécanismes.

Dans les films nous retrouvons « scénario, dialogue, mise en scène, décors, éclairage… lumière verticale ou horizontale, directe ou réfléchie, claire, chaude, dorée ou dramatique… lumière solide à couper au couteau ». Les éléments d’architecture peuvent être le mur, les ouvertures (porte et fenêtre), le toit, le sol, le balcon, etc. La conception cinématographique, tout comme celle de l’architecture (du moins, c’est ce à quoi ce livre fait allusion), s’appuie sur ces composantes pour créer une atmosphère capable de susciter nos émotions. Cette atmosphère qui nous meut, peut être définie par cette expérience qui transcende toute dimension ou référence. Une expérience qui vise à immerger pleinement le sujet dans son environnement (virtuel au cinéma et réel en architecture), tout en stimulant les sens et en structurant ainsi un « nouveau » corps.


Ombres et Lumières. Un regard croisé entre le cinéma et l’architecture de François Joss, EPFL Press, 2024, 460 p.François Joss est architecte, associé au bureau A-Architectes de Genève. Il est l’auteur de deux ouvrages majeurs publiés par EPFL Press : Ombres et Lumières (2024) et Le Management du projet de construction (2017). Parallèlement, il exerce une activité...
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