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Idées - Point de vue

Au Liban, un président pour quoi faire ?

« Le président à venir devra mobiliser toutes les énergies et compétences, celles qui sont restées sur place et celles qui ont émigré. Réveiller une vaste ambition collective, là où il n’y a plus que des aspirations individuelles qui poussent les élites à partir. » 

Au Liban, un président pour quoi faire ?

Au centre, la chaise vacante du président de la République, au palais présidentiel de Baabda le 21 mai 2008. HO/Dalati-Nohra/AFP Archives

Ce n’est pas seulement d’une élection présidentielle que le Liban a besoin, au lendemain de la guerre dévastatrice qui a mis aux prises Israël et le Hezbollah. C’est d’une refonte du système tout entier. Les bouleversements géopolitiques induits par la guerre de Gaza, avec les revers militaires du Hezbollah et la chute du régime Assad, sont du même registre que ceux liés à l’effondrement de l’ordre ottoman après la Première Guerre mondiale, qui conduisirent à la proclamation de l’État du Grand Liban en 1920. Après un demi-siècle de guerres, d’occupations, de tutelles en tous genres et de mainmise sur l’appareil étatique, où tous les acteurs régionaux, en particulier la Syrie, se sont exercés à confisquer les décisions régaliennes et les ressources du pays, surgit une fenêtre d’opportunité pour reconfigurer le paysage politique local, sans compromission cette fois.

Depuis Taëf, ce paysage était figé, à l’instar des « démocraties populaires » derrière le rideau de fer soviétique. Soudain la scène libanaise (et syrienne) s’anime, comme la bobine enrayée d’un film qui se remet en mouvement.

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La Syrie post-Assad prend déjà son destin en mains, avec un HTC qui fait montre de pragmatisme inattendu (tactique ou stratégique), alors que le Liban attend que les autres décident pour lui, encore et toujours. Sortir de ce travers mortifère est une nécessité absolue. L’indépendance ne s’octroie pas, elle se mérite. Depuis cinquante ans au moins, les partis libanais se sont positionnés par rapport à la Syrie. Tous, sans exception, en ont été marqués au fer rouge : les souverainistes ont payé le prix du sang ; les prosyriens ont confondu l’idéologie baassiste avec l’allégeance au régime Assad, jusqu’à se faire, pour certains d’entre eux, les exécutants de ses basses œuvres au Liban. Tous les secteurs économiques du pays ont été saignés à blanc pendant des décennies. Résultat : tout est à refaire aujourd’hui.

Remettre l’État en ordre de marche

D’abord, évacuer le syndrome de Stockholm par rapport à tous ceux qui auraient encore la tentation de prendre le pays et son peuple en otage. Ensuite, remédier à la faiblesse congénitale d’un État ayant le compromis (tassouya) pour ADN. Certes, ce dernier s’est construit sur un pacte national qui a conféré à sa démocratie un caractère consensuel, mais il n’est plus possible de s’en remettre au lénifiant « ni vainqueur ni vaincu » pour régler les crises dévastatrices qui valent au peuple libanais un destin de Sisyphe. Le vainqueur sera l’État de droit, ou ne sera pas. Et les vaincus seront les Libanais qui n’auront pas su l’ériger. Le Hezbollah est appelé à intégrer une réalité que toutes les autres milices ont admise au lendemain de Taëf, quand elles ont rendu leurs armes : nul ne peut être au-dessus de l’État et l’armée nationale est la seule détentrice du droit d’usage de la force. Aussi la rengaine éculée du « candidat de compromis » devrait-elle céder la place à l’exigence d’un président au-dessus de tous, ferme et droit dans ses bottes. Il ne peut y avoir de compromis sur la souveraineté de l’État et son intégrité territoriale, sur la suprématie de son armée, sur les décisions régaliennes de défense, de politique étrangère et de sécurité intérieure. Dans une démocratie parlementaire, c’est à la Chambre des députés, censée représenter le peuple souverain, que se négocient les accords et les consensus, et non en amont, dans un « entre-soi » de club de caïds.

Avant que les éventuelles négociations internationales sur un « nouveau Yalta » régional ne soient conclues et les dividendes distribués entre les grandes puissances, il est indispensable que les responsables libanais soient proactifs dans la remise en ordre de marche de l’État, au lieu d’attendre passivement le sifflet du début (ou de la fin) de partie. D’où la nécessité d’élire un président.

Réinventer la démocratie libanaise

Mais quel serait son profil ? Se contenter d’être maronite n’est pas un programme de gouvernement. Le pays a besoin d’un président herculéen pour nettoyer les écuries d’Augias ; fermer le marché noir où prospèrent le blanchiment d’argent et les trafics mafieux ; restaurer la souveraineté en commençant par le contrôle des frontières, du port, de l’aéroport ; immuniser l’État et la société des tensions régionales qui menacent à chaque fois de faire éclater le fragile édifice institutionnel bâti sur les marchandages confessionnels.

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Élire un président aujourd’hui, c’est voter pour un package deal, qui inclut la formule gouvernementale (technocrate ou politique), le choix du Premier ministre et un agenda. Le temps des gages et des lots de consolation doit être révolu. Dans une démocratie parlementaire, le gouvernement est un organe exécutif et non un mini-

Parlement où a lieu un bras de fer perpétuel entre les partis, jusqu’à la paralysie. Pour restaurer l’État de droit, on ne peut plus se contenter d’en exercer les fonctions, il faut réinsuffler « cette vie propre, cette force intérieure » (de Gaulle) sans lesquelles les institutions ne sont que des coquilles vides. En clair, il faut réinventer la démocratie libanaise.

