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Nos Lecteurs ont la Parole

Déchéance de l’homme

Quelque chose en particulier qui me frappe et qui continue à m’éblouir, c’est la figure de ces « nazis » qu’on dédaigne tous, qu’on juge inhumains ; ces figures historiques qu’on éloigne de nous à une échelle non seulement temporelle, mais aussi humaine.

C’est notre époque qu’on glorifie malgré ses failles qu’on réprime, qu’on pose au-dessus de tout, présumant qu’avec le temps nous avons fait quelque chose, que l’humanité a été chamboulée, que les hommes ont avancé, qu’ils tentent d’exploiter autant que faire se peut les possibilités de leur intelligence.

C’est cette croyance naïve qu’ils ont accompli beaucoup de leurs rêves, c’est cette fierté avec laquelle ils se mettent au-dessus des siens, c’est qu’ils veulent envoyer des robots sur d’autres planètes, ils choisissent de céder leur côté humain à des machines, ils détruisent à volonté leur terre, (se) font des guerres, mais par-dessus tout, c’est qu’ils veulent puiser leur part obscure et choisissent donc de faire usage de leur temps à s’entre-tuer.

C’est que l’histoire ne nous a rien appris, à part la haine et l’amour de celle-ci, qui continuent à se transmettre de génération en génération ; à part la tendance de l’homme au mal, envers sa propre nature. C’est cette capacité de l’homme à se dédouaner de sa part du jeu et de se dépouiller de la poussière qui recouvre son honneur pour la jeter sur l’autre.

Ce qui m’étonne aussi, c’est l’enfer des « camps de concentration » qu’on peine à imaginer, les films d’horreur qu’on suppose étrangers à notre « race » humaine encore subdivisée en d’autres « races », ces guerres des siècles d’avant et toute la cruauté dont l’homme a fait preuve.

C’est aussi notre capacité à lire leurs témoignages et à en être éblouis jusqu’au fond, sans même parvenir à concevoir ce qu’ils ont dû endurer ; c’est cette mise à distance qu’on pose par rapport à leur temps, à eux, c’est ce mépris qu’on présume face au passé, un passé qu’on croit enterré par nous, alors que ses séquelles nous hantent parce que rien n’a changé au fond.

On croit que c’est loin de nous, que notre siècle n’a pas connu de telles monstruosités encore. On croit que le mot « guerre » n’a pas sa place dans notre dictionnaire, qu’il résonne très loin de nous, qu’il est vide de sens dans ce monde qui est le nôtre, comme si c’est l’amour qui triomphe, par une ignorance salvatrice, mais éphémère.

Pourtant, la réalité c’est qu’on n’est pas vraiment né du bon côté de l’histoire. Nous aussi, nous faisons partie d’un côté très sombre de celle-ci. Nous aussi, nous vivons perpétuellement en guerre, mais nous sommes toutefois très humanistes.

Nous nous disons que non, les fléaux ne sont pas à la mesure de l’homme. Alors que si, mais c’est l’homme qui veut à tout prix se faire victime de sa liberté, il est sensible aux jugements qu’on lui reproche car hypocrite, il essaye de se réconcilier avec l’être qu’il est réellement, c’est-à-dire, avec le mal.

L’histoire, le passé ne sont qu’un reflet de nos contemporains, un miroir, où l’homme d’aujourd’hui regarde celui d’hier en face, mais prétend ne pas le reconnaître, en niant son double donc en se niant lui-même, comme s’il est le seul à pouvoir émettre un jugement sur lui-même, alors qu’il ne réalise pas que le monde entier se trouve derrière lui, à regarder sa réflexion, à voir sa réalité à double visage, son hypocrisie, son envers et son endroit, cette manie qu’il a à mentir aisément.

On parle de vainqueurs et de vaincus, alors que nous perdons tous, nous perdons tous un monde qu’on peut édifier par les forces qu’on a le privilège d’avoir, mais on préfère se montrer fort en matière de guerre.

Ce que nous vivons aujourd’hui parsème le livre de l’histoire de noirceur, le salit, l’abîme. Les hommes de notre temps sont dépourvus de ce quelque chose qu’on nomme humanité, une vertu qui leur fait défaut, eux, assoiffés de haine, de pouvoir, de vengeance, de ce jeu de qui-est-le-plus-fort.

Ils se qualifient de vertueux, alors que la vertu est normalement très généreuse, la paix aussi, elles se partagent, se multiplient, mais eux sont des avares par excellence, avares du pouvoir dont il dispose. Ils sont des génies, mais des génies du mal, des inventeurs très créatifs quand ça revient à la destruction, des pervers, le comble de l’ignominie, du vice, des hommes qui se nourrissent du mal qu’ils font.

On a peut-être tous une part obscure en nous, mais finalement on reste libre. Et ceux qui profitent de cette liberté pour tuer, pour commettre de telles atrocités, n’ont pas été conçus pour ce monde : ils sont là pour abîmer, pour tuer, pour arracher aux gens leur vie. Au prix de quoi exactement ?

Quand vont-ils se lasser de ce mal qui ne se nourrit que par lui-même, et qui n’aboutit donc à rien ?

Et si ce n’est pas notre époque qui est maudite, mais l’humanité en soi qui est sadique, perverse, corrompue et qui continuera toujours à l’être ? Quelle honte.

À mon avis, la guerre était et continuera à être un propre de l’homme, jusqu’au jour où il réalisera que les fléaux sont, effectivement, à sa mesure, jusqu’au jour où il prendra conscience que c’est lui qui trace l’histoire, son histoire, que c’est l’homme qui peut être le génie de tous les maux de ce monde, que c’est la faute à l’homme et qu’à lui. Que ce n’est pas la première fois qu’on voit des barbares, l’histoire nous l’a justifié, c’est juste que les circonstances ont révélé la vérité de ces hommes. Ils ne sont pas victimes des circonstances, mais instigateurs de cette violence, qui se cachaient jadis sous un abri démoli évidemment par le temps.

En fin de compte, certains hommes croient, à tort, qu’ils font partie d’une race supérieure. Ils se prennent pour des dieux, s’égalent ou tentent de s’égaler à eux, ils défient d’ailleurs toute chose qui les transcende – les lois, les dieux, les cieux, les valeurs humaines – en faisant de cette terre leur royaume –

illusoire bien sûr – alors qu’ils ne sont que des criminels qui salissent et détruisent l’humanité.

Ils se croient justes, dignes de cette force dont ils sont munis, ils ignorent que tant qu’un homme n’est pas libre alors c’est toute l’humanité qui vit dans l’enfer. Ils se croient juges des autres hommes et prennent la vie des gens comme s’ils étaient eux qui leur ont donné vie, ils doivent êtres les pénitents, mais ce sont les victimes qui sont au final au pied de l’échafaud, à la merci de ceux qui se prennent pour des juges.

La frontière qu’ils tracent entre un acte de justice et un meurtre reste poreuse, oubliant qu’au lieu de préserver la corde qui les unit en tant qu’humains, ils essayent de l’arracher à l’autre, de la couper, ils protestent contre la violence, au nom d’une défense, d’une idéologie, d’un parti, d’une religion, alors que c’est le sang des autres qu’ils ont aux creux de leurs paumes.

On a appris, par la force des choses et des circonstances, que gouverner, c’est voler. On croyait qu’on parlait d’argent, de nos droits peut-être, de notre liberté. Mais c’est la vie des gens qu’ils volent, c’est leur droit à celle-ci qu’ils arrachent, en plaidant, toutefois, non coupables, puis en se donnant le droit de dépister les blasphèmes en tant que des rois vertueux, sages. Ils se croient libres, mais uniquement aux dépens du massacre des autres, d’autres hommes, d’autres vies, d’autres âmes innocentes.

L’homme contemporain est sincèrement devenu indifférent, insensible à l’amour, à la délicatesse, à la douceur, à la tendresse, à ces récits qu’on nous donnait, enfants, pour nous dire que c’est notre génération qui sera sans doute vouée à changer l’humanité, en expliquant que « 1+1 » font deux, et que les hommes ne se font pas la guerre.

Ma réponse ?

Aujourd’hui, la guerre m’est plus évidente que l’absolu.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Quelque chose en particulier qui me frappe et qui continue à m’éblouir, c’est la figure de ces « nazis » qu’on dédaigne tous, qu’on juge inhumains ; ces figures historiques qu’on éloigne de nous à une échelle non seulement temporelle, mais aussi humaine. C’est notre époque qu’on glorifie malgré ses failles qu’on réprime, qu’on pose au-dessus de tout,...
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