Le président à venir devra mobiliser toutes les énergies et compétences, celles qui sont restées sur place et celles qui ont émigré. Réveiller une vaste ambition collective, là où il n’y a plus que des aspirations individuelles qui poussent les élites à partir. C’est là qu’intervient le rôle de la diaspora, où de nombreux collectifs tentent, vaille que vaille, d’unifier leurs rangs pour repenser le Liban de demain. Sans l’implication des binationaux dont les talents irriguent les sociétés d’accueil, il ne peut y avoir de renaissance de la mère patrie. Ils ne doivent pas être uniquement les pourvoyeurs des remises qui maintiennent à flot la balance des paiements.

Le nouveau président devra s’entourer, non pas de courtisans, mais de conseillers et de ministres capables d’entamer avec lui le vaste chantier de la reconstruction, qui va de la santé et l’éducation à la production industrielle et agricole ; de la diplomatie à la politique économique, de l’écologie à la gestion (jusque-là calamiteuse) des ressources naturelles, notamment hydrauliques, et au développement de tout le territoire.

Il faudra songer aussi à injecter une dose de laïcité dans le choix des édiles, pour éradiquer le confessionnalisme qui gangrène les rouages de l’administration. Tous ces dossiers devraient être rattachés à une vision, absente depuis trop longtemps (depuis les années 1960 et la présidence Chéhab ?) de l’horizon libanais. Une telle vision est étroitement liée à la (re)définition de la vocation propre du pays. Or celle-ci a besoin d’être à nouveau clairement articulée, car plus de cent ans après sa création, le Liban figure au triste rang d’État failli, malgré une société dynamique et une intelligentsia de haut niveau. Il serait bon de se demander pourquoi et d’y remédier. C’est aujourd’hui ou jamais.

Par Carole H. DAGHER. Essayiste et romancière.

Ce n’est pas seulement d’une élection présidentielle que le Liban a besoin, au lendemain de la guerre dévastatrice qui a mis aux prises Israël et le Hezbollah. C’est d’une refonte du système tout entier. Les bouleversements géopolitiques induits par la guerre de Gaza, avec les revers militaires du Hezbollah et la chute du régime Assad, sont du même registre que ceux liés à...
commentaires (7)

Un président pourquoi faire? Cet article illustre l’idéologie que se font les libanais de leur nouveau pays. Pour ce faire il faut d’abord et de toute urgence procéder à l’éviction de tous les collabos qui se sont donnés à cœur joie d’anéantir leur pays en acceptant leurs postes usurpés par les fossoyeurs de notre pays, simplement pour s’enrichir. Leurs larcins devraient être dévoilés et rétrocédés à notre pays. Tous ceux qui ont commis le recèle tout en nous vendant leur soucis de voir notre pays à nouveau prospérer devraient être jugés et punis. Vaste programme qui nécessite un surhomme à la

Sissi zayyat

11 h 35, le 05 janvier 2025

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Commentaires (7)

  • Un président pourquoi faire? Cet article illustre l’idéologie que se font les libanais de leur nouveau pays. Pour ce faire il faut d’abord et de toute urgence procéder à l’éviction de tous les collabos qui se sont donnés à cœur joie d’anéantir leur pays en acceptant leurs postes usurpés par les fossoyeurs de notre pays, simplement pour s’enrichir. Leurs larcins devraient être dévoilés et rétrocédés à notre pays. Tous ceux qui ont commis le recèle tout en nous vendant leur soucis de voir notre pays à nouveau prospérer devraient être jugés et punis. Vaste programme qui nécessite un surhomme à la

    Sissi zayyat

    11 h 35, le 05 janvier 2025

  • Le nouveau président doit metter à la porte Berry

    Eleni Caridopoulou

    20 h 07, le 04 janvier 2025

  • Bravo Carol! C’est est la question a poser ! Hown el soual ! Pas évident!

    La voix du centre

    14 h 30, le 04 janvier 2025

  • TRES BONNE ANALYSE. MAIS VOUS DITES : L’indépendance ne s’octroie pas, elle se mérite. MOI JE DIS : ELLE SE PREND !

    LA LIBRE EXPRESSION. LA PATRIE EST EN DANGER.

    11 h 36, le 04 janvier 2025

  • Merci Madame Dagher de penser en citoyenne libanaise et non en membre d'une quelconque confession.

    Alain Raymond

    11 h 19, le 04 janvier 2025

  • Très bel article, le problème est que comme les résolutions de début d'année, les Libanais, ou tout du moins, ceux qui ont un peu de sens commun, savent ce qu'il faut faire. Mais pourquoi ne le font ils pas?L'édification de l'état est come un marathon où les efforts doivent être continus et stratégiques, il faut savoir utiliser les ressources à bon escient, les résultats n’apparaissant que bien plus tard. Notre société du paraitre et de l'image par rapport à la substance, nous donne une mentalité de sprinteur qui nous fait abandonner rapidement si les résultats ne sont pas évidents.

    Liban Libre

    10 h 55, le 04 janvier 2025

  • Absolument! Excellent article!

    Cadmos

    09 h 42, le 04 janvier 2025

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